Pourtant, le travail de Rouquier me semble avoir une résonance qui me fait me régaler de la voir et revoir. Peut-être par sensibilité personnelle et particulière parce que, prenant pour cadre la France du dernier demi-siècle, elle est dénuée de tout exotisme, de tout pittoresque, de tout ce qui fait, finalement qu'un phoque ici, un hibiscus là, un baobab dans la savane un peu plus loin, paraissent forcément donner une sorte d'artifice démonstratif à la description de l'étrangeté.
Je n'ai qu'à demi digressé ; sans doute, les paysans de Farrebique, qui ne sont pas encore les agriculteurs qu'ils seront devenus lorsque, plus de trente-cinq ans plus tard, Rouquier
viendra les filmer dans Biquefarre,
sans doute les paysans rouergats mènent-ils une vie dont nous n'avons plus guère idée, toute d'épargne, de labeur, de soumission à la nature, faite par et pour une communauté familiale et villageoise dont il ne reste plus grand chose.
Je serais bien en peine d'expliquer pourquoi et comment Rouquier parvient à nous intéresser au déroulement de la vie routinière, paisible et lente de cette famille de paysans du village de Goutrens. Sans doute une grande part de l'extraordinaire emprise que ce film exerce sur ceux qui sont tombés sous son charme tient-elle à l'honnêteté – on pourrait dire presque à la pureté – du dessein de son auteur, qui disait au moment de sa sortie Farrebique
est un film « vrai » parce qu'il a été tourné dans un vrai village du Rouergue avec de vrais paysans pour interprètes. Je veux faire vrai et simple.
Ce qui fait qu'à la fin du film, si loin qu'on est du mode de vie, des préoccupations, des espérances, des attentes de Roch, d'Henri ou de Maria – les protagonistes du film (on ne peut dire interprètes, puisqu'ils n'interprètent rien, ils vivent leur vie de tous les jours !) – si éloigné qu'on reste de ce monde enfui et enfoui, on fait partie de la famille…
Le DVD présente un film excellemment restauré ; les (quelques) propos tenus en rouergat sont sous-titrés ; dans les suppléments, il faut regarder l'excellent Tonnelier, court-métrage tourné par Rouquier en 1942, qui parvient à rendre passionnante la fabrication d'un fût.
Cette petite merveille, ce bijou précieux, a été diffusé mercredi matin à deux heures… Et mon magnéto a rendu l'âme quelques heures avant ! Je vais envoyer deux lettres piééééégées, à la Rabbi Jacob : Une à la direction de France 2 pour une programmation aussi scélérate, et une autre chez Samsung…
Le mal n'est pas bien grand, Gilou40, et votre ire excessive, puisque un excellent DVD existe, avec plein de suppléments, comme je l'indiquais sur mon message initial…
4,8/6. Très beau film, effectivement, qui exalte la puissance créatrice de la nature (un peu comme pour certains films soviétiques des années trente), et la force des paysans du Rouergue, parfaitement organisés pour la domestiquer (notamment armés d'un accent rocailleux inimitable). C'est un beau témoignage de la vie d'autrefois, mode de vie qui perdure néanmoins aujourd'hui surtout dans le centre de la France, mais pas seulement. Au détour d'un chemin de montagne (en Vanoise, vers Bonneval, ou dans les Bauges) je croise parfois un paysan qui continue de vivre comme dans Farrebique.
La musique, le montage, la photographie -excellente gestion de la lumière naturelle notamment émanant des cieux, grand-angles avec un ciel occupant parfois 80% de l'image – contribuent à immerger le spectateur dans cet univers campagnard, marqué par le rythme des saisons, et la puissance des éléments célestes. Outre le facteur temps, la dimension espace décrivant l'environnement naturel et social des personnages du récit est bien traitée : la ferme, les différents lieux physiques, les activités humaines, étant représentés par des plans fixes, plongées,…, judicieusement employés (variété, durée, liens avec les idées du récit).
Un très bon film de début de carrière de cinéaste pour Georges Rouquier, pour une oeuvre qui passe aujourd'hui la délicate épreuve du temps cinématographique avec succès.
Aux titres énumérés par Impétueux sur un thème similaire, il faut ajouter L'homme d'Aran, et Louisiana story
de Flaherty,
surtout axés sur les rapports entre l'homme et la nature (mais peu sur les aspects sociaux). Tabou
co-réalisé par Murnau et Flaherty est assez différent.
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