Le début des années 1970 est une période fabuleuse pour le cinéma policier américain avec des films tels que DIRTY HARRY, LE PARRAIN, SERPICO,etc. Et FRENCH CONNECTION.
Je n'avais jamais vu ce film très aimé de William Friedkin et je n'ai franchement pas été déçu par cette découverte.
L'interprétation est superbe: Gene Hackman -l'un des plus grands acteurs du monde à mon humble avis- et Roy Scheider forment un tandem de flics qui ne sont pas des super-héros mais des gens violents,racistes,grossières et éloignés d'un idéal de justicier parfait. A l'inverse, Fernando Rey incarne un brigand aristocratique et raffiné: d'ailleurs,cet acteur est impeccable alors qu'il constitue au départ une erreur de casting et a été confondu avec un autre comédien souhaité initialement par le réalisateur!Ce qui explique la distribution du grand interprète espagnol dans un rôle de gangster français. Aux côtés de Rey,Marcel Bozzuffi incarne lui le truand plus violent sans scrupules.
La façon de filmer est très efficace: d'un côté un aspect documentaire marqué avec un usage fréquent de la caméra à l'époque et une photo plutôt sombre.D'autre part des scènes d'action superbes et surtout deux morceaux d'anthologie: la filature dans le métro et surtout l'incroyable poursuite en voiture qui voit Popeye-Doyle/Gene Hackman à la poursuite de Nicoli/Marcel Bozzuffi. Et il va sans dire que le scénario est prenant du début à la fin.
Donc FRENCH CONNECTION est un beau classique, que quelques belles âmes trouveront "tape à l'oeil", "superficiel", "surestimé".Grand bien leur fasse même si le film annonce un peu la dérive vers le tout spectaculaire du ciné américain actuel.Et FRENCH CONNECTION a une qualité majeur très présente dans les films et les polars de l'époque: le désenchantement.
Le trafiquant Alain Charnier superbement habillé est maniéré.
A l'inverse Jimmy Doyle policier allumé se gèle en planque en ingurgitant un hamburger frôlant un costume éprouvé par de longues années de services.
Le bandit entretenu par un esthétisme raffiné déjeune à la carte pendant que le flic presque clochardisé survit au fil des rues avec des tonnes d'heures de sommeils à récupérer.
French connection œuvre prémonitoire est l'apologie du monde obscur et de ses récompenses évoluant dans une mégapole gigantesque ou la protection policière livrée à elle-même est à bout de souffle.
Le trafiquant bien structuré fait du fric sans états d'âme pourchassé par des flics mercenaires, Costards pourris, Bagnoles cabossées et bouffes dégueulasses, le tout dans la rue par tous les temps avec une hiérarchie à des années lumières.
Je ne partagerai pas tout à fait les appréciations de Verdun et Jipi à propos de ce film que je n'avais pas vu depuis quelques temps déjà.
Ma réaction me paraît assez bizarre sachant qu'avec mon copain Jipi nous avions eu une discussion sur le fil à propos d'une certaine tendance du cinéma actuel qui le ramène bien souvent plus au niveau d'un téléfilm que dans une oeuvre cinématographique réelle.
Autant j'avais aimé French Connection quand je l'avais découvert à sa sortie, autant il m'a déçu (avec réserves néanmoins) dans la mesure où, depuis, cette histoire ne nous apparaît plus inédite tant au niveau de ses personnages que dans son déroulement. Un certain moment, j'ai cru voir arriver sur l'écran nos héros Lestarki, pardon, Starsky et Hutchinson ! Et évidemment, bien entendu, cette séquence haletante en voiture qui, depuis Bullitt, fait partie d'un passage obligé pour ce type de film.
C'est très décevant : modèle à sa sortie et aujourd'hui dans un standard mille fois utilisé.
J'attends les réactions des uns et des autres.
Je suis assez de l'avis de droudrou sur le fait que l'utilisation permanente de ce qui a fait la réussite de French connection dans le cinéma Américain a quand même assez bien entamé la modernité que pouvait avoir le film en 1972.
Mais le film a survécu au temps, haut la main, ne serait-ce que pour la manière dont le film est traité tambour battant, dont les personnages sont dessinés et bien sûr pour sa spectaculaire course poursuite et sa fin assez inattendu.
Mais ce qui renforce avant toute chose l'intérêt du film, c'est bien sur que le scénario ait trouvé son inspiration dans des événements réels.
Tout le monde sait que la French connection entre Marseille et New-York a bel et bien existé, avant d'être repousser vers la Turquie grace au talent de la police Française.
Faire un film sur une telle aventure policière était donc évident et interessant. Surtout lorsqu'il s'agit d'un diptyque, French connection pour New-York et French connection 2 pour Marseille (même si la suite semble purement fictive). Ces deux films restent surtout deux beaux marathons ou s'affronte sans faire dans la dentelle "flics" et trafiquant ou si on préfère Popeye et Charnier.
Ce qui a aussi très bien fonctionné, c'est la sensation diffuse de pression permanente, les héros du film (Roy Scheider et Gene Hackman) sont constamment sur le vif ; frappant les suspects, désobéissant à la législation policière, insultant et paraissant dans leur comportements presque plus méchant que les gangsters qu'ils traquent. D'une telle nervosité qu'ils en arriveront à une bavure.
Le deuxième opus corrigera çà en montrant Gene Hackman sous un angle beaucoup plus désemparé.
Mais ce qui reste le plus drôle en ce qui concerne la French connection c'est que contrairement à ce que l'on pense ce n'est pas Friedkin qui s'est intéressé en premier à cette affaire au cinéma, mais Gerard Oury
Oury était un ami de l'acteur et présentateur de deuxième zone Jacques Angelvin (ce gugus est répertorié sur dvdtoile) qui transporta aux États-unis une voiture bourrée de cocaïne que l'on retrouve aussi dans le film de Friedkin. C'est par cette voie là que celui-ci imagina l'histoire du Corniaud.
Si dans French connection Frédéric de Pasquale avait vu l'état dans laquelle sa voiture avait été mise lors de la recherche de la drogue dans le garage de la police, il leur aurait surement dit : Ah bas, elle va marcher beaucoup moins bien forcément.
En outre, cet excellent polar mené tambour battant bénéficie d'une musique littéralement extraordinaire de Don Ellis, jazzman doté d'une solide formation en matière d'arrangements et d'orchestrations qui signe ici son chef d'oeuvre avec son propre big band (la partition se partage entre swing dynamique et expérimentations dont un quatuor à cordes passé à l'échoplex).
Le CD est hélas introuvable mais le futur Blue-Ray en version américaine proposera la piste isolée :
http://frenchsoundtracks.phpbb9.com/general-f6/don-ellis-t211.htm
Je ne me souvenais pas que c'était aussi bien, aussi haletant, aussi enlevé, aussi intelligemment construit… Il est vrai que je ne me souvenais pas non plus qu'il y avait eu une suite, sûrement superflue, parce qu'elle doit déboucher sur la punition des méchants trafiquants et la victoire des bons policiers, alors que le générique de fin de French connection est une impeccable démonstration de l'inutilité de la lutte des pouvoirs publics contre la drogue….je n'hésiterai pas à écrire de la nocivité de cette lutte.
Le film de William Friedkin commence à 200 à l'heure et ne ralentit pratiquement pas jusqu'à sa fin, émaillé de scènes formidables : la filature de Charnier (Fernando Rey) par Popeye (Gene Hackman) dans le métro, la course infernale du même Popeye qui finit par rattraper Nicoli (Marcel Bozzuffi), à l'issue d'une des plus belles séquences d'autos tamponneuses que je connaisse, la traque finale des trafiquants dans une usine désaffectée…
Et des atmosphères gluantes, nocturnes, souillées, les bars louches du Bronx, l'appartement crapoteux de Popeye. Et le peu d'images de Marseille (curieusement orthographié Marseilles avec un S final dans la version que je possède) donne envie de se retrouver au vallon des Auffes, dans un de ces beaux restaurants à bouillabaisse qui sont une des gloires de la deuxième ville de France.Ce qui est très bien, donc, c'est la mise en valeur, la mise en exergue, même, de la vacuité de toutes les tentatives de mettre fin au déferlement des substances interdites, déferlement montré du doigt dès 1969 (More, de Barbet Schroeder, puis Les chemins de Katmandou, d'André Cayatte) pour ses ravages individuels, puis, avec French connection, en 1971, pour sa mise en œuvre gangstériste.
Depuis quarante ans, toute cette lutte sans succès et sans fin profite à tout le monde : paysans cultivateurs d'Amérique du Sud ou d'Afghanistan, terroristes marxistes ou islamistes qui en tirent de gros revenus, confortables spéculateurs vénézuéliens ou ex-soviétiques, grossistes marocains ou libanais, revendeurs des cités-ghettos. Et, en contrepartie, paix sociale (relative !) acquise par les pouvoirs publics, grâce à ce trafic, qui irrigue financièrement des zones qui, sans cela, seraient entièrement paupérisées (alors que le taux d'équipement en voitures de luxe y est, grâce audit trafic, significatif) et occupation de services de police qui, non contents de prétendre vider la mer avec une petite cuillère, y reversent consciencieusement tout le liquide prélevé…Les gesticulations de Popeye et de son acolyte Russo (Roy Scheider) sont aussi héroïques que pathétiques et ne peuvent aboutir, en fin de compte, qu'aux désastres (la mort violente de leurs collègues) et aux échecs (la fuite des gros bonnets, ou leur impunité). Ce n'est pourtant pas d'hier que la sagesse grecque a élaboré le mythe du Tonneau des Danaïdes… Mais notre siècle malin croit pouvoir pisser contre le sirocco.
Et en a, naturellement, les babouches mouillées…
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