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Sujet : Beati pauperes spiritu !


De vincentp, le 25 septembre 2005 à 13:10
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Monicelli, Risi, Scola : que de bonnes comédies réalisées, tel ce film…

Mais ou est donc le cinéma italien aujourd'hui ? C'est comme si le Milan AC jouait en série C.

Heureusement Moretti, Benigni de temps en temps…


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De Impétueux, le 7 novembre 2006 à 18:51
Note du film : 6/6

Depuis que le cinéma existe s'est créé un riche sous-genre où la précision horlogère le dispute à l'exploit individuel, dès qu'il s'agit de rapporter la grosse galette, les plans secrets du sous-marin ou les preuves de la culpabilité du traître. Cela consiste à s'introduire, par des moyens ingénieux, quelquefois rocambolesques dans le cœur même du coffre fort (aux sens propre ou figuré, bien sûr) et de pouvoir en ressortir sans trop attirer l'attention.

Que ce soit Mélodie en sous-sol, Le cerveau, Du rififi chez les hommes ou Mission impossible, le suspense tient à la riche personnalité d'individualités pittoresques tout autant que dans un usage très précis du temps du récit, que le cambriolage réussisse ou que – et c'est le cas la plupart du temps, pour des raisons moralo-sociologiques – il échoue plus ou moins lamentablement , comme dans les films premiers nommés ou dans Topkapi, par exemple.

N'empêche que, quel que soit le ton, grave ou plus léger, il y a, après présentation des personnages et préparation du casse, il y a donc un long moment, le plus haletant possible, de suspense et d'incertitude.

Tout cela donne de bons films, voire de très bons, mais peu de chefs-d'œuvre. Si j'exclus volontairement Ascenseur pour l'échafaud, dont le sujet est plus vaste et différent, me viennent à l'esprit spontanément Quand la ville dort et Le cercle rouge.

Et Le pigeon, récit tendre et chaleureux d'un ratage intégral accompli par d'attachants, de merveilleux minables, dans une Italie encore bien pauvre (on est pourtant déjà en 1958) où le petit peuple se débat, se débrouille, combine et survit avec le sens du tragique et de la bonne humeur caractéristique de notre sœur latine.

Si on rit beaucoup, s'il y a des scènes ou des situations d'anthologie (l'apprentissage par le vieux truand retraité, Dante Cruciani (Toto, en robe de chambre et en chapeau) de l'ouverture habile d'un coffre-fort, la possessivité maladive de Ferribotte (Tiberio Murgia, prodigieux) sur sa sœur cloîtrée, Carmelina (Claudia Cardinale, dans un de ses premiers rôles) et d'autres merveilles), on s'attendrit tout autant devant le courage quotidien de ces paumés qui essayent de préparer de manière quasi scientifique un cambriolage dérisoire et, après s'être trompés de mur à percer, se résignent à finir un fond de pois chiches pour au moins grappiller quelque chose. Et la séparation des Pieds nickelés dans le matin qu'on devine frisquet porte à la fois toute la résignation et toute l'espérance du monde.

Acteurs prodigieux (Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, Renato Salvatori à l'orée de leur carrière, Toto éclatant), réalisation élégante et rapide d'un Monicelli inspiré, tendresse, à tout moment, pour les choses et les gens : une pure merveille, dans une excellente édition Canal+ classique.

À voir et à revoir…


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De PM Jarriq, le 7 novembre 2006 à 20:13

Dans ce genre de film que les anglo-saxons appellent "caper movies", il y en a un qu'on a oublié, mais qui vaudrait sûrement d'être revu, c'est Gambit, dont la première moitié est une sorte de "coup du siècle" classique, monté à la seconde près par des pros infaillibles sans états d'âme… Le coup réussi, on se rend compte que ce qu'on vient de voir n'est que le "plan" rêvé par le chef de la bande (Michael Caine). La deuxième partie du film est l'échec lamentable du fameux plan, point par point. Et c'est terriblement jouissif de voir démontée sous nos yeux cette horloge suisse. Je ne sais pas si ce film vieux de presque 40 ans tient encore le coup aujourd'hui, mais en tout cas, l'idée reste excellente.


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De Arca1943, le 7 novembre 2006 à 23:44
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Et dans le registre comique, le difficilement résistible The Lavender Hill Mob.


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De Impétueux, le 8 novembre 2006 à 09:54
Note du film : 6/6

Je n'avais naturellement pas pour ambition de dresser une liste exhaustive, d'autant que – bien sûr – hors le squelette de l'intrigue – il n'y a naturellement rien à voir entre Le pigeon, monument de tendresse narquoise et des films où l'essentiel de l'intérêt réside dans l'ingéniosité du cambriolage.

Cela dit, Monicelli indique quelque part que c'est Du rififi chez les hommes qui lui a donné l'idée de faire un film de ce type…


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De Arca1943, le 8 novembre 2006 à 12:06
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Oui, Monicelli l'explique dans la très intéressante entrevue qui accompagne cette superbe édition Canal. Il raconte les réunions avec Age, Scarpelli, Suso Cecchi d'Amico et les discussions à bâtons rompus d'où sort peu à peu le film, il parle de sources diverses : le film de Dassin, une histoire de Calvino, des articles de journaux et… des petits voleurs "très amusants" que lui et ses amis se trouvent à fréquenter ! Les vrais soliti ignoti, en somme…


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De Arca1943, le 29 décembre 2009 à 02:01
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je reformule à cette occasion toute mon admiration quant à la façon dont Monicelli et ses complices filment la ville, ses quartiers populaires et ses petites gens. Une oeuvre emblématique du cinéma de genre, qui sans jamais être "à message" ni dépeindre ses personnages comme de simples victimes de la méchante société, confère une humanité inimitable à ces milieux que les marxistes appelaient « sous-prolétaires ».


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De Arca1943, le 27 octobre 2010 à 04:44
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Après Carlo Pisacane, Memmo Carotenuto, Renato Salvatori, Marcello Mastroianni, Vittorio Gassman, voici que Tiberio Murgia, Michele le Sicilien du Pigeon, nous a quittés le 24 août dernier à l'âge de 81 ans. De l'équipe de rêve de ce film pourtant tout récent (1958), il ne reste plus que le carré des dames, toujours intact : Carla Gravina, Claudia Cardinale, Gina Rovere et Rossana Rory.

Tiberio Murgia a fait son numéro de Sicilien dans de nombreuses comédies, avant de se diversifier avec l'âge. Après Le Pigeon on l'a retrouvé sur un nouveau cambriolage (Hold-up à la milanaise) et en admirateur de Francesca Bertini dans La Grande guerre. On le retrouve même avec plaisir dans Le Pigeon vingt ans après. On le croise aussi dans des comédies françaises comme L'Homme orchestre et La Poudre d'escampette. Encore un qui n'avait pas dételé : il interprète son dernier rôle dans un film de Maxime Alexandre intitulé Holy Money (2009) (avec Joaquim de Almeida et Ben Gazzara).

Un de ces indispensables "piliers de soutien", je n'oublierai pas de sitôt son hilarante composition en frère aîné ombrageux de Claudia Cardinale négociant pied à pied le trousseau de sa soeur. « Je ne suis pas d'accord sur la question du matelas… »


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De Impétueux, le 27 octobre 2010 à 13:01
Note du film : 6/6

Je joins mon souvenir ! Dans Le pigeon, il a un jeu si typé, si extraordinairement grincheux, suspicieux, inquiet, qu'il crève l'écran…

On ne se lasse jamais de voir et revoir ce chef-d'œuvre de dérision affectueuse…


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De Arca1943, le 14 décembre 2010 à 19:56
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Tiré de Fruttero et Lucentini, « Années de plomb et années de plume » (sur le Pigeon et la comédie à l'italienne), in La Prédominance du crétin (Livre de poche) :

« Dans cette ambiance, à la fois jungle et vivier, dans le désordre, dans le tintamarre, dans l'improvisation, dans un creuset d'effronterie et d'irrévérence, dans la spontanéité et le hasard les plus grands, naquit le cinéma comique italien, le plus vaste phénomène de créativité et de génie collectif que notre culture ait produit depuis la commedia dell'arte et l'opéra bouffe.

Personne ne s'en rendit compte, évidemment. Les intellectuels de l'époque, le sourcil froncé, déjà, par l'engagement et le 2 novembre, cherchaient plutôt la truffe «national-populaire» du côté, par exemple, de Luchino Visconti, duc exquis et engagé. Personne ne comprit rien, comme d'habitude. »

« Nous-mêmes, raconte Scarpelli, nous nous sentions à une distance astronomique du «vrai» cinéma. Des fourmis sur la marche la plus basse de l'escalier de marbre. Nous cuisinions nos farces, nos bouffonneries, nous construisions nos personnages déments, nos folles extrapolations, en pêchant cependant toujours dans ce que nous voyions autour de nous, inconscients, inspirés. Nous riions, nous nous amusions, que pouvait-on demander de plus? C'étaient des années de plumes. Il nous semblait normal que les critiques, les intellectuels, les hérauts des chefs-d'oeuvre nous regardent de haut en bas, ignorent notre travail. »


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De vincentp, le 27 janvier 2020 à 22:28
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Revu sur grand écran, et la confirmation d'un classique de poids, peut-être le meilleur film réalisé par Mario Monicelli au cours de sa longue carrière. La première impression est celle d'une beauté visuelle de tous les instants, produite par la qualité de la photographie de Gianni di Venanzo : gestion des lumières, contraste du noir et du blanc, perceptible par exemple en intérieurs, lors de la séquence située dans le cinéma. L'affiche qui représente Vittorio Gassman en Kean (1956) produit une mise en abyme, sans tomber dans l'emphase ou la caricature forcée. Il y a aussi ces immeubles populaires en arrière-plan filmés sur le toit de l'immeuble, conférant à ce récit une dimension sociale. Des dialogues existentiels que l'on peut attribuer à Suso Cecchi d'Amiccho croisent les répliques de comédie du duo Age et Scarpelli, par exemple lors de la séquence dansée. Le pigeon déroule des péripéties et des situations très finement positionnées en décalage des stéréotypes.

Une autre impression favorable est produite par le croisement d'aspects comiques et sociaux, géré par une représentation élaborée des déplacements physiques de personnages au sein de leur environnement. Les compères en lente progression sur la verrière sont rattrapés par la réalité du couple en dispute, situé sous leurs pieds. Monicelli alterne plongées et contre-plongées pour représenter le côté à la fois comique et dramatique de la situation. L'évolution psychologique, les émotions très diverses, sont portées impeccablement par les locomotives comme Vittorio Gassman ou par des figurants pittoresques. Les aspects sonores, le montage, le choix des décors (faubourgs populaires) complètent le tableau d'ensemble. On a le sentiment final d'avoir affaire à un divertissement et à un cinéma d'auteur qui pousse à réfléchir sur les rapports humains et sociaux, ceci sans une fausse note, sans une exagération malvenue, sans un temps mort.


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