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Sujet : Le rapport au temps


De Gaulhenrix, le 6 mars 2007 à 00:26
Note du film : 4/6

Ce film mérite bien un avis…

Dans les films de Robert Zemeckis, le thème du temps est récurrent. Retour vers le futur le rappelle assez. Le titre même et le récit de science-fiction qu'il recouvre combinent, en une comédie irrésistible, théorie scientifique de la relativité du temps et application fantaisiste nourrie des rêves humains de jouer avec – on ne peut résister au plaisir de la citation ! – « le continuum spatio-temporel ». Seul au monde, à l'inverse, – comme d'ailleurs Forrest gump – s'emparent du même thème du temps mais le traitent, cette fois, de façon plus grave.

Déjà, on remarque que Zemeckis adapte la structure de son film au thème qu'il entend traiter : l'homme et son rapport au temps. Pour montrer les différences de perception du temps, il propose au spectateur d'accompagner son personnage, Chuck Noland, à travers trois époques de sa vie : d'abord, celle du cadre ambitieux à l'activité débordante ; puis, celle du naufragé solitaire sur l'île et, enfin, celle de l'homme meurtri par les événements et définitivement transformé. Mais ces trois périodes ne sont pas traitées également. La première et la dernière durent, à l'écran, une trentaine de minutes, quand la partie centrale sur l'île s'étire sur près de quatre-vingt minutes, dilatant le temps pour le spectateur comme pour son personnage, de façon à opérer une identification plus vraisemblable. Cette structure (30' – 80' – 30') a le mérite de la clarté et s'accorde parfaitement au propos du réalisateur : le temps mesuré par l'horloge n'est décidément pas celui perçu par la conscience qui l'accélère ou le ralentit selon qu'il lui paraît trop lent ou trop rapide.

Cette variation dans la représentation du temps qu'a Chuck Noland avant l'accident et, ensuite, sur l'île, prépare une réflexion qui débouche sur le problème du sens de la vie…


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De droudrou, le 6 mars 2007 à 08:02

Votre façon de présenter le film me parait intéressante.

Je n'ai pas vu le film. Diverses raisons : Tom Hanks m'énerve copieusement ; Zemeckis m'agace et m'apparait irrégulier dans son oeuvre. Il est difficile de le situer : A la poursuite du diamant vert apparait comme un film d'aventures, sorte de remake des aventures d'Indiana Jones – Qui veut la peau de Roger Rabbit est très bon du point de vue technique et comporte des gags intéressants mais il me fatigue par un rythme endiablé qui ne permet pas un instant de se reposer la vue sous une telle avalanche – je ferai à peu près la même remarque à propos de Le pôle express qui m'apparait néanmoins original – et puis on passe à ses machines "en dehors du temps" et j'avoue que je n'ai pas aimé ses Retour vers le futur où je trouve lourds certains passages même si ça peut apparaitre sympa, les poncifs semblent par trop insister dans l'expression de certains gags et Contact m'apparait comme un grand bluff destiné à mettre en valeur Jodie Foster sans pouvoir tenir ses objectifs. Chez moi, Jodie Foster a perdu son aura et elle me semblerait n'avoir pas tenu Toutes ces belles promesses

J'avais aimé Forrest Gump mais avoue que le film n'a pas tenu d'être revu plusieurs fois. D'autre part, la question est de savoir si Gump est un personnage réel ou de fiction. Ce que je crois surtout c'est que chez Zemeckis, les trucages sont bons. Mais…


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De Gaulhenrix, le 6 mars 2007 à 10:56
Note du film : 4/6

L'ambition professionnelle a peu de prix si elle se construit sur les décombres des vraies valeurs humaines de la présence au quotidien, de la chaleur et de l'amour. Ajoutons donc envers les autres à la phrase précédente.

En venir à Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier. On peut évoquer à juste titre, l'ironie. En effet, l'auteur inverse malicieusement le propos de Defoe : ce n'est plus Robinson qui éduque Vendredi, mais celui-ci qui enseigne la vie à celui-là… Mais ce roman offre bien d'autres richesses !

Droudrou, tes réserves sont fondées (les goûts et les couleurs… ). Mais, si tu as l'occasion de voir ce film, tente le coup !


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De Gaulhenrix, le 12 mars 2007 à 16:04
Note du film : 4/6

Une remarque supplémentaire pour illustrer ce qui précède par le retour concret au film. Dès lors que l'on est d'accord sur le sens du film, on peut considérer l'accident de l'avion qui s'abîme en mer (dans un fracas sonore particulièrement souligné et sans doute symbolique) comme une belle métaphore : la destruction de la vie antérieure superficielle de Noland , bien sûr ; mais aussi, puisqu'il est plongé dans le liquide amniotique originel qu'est l'océan, sa re-naissance annoncée.


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De Gaulhenrix, le 12 mars 2007 à 17:01
Note du film : 4/6

No-Land !!! Excellent ! Et si juste… Tournier n'écrit pas autre chose dans Vendredi ou les limbes du Pacifique : "Il est écrit qu'on n'entre pas dans le Royaume des Cieux si l'on ne se fait pas semblable à un petit enfant. Jamais parole d'Evangile ne s'est appliquée plus littéralement. La grotte ne m'apporte pas seulement le fondement imperturbable sur lequel je peux désormais asseoir ma pauvre vie. Elle est un retour vers l'innocence perdue que chaque homme pleure secrètement. Elle réunit miraculeusement la paix des douces ténèbres matricielles et la paix sépulcrale, l'en-deçà et l'au-delà de la vie." (Folio, p. 112)

La grotte, qui est retour aux origines de l'espèce, de l'individu (Cf. L'origine du monde, de Courbet), qui est maternelle : (Cf. le manoir de Norman Bates dans Psychose).

No-land : le seul souvenir comme territoire…

On pourrait y voir aussi l'échec d'une forme de vie naturelle, utopique (''Cf. Platon et Thomas More).


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De Impétueux, le 9 septembre 2016 à 19:30
Note du film : 4/6

Je suis assez surpris que l'excellent – et hélas disparu ! – Gaulhenrix présente Seul au monde, qui m'est apparu en excellente robinsonnade, comme un film structuré en trois parties d'inégale longueur dont le réalisateur, Robert Zemeckis souhaitait faire percevoir les incertitudes du rapport au Temps.

J'avoue platement que le premier segment, la vie de Chuck Noland (Tom Hanks) employé efficace et perpétuellement en surchauffe de la société de transport rapide FedEx, m'a semblé un peu long et qu'il ne me semblait pas nécessaire que le réalisateur insistât autant sur cette sorte d'apostolat de l'urgence marchande dont vit (et que subit, sans à peine s'en rendre compte) le personnage.

Mais surtout j'ai trouvé peu supportable la troisième partie, le retour à la Civilisation de Chuck, longuement naufragé sur une île inhospitalière des mers du Sud, sa prise de conscience que le monde a changé, ses collègues évolué et que la femme de sa vie, le croyant mort, s'est mariée et a un enfant. Par décence, j'aimerais n'avoir rien à dire sur le torrent de mélasse sentimentale qui déferle lorsque Chuck et son ancienne fiancée, Kelly (Helen Hunt), sous une pluie battante, découvrent qu'ils s'aiment encore. Ce genre de connerie indécente de mièvrerie devrait pouvoir être interdite au cinéma (En prison ! en prison pour médiocrité ! comme dit Montherlant dans Fils de personne).

Demeure la partie intermédiaire, la plus longue et la plus intéressante – et de loin ! – portée à merveille sur les uniques épaules de Tom Hanks. L'avion de FedEx où il avait pris place, s'abîme en mer ; il échoue sur une sorte de grand rocher, seul survivant du vol. Chuck va passer plus de quatre ans en terre étrangère et presque hostile, redécouvrant, au fil des jours, le silex taillé, le feu, la pèche au harpon et surtout… la sociabilité grâce à un ballon de volley-ball grimé de son sang et baptisé Wilson qui est son interlocuteur, son Vendredi, à qui il s'adresse et qui reçoit ses humeurs…

Il est certainement très difficile de faire sentir à partir de l'écran ce que peuvent être les pensées, les désespérances, les accablements, les terreurs d'un homme abandonné sur un caillou isolé de tout. En revanche, l'ingéniosité humaine, la capacité d'inventer ou de reproduire les techniques qui ont fait sortir l'Homme de sa condition de primate, sa fabuleuse volonté de survivre émerveillent toujours autant. Et interpellent chacun : aurais-je été capable, moi, avec si peu, quelques colis récupérés de la sauvagerie de l'Océan, quelques souvenirs de scoutisme, un peu d'inventivité, de survivre tant d'années sans abandonner ? Serais-je capable de me faire sauter une dent pourrie douloureuse en cognant dedans ?

De ce point de vue, Seul au monde est remarquablement bien fait et on suit avec un plaisir mêlé d'effroi les mésaventures et les progrès de Chuck, ses renoncements, ses émerveillements, ses échecs et ses triomphes. Le physique assez passe-partout de Tom Hanks, si bien exploité dans l'excellent Forrest Gump, est tout aussi efficacement employé ici.

Dix minutes à retrancher au début ; vingt cinq à supprimer à la fin ; et vous aurez un film très bien fichu.


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