Je crois que je suis incapable de regarder les remakes americains des films de Hideo Nakata. Etant amateur de toute la série des Ring
et du Dark Water
original, je n'ai pas le courage de regarder les adaptations americaines qui traduisent pour moi un manque de curiosité envers le cinéma asiatique.
De plus, les originaux sont déjà très bien comme ils sont, je ne vois pas ce qu'il y a à ajouter où à changer, comme si les films japonais etaient des brouillons pour le cinéma américain. Alors si en plus, comme vous dites, le remake est loin en dessous de l'original, je ne vois pas l'intéret.
Je ne peux évidemment pas juger car je n'ai vu aucun de ces remakes, peut être valent ils le détour? Ce n'est pas de sitot que je le saurais.
Franchement, vous ne perdez pas grand-chose. Que ce soit Ring ou Dark Water,
ce ne sont que de pâles copies, aseptisées, et perdant au passage ce qui fait une grande partie du charme des originaux : un total dépaysement, qui ajoute à l'insécurité de l'atmosphère. A vrai dire, l'unique raison de voir ces remakes, c'est qu'ils utilisent de ravissantes actrices comme Naomi Watts
ou Jennifer Connelly.
Mais est-ce bien suffisant ? Mieux vaut probablement revoir King Kong
et House of sand and fog.
Encore un remake immédiat, sous-catégorie odieuse du remake en général. Et je suis encore plus enragé contre ce remake que contre celui de Ringu, parce que Dark Water
est vraiment le meilleur Nakata
que j'ai vu. La raréfaction et la simplicité des effets est du tonnerre. La bande son fait dresser les cheveux sur la tête ! Insidieuse pétoche… C'est ce film-là, dans sa très bonne version doublée en anglais (eh oui) qui aurait dû être lancé en salles, en Amérique du Nord et ailleurs, avec les moyens et le nombre de salles dont a profité son médiocre et inutile ersatz.
Bien d'accord. L'unique justification à l'existence de ces remakes, serait que leur supériorité artistique et technique, soit aveuglante, et relègue les films originaux à l'état de brouillons. Mais c'est exactement le contraire qui se passe, et pas un seul de ces sous-produits bêtement photocopiés, n'arrive même à la cheville des films d'origine. Et là-dedans, je ne parle pas seulement des films d'horreur japonais, mais aussi des français comme L'emmerdeur, La chèvre,
L'appartement
et – last but not least ! – Mon père, ce héros,
qui reprenait… le même acteur principal ! Cette pratique xénophobe est vraiment atterrante.
Reste à voir maintenant ce que Scorsese aura fait de Infernal affairs
…
Et ce que John Woo va garder de Adieu l'ami,
Le passager de la pluie,
Le cercle rouge
et Le samouraï,
dont il a acquis les droits l'année dernière.
Et oui, mais que voulez-vous ? Un film japonais ou sud-coréen sortant aux Etats-Unis est condamné d'office au circuit "art et essais", c'est à dire la confidentialité du petit cercle cinéphilique de New-York ou de Chicago, alors qu'un produit reformaté et relooké avec Jennifer Connelly ou Leonardo Di Caprio va connaitre le grand public. Les Américains moyens ne sont pas le peuple le plus ouvert du monde, ça se saurait…
En tant que Nord-Américain, je suis bien placé pour le savoir. Suite à un marché de dupes avec les Majors, le Canada est considéré depuis vingt ans comme « Domestic Market » – c'est-à-dire qu'au plan audiovisuel nous faisons partie du marché américain – et le premier effet de cette potion fut évidemment de faire quasiment disparaître des salles tous films étrangers autres qu'Américains. C'est le boycott systématique (déguisé en innocence ahurie) du méchant monde extérieur. Une autarcie culturelle de fait. Désormais, les seuls films italiens qui sortent sont ceux qui marchent dans les festivals et auprès de la critique spécialisée, c'est-à-dire ceux qui ont le moins de chances de marcher avec le public. Ils sortent tous en catimini, en salle d'art et d'essai, ou alors directement en vidéo chez un éditeur "parallèle" qui se flatte de ne faire aucune concession commerciale. Résultat, évidemment : personne ne les voit. Même pour le suspense très tendu Io non ho paura, selon moi fort vendable (si au moins nous avions eu la VF !), ça s'est passé ainsi. Grrr. La même chose me semble devenue vraie en France : il n'y a que pour les films américains que le succès au box-office du pays d'origine est un critère pour la distribution en salle. Par contre, que Nihon chinbotsu
cartonne ou que Tutta la vita davanti
fasse un malheur, les distributeurs s'en tamponnent. Ils n'en sauront jamais rien. Est-ce que c'est sorti en festival ? est leur seule foutue question. Je me gourre ?
J'avoue que je connais mal les circuits de distribution, mais dans la mesure où la France impose des quotas à l'importation de films étrangers ("étrangers" c'est à dire 90%américains en gros) je vous laisse calculer la part qui reste aux productions des autres pays. Bien sûr, le risque en supprimant les quotas, ce serait que les distributeurs en profitent pour importer encore plus de productions US… Pour l'heure, si l'on habite pas à Paris, ou du moins dans une grande ville, on a autant de chance d'aller voir un film argentin, coréen ou italien que de croiser un vendeur de moufles en plein milieu du Sahara.
Bien que je ne sois pas spécialiste du sujet, il me semble que depuis le 28 mai 1946 – bientôt 64 ans – et du fait des accords Blum-Byrnes, la France n'impose aucun quota réglementaire.
Que les circuits de diffusion estiment ensuite qu'un film du Guatemala ou de la Mongolie Extérieure n'aura aucun succès et qu'il y a donc une sélection de fait est une autre affaire.
« Que les circuits de diffusion estiment ensuite qu'un film du Guatemala ou de la Mongolie Extérieure n'aura aucun succès et qu'il y a donc une sélection de fait est une autre affaire. »
Le Guatemala, la Mongolie Extérieure… et l'Italie.
L'avenir est clair : ne sortiront plus en France que des films américains et des films français, ne sortiront plus au Québec que des films américains et des films québécois, en Italie que des films américains et des films italiens… et ainsi de suite.
Quelle chance pour vous, Impétueux, que je sois au bureau, et que par conséquent je ne puisse vous agonir de citations de Simone Weil et du comte Sforza !
Ah ! Mais où avez-vous lu, Arca, que j'étais favorable à ces restrictions perversement commerciales ? J'ai simplement dit qu'il n'y avait aucune restriction réglementaire, en France, à la diffusion de films mais que – hélas, donc ! – dans la tête des compagnies, il n'y a de bon que ce qui est bankable…
Ah bon, vous déplorez comme moi cette situation. Mais permettez-moi quand même de préciser pourquoi je vais jusqu'à sortir le comte Sforza, politicien et penseur libéral, à propos de cette simple histoire de distribution de films. C'est que sur le versant spécifiquement audiovisuel de la culture, il y a vraiment atteinte manifeste à son principe de l'Interdépendance des peuples, qu'il énonce dans son ouvrage L'Italie telle que je l'ai vue, 1914-1944 et que je me permets ici de transposer en « interpénétration des cultures ».
Au moins à l'échelle de l'Europe sinon du monde, ceux qui s'occupent d'affaires culturelles devraient considérer cette mesure : le degré d'interpénétration des industries audiovisuelles de chaque pays. Quelle est pour chaque pays la part de marché des films qui ne sont ni américains, ni locaux ? Le mesurer sur 10, 20, 50 dernières années. Et si cette mesure d'interpénétration, comme je le crois, est aujourd'hui au plus bas jamais vu, se demander sérieusement quel geste poser, même modeste, dans l'espoir qu'elle remonte. Car il est périlleux pour chaque culture d'avoir une seule influence culturelle étrangère. Des influences culturelles étrangères, il en faut absolument plusieurs à chaque patrie, pas seulement une : c'est une question d'équilibre et de civilisation.
Toujours pour parler du domaine audiovisuel, s'entend !
Des influences culturelles étrangères, il en faut absolument plusieurs à chaque patrie, pas seulement une : c'est une question d'équilibre et de civilisation.
Alors j'espère qu'ils ne vous bassinent pas, au Canada, avec leur Fichue "Identité Nationale" et leurs débats vomitifs !! Y avez vous échappé, la-bas ?
Au Québec, l'identité nationale c'est un débat ouvert depuis deux-cents ans…
« Alors j'espère qu'ils ne vous bassinent pas, au Canada, avec leur Fichue "Identité Nationale" et leurs débats vomitifs !! Y avez vous échappé, la-bas ? »
Ah, si vous saviez ! Vous seriez tellement heureuse d'être en France. On me double-bassine, ici, car deux nationalismes se font face ; l'un québécois et l'autre Canadian, persuadés l'un comme l'autre que l'identité doit être "nationale" : notion qui peut coller en France, en Angleterre ou aux États-Unis – pays qui ont connu leur unité démocratique par la Révolution – mais qui ne colle pas du tout dans mon pays, où il y a deux linguae francae et non une, et dont l'unité démocratique fut le résultat non de la révolution, mais d'une série de manoeuvres diplomatiques et politiques, comme celle menée à bien au même moment en Italie par Cavour (unité italienne 1860, unité canadienne 1867). Dans un tel pays – à l'échelle du Québec comme à celle du Canada – les frontières culturelles et les frontières politiques ne se correspondent pas, ce qui crée un "appel d'air" perpétuel pour les deux nationalismes – car le nationalisme veut toujours évidemment fusionner l'identité (fait culturel) dans la citoyenneté (fait politique) – et rend le concept de « nation » extrêmement dangereux (ce qu'avait bien compris la classe politique italienne d'après-guerre, mais pas la nôtre). Autrement dit : ni le Canada en général, ni le Québec en particulier ne sont des États-nations, donc le concept d'identité nationale est une erreur aux deux échelles, ce qu'il n'est pas en France. Ici l'identité n'est pas nationale et ne doit pas le devenir; je ne suis le « national » de personne et personne ne me nationalisera !
Et ça, c'est encore seulement un petit bout du problème : je ne vous ai même pas encore parlé de fédéralisme (unité de la fédération canadienne) et de séparatisme (indépendance de la patrie québécoise)…
Et surtout, je ne vous ai pas encore parlé de "multiculturalisme" (guillemets hautement nécessaires), une politique officielle engagée par l'État fédéral il y a une trentaine d'années et qui est le contraire de ce qu'elle croit être…
Je répète à qui veut l'entendre que tout ça va mal finir, mais personne ne veut m'écouter.
Moi je dis: "quand le caribou parle, le sage écoute", et vice versa.
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