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Sujet : critique


De dumbledore, le 18 octobre 2003 à 13:24
Note du film : 6/6

Etrangement traduit par l’opinion publique qui n’est pas vraiment le sujet du film, A Woman of Paris est l’Ovni de la filmographie de Charlie Chaplin. D’abord, c’est un drame sans humour et ensuite, Charlie Chaplin ne joue pas dans le film (1) (ce qui sera le cas pour la comtesse de Hong-Kong son dernier film. On pourrait ajouter contre autre anomalie l’échec public du film, pourtant encensé par la critique.

Pourtant le film mérite toute l’attention et l’admiration, aussi bien dans la démarche qui fut celle du réalisateur et dans la réussite de cette démarche. Charlie Chaplin voulait faire un film adulte, sur un sujet adulte (la séparation d’un couple par le destin, et l’impossibilité pour ce couple de se reformer au point de déboucher sur une tragédie), et non pas une comédie tarte à la crème ou un mélodrame, deux genres de narrations faits pour exacerber les affects, l’un dans le rire l’autre dans les larmes. Charlie Chaplin voulait viser le réalisme. A cet égard, ce film est déjà révolutionnaire. Rappelons que nous sommes en 1923 et que le cinéma n’a pas 25 ans ! Ensuite, il voulait prouver qu’il était possible de rendre compréhensible la psychologie des personnages tout en restant cohérent avec la psychologie humaine. Le jeu d’acteur du cinéma muet est basé sur l’exagération, proche à cet égard à la commedia dell arte, un jeu très physique, très extrême. Les personnages expriment par force de gestes et de mimiques ce qu’ils ressentent : indignation, peur, colère, tristesse… Or dans la réalité, il est bien rare qu’on montre ses sentiments. Au contraire même. Le jeu social est tel qu’on est plus porté à exprimer l’inverse de ce que l’on ressent. On veut paraître indifférent quand on est blessé, on veut montrer la joie quand on s’ennuit, etc.

Autrement dit, ce qu’essaye de faire Charlie Chaplin dans l’opinion publique, c’est de faire un film… « parlant », reprenant aussi bien le champs d’investigation que pourra aborder le cinéma parlant (la psychologie et ses nuances) que sa direction d’acteur (moins extériorisée qu’intériorisée).

Cette recherche de « film parlant » est d’autant plus fort que Charlie Chaplin se sentira menacé dans les années 27/28 pour Les lumières de la ville avec l’arrivée du parlant.

Charlie Chaplin était totalement conscient que son opinion publique était un film expérimental car un carton était présent à l’entrée des salles et au début du film pour indiquer que le film était un drame et que Charlot n’était pas dedans. Il avait même pris de soin de remettre une lettre d’excuse pour expliquer qu’elles furent ses intentions formelles et prévenant qu’il est très possible qu’il échoue et que toute la faute lui incombait…

Le film en lui-même possède de très belles qualités et des scènes d’une grande force cinématographique. Il y a d’abord des images de foule particulièrement étonnante pour l’époque comme les fêtes parisiennes très fastueuses ou le drame final avec ce mouvement de foule qui va vers le mort, puis revient vers la jeune femme qui s’évanouit… Une scène toutefois sort du lot, parfaite en tout point de vue, allant du jeu des comédiens, au rythme de la scène en passant les mouvements et psychologiques (rapports de forces qui changent d’un instant à l’autre) et physiques des personnage. Il s’agit de la scène de la rupture entre la jeune femme et son riche amant.

Le film propose également une construction d’orfèvre. Sa structure est d’une simplicité frôlant la pureté : les amants sont séparés initialement par un malentendu, ils se retrouvent brisés l’un et l’autre et se séparent de nouveau sur un malentendu, mais cette fois, cela sera fatal pour eux. On a là une structure classique d’enfoncement systématique propre à la tragédie : chaque événement enfonce davantage les personnages.

Mais le plus intéressant réside peut-être dans les personnages. Ils sont d’une rare complexité. Adolphe Menjou fait preuve d’une riche complexité. Il semble apparemment distant, cynique et l’est certainement, mais on découvre également peu à peu que malgré les apparences, il est réellement amoureux de Marie. Mais son incapacité à l’exprimer par la parole et l’action lui rend impossible tout retour d’amour. Marie elle-même est complexe et constitue la figure centrale de l’histoire, ce qui est un cas unique encore une fois dans l’œuvre de Chaplin. Ses hésitations entre le monde de la richesse et la pauvreté sont vite relayées par un autre dilemme, moins social mais plus psychologique : prendra-t-elle le risque de tout perdre pour aller vers un homme qui l’a déjà trahi… Et qui la trahira encore. L’autre couple du peintre et la mère est sans doute le plus étonnant. D’abord parce qu’on a une figure de la mère dévouée à son fils mais possessive, ambivalence alors rare au cinéma mais ô combien fort de tragédie. Et puis surtout, il y a le personnage de Jean, le peintre, l’artiste. Il incarne également une figure rare, celle du jeune homme impuissant. Impuissant à tenir tête à ses parents, impuissant à garder l’estime d’une femme, impuissant à garder sa parole. Son impuissance frôlera la lâcheté dans un acte final (classique dans le cinéma de l’époque) qui n’a (ici) rien de grandiose, juste de pathétique.

Film peu connu donc, mais riche et à découvrir.


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De s6, le 1er septembre 2004 à 16:26

Le titre français "opinion publique" de "a woman in apris", de Chaplin n'est pas si étonnant que votre article le suppose : c'était le titre que Chaplin avait prévu en anglais. Ce dernier voulait en effet faire une critique d'un certain mode de vie de la bourgeoisie de son époque. Mais pour se protéger de la censure, il a préféré "a woman in paris".


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De jipi, le 1er décembre 2006 à 15:33
Note du film : 5/6

En spécifiant la dominante dramatique de l'oeuvre Charlie Chaplin met les choses au point des le départ par un petit message d'information, il n'apparaît pas dans « l'opinion publique ».

Des la première image, on perçoit de suite l'atmosphère pesante d'un logis de province triste, noir et embrumé. Marie Saint Clair (Edna Purviance) est séquestrée par un visage paternel de cire.

Jean Millet (Carl Miller) son amant ne peut imposer une union à un père obtus. La grisonnante chevelure des deux géniteurs est synonyme de conflits de générations et d'hostilité envers un couple désargenté mais désirant se stabiliser par le mariage.

Devant de telles pressions symétriques paternelles, la fuite est inévitable mais Marie par un concours de circonstances défavorables l'exécute seule. Dans la capitale, la beauté aidant l'ascension devient rapide, Marie côtoie les fumets, les liqueurs et les champagnes, Jean est archivé, Pierre Revel (Adolphe Manjou) son nouvel amant et riche il brille de mille feux ceci malgré l'ame d'un Médicis attiré par l'union des fortunes que représente un beau mariage que Marie ne peut espérer.

L'ambiance est Balzacienne, Grandeurs et misères des courtisanes avec entre ces deux extrémités une réflexion de la belle sur l'intérêt de l'existence, la caresse de son collier par Pierre lui donne une vision du milieu.

Les débauches parisiennes sont récurrentes, les dîners deviennent ennuyeux et Pierre ne reste jamais, Marie comme pratiquement toutes les femmes est programmée pour une vie ou le relationnel masculin n'est pas positionné entre deux conquêtes.

L'impact de la gaudriole semble un moment indélébile, les paillettes sont grisantes, les amies enjouées, mais Jean devenu artiste peintre refait surface, l'environnement protecteur est reconsidéré par une sensibilité, la morale reprend le dessus, Marie élabore un avenir avec son premier amour même dans le dénuement.

Il faut attendre la conclusion pour savourer la douceur d'un retour aux sources impératif pour un équilibre : L'intérêt pour des enfants socialement perturbés par la misère. Marie empêchée par le destin de conclure selon une lucidité retrouvée rebondit en fuyant la sécheresse d'un contexte artificiel uniquement basé sur le paraître. En protégeant par l'investissement de belles têtes blondes orphelines elle retrouve un naturel enfoui.

Pierre un instant nostalgique sur une route de campagne dans sa luxueuse automobile se demande ce que Marie a bien pu devenir. Une charrette croisée sans un regard contient la réponse.



 

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De vincentp, le 10 septembre 2016 à 04:48
Note du film : 6/6

Très beau film de Charles Chaplin de 1923, qui conserve un caractère moderne (seuls quelques ressorts mélodramatiques un peu appuyés ont un peu vieilli). La critique des moeurs de la bourgeoisie est réalisée avec finesse. Chaque séquence déroulée avec un esprit d'analyse et de synthèse apporte un plus par rapport à la précédente. A travers les mésaventures de trois personnages, et de leurs relations au sein de la société, le cinéaste dresse un portrait de l'humanité. Adolphe Menjou produit une interprétation toute en nuances de premier ordre. A woman in Paris est porté par une vision du monde, caustique, et sans doute quelque peu dérangeante pour le spectateur, ce qui explique son succès public limité à l'époque. Avec le temps, ce film est devenu un classique. L'image restaurée est de très belle qualité.


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