Ozureprend la main avec un film qui démarre sur un point de départ qui relève du concept. Chose assez rare chez le réalisateur : un type un peu lunaire ramasse dans la rue un enfant orphelin de guerre. Que peut-il en faire? Ne pouvant s'en occuper, il tente de refiler le paquet et tout le monde tente de refuser cet intrus. Le sort tombe sur une femme qui se retrouve charger de retrouver son père…
Nous sommes là presque dans la satyre-conte comme les italiens en ont connu dans leur cinéma. On pensera notamment à Eugenio qui repose sur le même principe ou plus récemment (en Asie cette fois) Eté de Kikujiro . A ceci près que le thème change. Alors que le film de Comencini était une satire de la place de l'enfant dans le cadre d'un couple moderne (ayant une vie professionnelle propre), le film de Ozu s'interroge sur l'héritage de la guerre (incarné par l'enfant). Que peut-on, doit-on en faire? Le ton est évidemment cynique, décapant et le résultat donne un film alerte, léger et drôle, d'un humour très japonais, à savoir froid et distant. Sans jeu de mots… on rit jaune.
Le style est au diapason : entre deux. Entre humour et drame pour le ton, il est au niveau stylistique entre le cinéma occidental et oriental. A quelques moments seulement on a droit à des mouvements de caméra, et globalement le découpage est encore très "cut", d'un rythme alerte qui sera plus dépouillé dans la suite de l'œuvre d'Ozu. Autant que le film précédent Il était un père était d'une recherche formelle, stylistique et narrative poussé, autant ce film s'inscrit dans une sorte de retour en arrière de cette progression.Tout cela constitue évidemment un film intéressant dans l'œuvre du cinéaste. Plaisant à voir, il devient tout simplement passionnant quand il s'agit de voir l'oeuvre de Ozu dans son entier..
L'accueil public du film fut plutôt tiède, notamment à cause de la représentation finale de la guerre qui fut jugé anachronique. C'était oublié là que le travail d'un cinéaste n'est pas de faire forcément du réalisme…
Les pièces du puzzle Ozu sont en place. Leur assemblage minutieux aboutit à la création d'une douzaine de grands films, de Printemps tardif -1949- à Le goût du saké -1962-, soit autant de variations stylistiques et thématiques autour des mêmes éléments.
Il faut noter que la montée en puissance de Ozu s'accompagna d'une augmentation régulière de la durée de ses films (*) au cours des dix années qui suivirent la réalisation de Récit d'un propriétaire :
(*) Source : Ozu, par Shiguéhiko Hasumi, éditions cahiers du cinéma.
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