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Forum : Mon oncle

Sujet : Avis


De jipi, le 20 novembre 2006 à 10:17
Note du film : 5/6

Hulot tente en vain d'allumer sa pipe avec une allumette. Ce sont les derniers spasmes d'un lunaire essayant désespérément de résister à l'attrait du briquet.

Vestimentairement déphasé, il montre sa différence par le port d'une gabardine et d'un parapluie par temps clair. Son immeuble est l'image architecturale d'un esprit parvenant au but par l'incohérence d'un parcours toujours incertain. On grimpe quelques marches pour aussitôt redescendre de quelques mètres, un léger parcours plat précède une dernière remontée, l'homme est enfin chez lui après de nombreuses remises en questions.

A l'extérieur les terrasses de cafés sont animées, les scènes de marchés sont pittoresques, c'est un véritable catalogue de transactions entre vendeurs et clients, l'approche est simple, chacun respecte sa procédure de contact en relation avec le règlement relationnel qu'impose les besoins de chaque participant, c'est le royaume de la cause et de l'effet.

Non loin de la, c'est un autre monde, le modernisme a envahi les lieux de cette maison complètement fermée sur elle-même. On déclenche le jet d'eau extérieur en fonction de la position sociale du visiteur, les pièces sont d'un blanc peu engageant, les gestes des occupants maniérés, l'électro ménager est imprévisible

L'imposante voiture sortant du garage est un signe des temps, la naissance d'un nouveau personnage en costume cravate imbu de sa personne, fier de la conception de son logis, recevant ses clients dans des bureaux gris et froids ou les dossiers à traiter sont pratiquement inexistants sur les tables de travail.

C'est la parade de l'inutile que Hulot essaie de contrer par un vieux vélomoteur imposé dans un espace vert ou chaque pas est réglementé.

Gérard l'enfant de la maison s'ennuie et se ressource par des blagues ancestrales sur des terrains vagues seuls endroits naturels encore préservés. Cet oncle tombé du ciel le maintient encore un peu dans des lois dictées uniquement par l'enfance.

Hulot montre ses limites d'intégration par ses difficultés à gérer des tuyaux prenant subitement l'image de saucisses. Par un geste naturel un chien referme la porte électrique du garage sur la maîtresse de maison et son mari, le symbole est fort, un modernisme anarchique tétanise des disciples décontenancés qui ne savent plus comment s'en sortir.

Les grosses voitures américaines prennent possession des routes, c'est la monstrueuse parade de l'arrivisme par l'adoration de la tôle. Playtime s'élabore lentement dans ce premier jet prophétique.

Les seuls éléments non touchés sont les enfants et les chiens qui par leurs ébats respectifs naturels servent de prologue et de conclusion en freinant au maximum ce basculement inévitable de nos sociétés vers le presse bouton.


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De gilou40, le 6 novembre 2010 à 15:46
Note du film : 4/6

On aime ou on déteste Tati. La messe est dite. Sans être une fan inconditionnelle, je dois dire que j'apprécie beaucoup ce côté déjanté, apparemment dingue du personnage central. M. Hulot est un type qui s'est trompé d'époque et subit sans arrêt les attaques d'une vie citadine qui le dépasse. Un looser parmi de faux et robotiques gagnants. Sans conteste, Tati a un style. A lui, rien qu'à lui, bien à lui.

Mais au passage de ce film, l'autre matin à 1h30 (et oui, encore ces horaires débiles), je revoyais Jean-pierre Zola

le M. Arpel, propriétaire androïde de cette maison très futuriste. Il est un des personnages clé de ce film et jamais on ne le voit en gros plan. Pourtant, C'est un visage qui nous est familier. Il fut également et entres autres, militaire dans Babette s'en va t-en guerre, Le mur de l'Atlantique ou encore Paris brûle-t-il ? Et je pensais en le voyant à tous ces acteurs anonymes sans vraiment l'être. Ces acteurs, artisans du cinéma, bons ou mauvais, que l'on aime à voir surgir au détour d'un plan où de deux ou trois humbles répliques. Il y en a eu de très célèbres, vedettes malgré eux tant ils étaient bons, et tant ils ont joué. Je pense à Carette, Roquevert, Larquey ou encore Albert Rémy et Tissier. Ils sont vite devenus des seconds rôles recherchés.

Et puis il y a de ces "troisièmes couteaux" dont on est bien incapable de dire le nom, mais qui ont jalonné le cinéma de limpide façon.

Clément Harari

médecin diabolique de Inspecteur la bavure, Hans de La nuit des espions ou retraité inquiétant de radio corbeau
Hubert de Lapparent
avocat retors de En cas de malheur, bijoutier des Aventures d'Arsène Lupin et otage paniqué de La traversée de Paris..
Bernard Musson
, inpecteur La Baule de Ah ! les belles bacchantes ou valet de chambre zélé de Jacqueline Maillan dans Archimède, le clochard
Maurice Nasil
,La peau d'un homme,, curé du Président ou ami fidèle de Fernandel dans La vache et le prisonnier
Paul Demange
, truand Le frisé de L'armoire volante ou client radin de Gabin dans Voici le temps des assassins
Jacques Rispal
,Frédo, routier alcoolique de La menace, communiste paillet de L'Affaire Dominici ou tenancier véreux de Peur sur la ville
Gérard Darrieu
, conducteur fou de corbillard dans A pied, à cheval et en voiture ou irréductible Picard du Le Professionnel
Marc Eyraud
, voisin soupçonneux du Jardinier d'Argenteuil, éducateur des Grandes gueules ou le toubib du Gitan
Albert Rémy
, truand de Razzia sur la chnouf ou Barjolin de French Cancan

Et on pourrait en citer mille autres qui ont fait leur travail, juste leur travail, accompagnant mille fois les plus grands. Sans recherche de vedettariat absolu. Ces visages vite devenus indispensables au cinéma. Ces visages sans qui les stars brilleraient beaucoup, beaucoup moins…


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De Impétueux, le 6 novembre 2010 à 23:32

Excellent message, Gilou40, et excellentes évocations ! Il est bien regrettable que nous n'ayons jamais pu, sur DVDToile avoir un espace où des sujets comme celui-là puissent être mis en valeur…. Car comment retrouver, dans quelque temps, hors la grâce d'un improbable hasard, ces silhouettes si importantes du cinéma français, au détour d'un commentaire sur Mon oncle ?

Je suppose que, puisque vous vous intéressez aux deuxièmes et troisièmes rôles, vous connaissez l'excellent bouquin de Raymond Chirat et Olivier Barrot Les Excentriques du cinéma français (Henri Veyrier, éditeur) ? Si non, vous allez, si vous le trouvez encore chez un bouquiniste ou une librairie spécialisée, vous en mettre plein les mirettes…


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De vincentp, le 7 novembre 2010 à 20:15

J'ajouterais tous les seconds rôles des "nouvelles aventures de Vidocq : Marc Dudicourt (Flambart), Danièle Lebrun (la baronne), Robert Party (Fouché)…


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De Gilou40, le 27 décembre 2010 à 17:25
Note du film : 4/6

Je l'ai eu ! Pas facile à se procurer ! Et savez vous qui a reussi cet exploit ? Non pas le Père Noel, mais mon petit brocanteur qui me fournit en articles religieux depuis des années. Les voies de Dieu sont impénétrables…


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De Impétueux, le 27 décembre 2010 à 18:40

Vous allez vous régaler, Gilou40 ! C'est à déguster à petites doses, comme un vieux Cognac ou une Chartreuse savamment dosée : c'est bien écrit, bien illustré, plein d'évocations savoureuses.

A ceux qui comme Môssieur Arca (l'esprit fort de DVDToile) nient la réalité de l'intervention divine dans le monde de contingence que nous vivons, voilà un cinglant démenti !!!

Gloria in exelcis Deo !!!


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De vincentp, le 28 décembre 2010 à 09:10

Ce brocanteur rusé doit simplement disposer d'un bon réseau d'informateurs ! Surtout si Gilou40 lui achète chapelet sur chapelet, comme d'autres se fournissent en vin corseté ! Attendez donc un peu avant de crier en latin au miracle divin !

Je vous recommande pour ma part l'excellent ouvrage de Vincent Pinel (ce n'est pas moi), paru chez Larousse, et intitulé "le siècle du cinéma".


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De Impétueux, le 28 décembre 2010 à 12:34

Je ne crois pas que ce soit, Vincentp, le même type d'ouvrage ; Les Excentriques, c'est une galerie de seconds rôles exclusivement français ou francophones, et non pas un ouvrage historique, sûrement très intéressant par ailleurs.

Dans mes souliers de Noël (Il est né, le divin Enfant !) j'ai trouvé ceci, dont je me pourlèche d'avance…


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De Gilou40, le 28 décembre 2010 à 15:54
Note du film : 4/6

Vincentp, je n'achète pas chapelet sur chapelet et ne suis pas encore une vieille bigotte. Je n'en ai ni l'âge, ni le goût. Je ne sais pas si mon petit brocanteur a un bon réseau d'informateurs ( Etre croyant, c'est pas non plus L'armée des ombres !! ). J'ai simplement quelques amis qui apprécient tout ce qui touche à la religion par le biais d'arts divers. Livres, bibles rares, peintures, sculptures, etc….D'ou le petit brocanteur. Qui ne fait pas que ça : La preuve !

Il avait ça aussi dans un recoin de sa boutique magique.

Sourires, soupirs et délires du Cinéma Français des années 30.
Raymond Chirat.
Editions "Les 5 Continents"


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De vincentp, le 28 décembre 2010 à 16:24

Je ne suis pas une bigotte…

Dont acte. Mais voici deux photos récentes de votre gentil brocanteur, alias Fufu la fripouille !


1) Début décembre, Gilou40 formule sa demande de recherche du livre "les excentriques du cinéma français" à son brocanteur éberlué !


2) "C'est 120 euros, madame Gilou40"


3) "Homard, champagne, foie gras : c'est Gilou40 qui régale!"


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De Nadine Mouk, le 5 décembre 2015 à 23:35
Note du film : 5/6

Voir un film de Jacques Tati donne un sentiment jubilatoire. D'abord, ses films ne ressemblent à aucun autre. Le cadrage est très soigneusement choisi, les couleurs détonantes et la bande son infiniment travaillée. Ensuite parce que Tati porte un regard décalé sur le monde, un regard d'enfance délicieux qui fait que l'on se sent tout de suite à l'aise à regarder avec les yeux du cinéaste.

Plus de 50 ans après sa sortie, le spectateur peut constater que ce film n'a pas vieilli. Les comportements humains sont les mêmes. Nous avons ceux qui sont débonnaires et essayent de s'en sortir malgré leurs faiblesses et ceux qui cachent leurs failles derrière des artifices technologiques. Ah ! Si le cinéaste était encore de ce monde aujourd'hui, que n'aurait-il fait comme gag visuels avec les I-Pod, I-Pad, mulots de tout poils, écrans tactiles et compagnie ? Nous aurions eu un joli feu d'artifice moqueur et tendre. Il est clair que dans nos sociétés, ce sont plus les genres "Arpel" qui se sont multipliés, au détriment des joyeux dingues de type M. Hulot. Jacques Tati est de l'école, la grande école de la pantomine. Il est de la famille de Chaplin et Keaton. D'ailleurs, coupez le son sur le film et vous comprendrez pratiquement tout. Tati a rajouté du son comme élément participant à la pantomine. Rappelez vous le traitement sonore infligé par Chaplin à ses personnages dans Les Temps modernes ou dans Les Lumières de la ville . Nous sommes dans le même registre.

On a le bonheur de revoir ce film avec toujours la même joie, même si la musique est un peu lassante (mais très mémorisable). Les trouvailles visuelles me font à chaque fois rire : les yeux de la maison, Hulot marchant sur les dalles et le nénuphar, le poisson glougloutant, la voisine sur sa tondeuse. Phénoménal Hulot ! Dire que des pisse-froids ont voulu lui retirer sa pipe ! Le monde est trop plein de "Arpel", décidément ! Au-delà de ces considérations, Mon oncle est inventif et hilarant de bout en bout, avec la touche inimitable de Jacques Tati, tant comme cinéaste que comme acteur. Honni par les uns, adulé par tant d'autres, ce cinéaste aura su remué bien des consciences . Et c'est bien là un des devoirs du très bon cinéma.


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