Le journal d'un curé de campagne est adapté du roman éponyme de Georges Bernanos.
Le jeune curé d'Ambricourt confronté dès son arrivée au mépris et à l'hostilité de ses
paroissiens, rudoyé par sa hiérarchie, ira de désillusion en désillusion jusqu'à la mort.
Bien qu'au final, la trame du film soit toute simple, Bresson ménage ici un suspense et des rebondissements dignes d'un condamné à mort s'est échappé, ce qui
en soit est remarquable.
Pour ce qui est du fond, le film est certes éprouvant, et demande une certaine disponibilité d'esprit mais demeure abordable et est réellement captivant. On y pénètre progressivement et jusqu'au vertige dans l'intimité dans ce prêtre – c'est là ce
qui fait la puissance d'un journal – et l'on en ressort tout chamboulé. La solitude et la souffrance de cet homme de foi y sont poignantes.
Ce qui est admirable avec Bresson, c'est qu'il réussit à dépasser l'anecdote pour témoigner de la condition humaine. Ce miracle, il y parvenait dans un condamné à mort s'est échappé en témoignant de la formidable envie de vivre des hommes, il y parvient aussi ici, en le plaçant face à la mort inexorable qui l'attend.
Vous l'aurez compris, on est pas là dans un cinéma de divertissement, mais si le coeur vous en dit, cassez votre tirelire…Le film n'est disponible – oh scandale !- que chez Criterion, soit encore plus cher que la compagnie Méditérannéenne de Films, ce qui n'est pas peu dire…
L'ennui semble avoir pris possession des âmes de cette campagne d'Artois bien isolée. Seule une même hérédité d'ancêtres alcooliques rapproche un jeune curé de ces nouveaux paroissiens ruraux consommés par la solitude, austères, aigris dont certains à peine éclos rêvent de diaboliser la terre par leurs soifs de tout connaître.
Assailli par ses états d'âmes, se nourrissant mal, buvant du mauvais vin le nouveau curé d'Ambricourt rongé par un mal incurable dont son jeune age devrait l'épargner se débat dans un torchis campagnard mêlant méfiance et suspicion.
Le fils pleuré engendre cloisonnement et renoncement religieux. Les troubles de l'adolescence se partage entre la servitude de Marie Madeleine et le vice dévorant de Salomé.
Une voix interne remplie un carnet de notes, de doutes, d'adultères, de mépris et de haines pendant qu'une hiérarchie tout en conseillant la prudence approuve le manque d'amour que doit subir un homme d'église de la part de paroissiens acceptant difficilement l'aspect monocorde de la parole de Dieu.
Sur la fin le Christ est raillé, molesté, moqué. Une route identique que semble prendre ce lointain descendant en ce vingtième siècle sur un site impitoyable, abandonné ou les ambitions revanchardes s'intègre dans un planning de vie menacée.
Pendant que l'homme en noir tente de dualiser un sacerdoce dans une approche personnelle de la vie basée sur des sens en élaboration, la maladie progresse lentement en s'emparant d'un organisme de plus en plus affaibli.
Ce nouvel envoyé de Dieu jeune, tendre, internement instable préserve abusivement la pureté de sa mission en oubliant de soigner les exigences modernes d'âmes trop reclues, marquées par une nature saisonnière alimentant malfaisances et remises en causes.
La perception des autres et de soi-même s'ébauche dans une tentative de connexion religieuse commune pendant qu'un mal incurable s'adonne à la destruction des organes d'un jouvenceau anéanti par l'interrogation et la nutrition sommaire.
« Le journal d'un curé de campagne » extrêmement épuré montre les faiblesses directives d'un homme d'église uniquement guidé par la conquête de la grâce au détriment des besoins d'une jeunesse avide de vivre intensément le bien comme le mal dans un monde palpable
Le meilleur film de Bresson selon moi (avec "Pickpocket" qui est un peu plus difficile d'accès).
Une histoire bouleversante qui, malgré l'austérité apparente de la réalisation, peut toucher n'importe quel public (ce qui n'est pas forcement le cas d'autres films de Bresson avec ses fameuses "voix blanches"). J'ai l'ouvrage en Z1 (édition Criterion d'occasion), vu que je n'ai jamais réussi à dénicher la version Z2 parue (ou non ?) chez Studio Canal Classique…
Classique intemporel revu sur grand écran, dont l’écriture cinématographique repose (à mon sens) sur la superposition de plusieurs lignes mélodiques (comme en musique). La première ligne mélodique est assurée par l’image, la seconde ligne par le texte du dialogue, la troisième par le ton du dialogue, la quatrième par la musique. Ces lignes se superposent, se juxtaposent, coulissent les unes par rapport aux autres, créant un spectacle vivant, et de l’émotion.
Par exemple, la jeune fille et le prêtre discutent sur une durée assez longue. Le texte du dialogue dit « je te déteste ». Le ton du dialogue dit « je t’aime » (ou « je te désire » dixit un expert). L’image montre un couple accordé (qui se déplace en fin de séquence à la même vitesse, regards orientés dans la même direction). Le dispositif est efficace, porteur de sens et d’émotions de spectateurs, et contrebalance le côté austère de l’œuvre.
Le film est austère, grandiloquent, douloureux, solennel. À peu près conforme au roman, déjà bien accablant, mais renchéri par l'esprit janséniste de Robert Bresson qui n'a jamais laissé place à l'espérance, sauf à dire que la Grâce, la Grâce seule, peut modifier le cours des choses. On peut comprendre, d'ailleurs et c’est ainsi que s’achèvent livre et film ; mais que c'est long, que c'est lent, que c'est guindé ! Ce qui peut se laisser lire, découvrir, aimer, passe beaucoup moins dans l'optique sévère d'un cinéaste qui n'a jamais cessé d'enquiquiner tout le monde.
Il y a des amateurs de ce cinéma-là. S’être ancré sur les récits graves de Georges Bernanos est assez conforme à son esprit. N’empêche que lorsque Maurice Pialat réalise le superbe Sous le soleil de Satan
et choisit Gérard Depardieu
et Sandrine Bonnaire
pour incarner ses personnages, il est bien davantage convaincant.
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Il est vrai aussi que le premier roman de Bernanos, publié en 1926, décrit le combat d’un saint contre Satan alors que le Journal, publié dix ans plus tard est celui d’un pauvre homme contre la médiocrité, celle des autres mais aussi contre la sienne propre…
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