La séquence 11 (le film contient 12 "tableaux") présente quelques pensées philosophiques sur l'existence, délivrées de façon claire, et résume en quelque sorte le sens de ce film : illustrer par l'image le déroulé de la vie, alternance d'éléments tragiques ou comiques, intégrés dans un système social qui repose sur des rapports dominants-dominés. Il est simplement dommage que la séquence finale (12) soit un peu décevante. Un film novateur pour son époque de réalisation, qui mérite d'être découvert (par les néophytes).
Le second DVD de l'édition pieuse de Vivre sa vie que j'ai en main présente notamment une longue (45 minutes) intervention de Jean Narboni, qui fut rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et entraîna la malheureuse revue vers les impasses du gauchisme forcené jusqu'au maoïsme. En écoutant le dithyrambe narbonien et ses mille manières renouvelées de tresser des couronnes au film de Godard,
je me disais que tout ce qui était présenté comme innovation intelligente, coup de génie, habileté éblouissante était précisément ce que j'avais détesté le plus. Et comme tout est de la même veine, j'ai précisément tout détesté. (Un repentir : le thème musical, de Michel Legrand,
est très beau : mais indéfiniment répété, jamais développé, il finit lui aussi, à crisper le spectateur).
Cinéma chichiteux, bourré de tics invariables (j'ai retrouvé les mêmes trucs ridicules dans Pierrot le fou, tourné trois ans plus tard) : la manie du son direct, qui rend souvent peu compréhensibles les dialogues, parasités par des bruits de fond ; le foutage de gueule permanent d'images volontairement décomposées (personnages décentrés, ou filmés de dos) ; la manie du collage d'interventions hétéroclites (insertion d'une longue séquence de La Passion de Jeanne d'Arc
de Dreyer,
numéro burlesque d'un protagoniste secondaire, conversation dans un bistro avec le philosophe Brice Parain (ceci fait pour donner au spectateur émerveillé l'impression qu'il est intelligent), glacial jeu de questions/réponses naturalistes sur la prostitution au début des années Soixante. Bref un patchwork indigeste, souvent peu supportable.
J'ai mis 1, et non pas 0, parce que j'ai un petit faible pour Anna Karina et parce que j'ai terminé mon exploration du double DVD par un joli petit court métrage Tous les garçons s'appellent Patrick,
avec notamment Jean-Claude Brialy
et Nicole Berger.
C'est léger, désinvolte et délicieux ; mais c'est écrit par Éric Rohmer,
ce qui explique bien des choses, et tourné par un Godard
qui ne se prenait pas encore pour Godard.
Voilà un avis très sévère, pour un film à mon sens de très bonne qualité, et surtout accessible. Je mettrais Vivre sa vie dans le même panier que Masculin, féminin,
La chinoise
… Il doit y en avoir quelques autres du même type. Des plans innovants, des idées bien empaquetées, un apport indéniable au cinéma français.
J'émets en revanche de vives réserves pour bien d'autres films de Godard, tout simplement insupportables aujourd'hui (Week-end ou Passion).
De Godard, je dirais ceci : a fait quelques très bons films, a innové, et malheureusement réalisé un paquet de long-métrages accessibles à quelques exégètes uniquement.
Je n'arrive toujours pas à comprendre par ailleurs, vous qui êtes en phase avec un certain cinéma académique, comment vous pouvez porter aux nues L'important c'est d'aimer de Zulawski (long-métrage dont j'ai du voir simplement les vingt premières minutes avant de jeter l'éponge), bien plus artificiel et difficile à avaler que ce présent Vivre sa vie.
Quelque chose m'échappe…
Me chipoteriez-vous, Vincentp sur la contradiction que je perçois, dans mes goûts, entre mon adulation pour La maman et la putain et ma détestation pour Vivre sa vie,
que je comprendrais votre étonnement. Mais L'important c'est d'aimer
est un film à la construction très classique, un mélodrame à quoi on est sensible (c'est mon cas) ou non (c'est le vôtre), mais qui n'a aucun rapport avec les complications de la Nouvelle vague….
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