…Même pas un petit message d'Arca1943, ni de Sandokan, peut-être quelques allusions dans d'autres fils de discussion… En tout cas ce film m'a mis en joie du début à la fin, pourquoi?… Je n'en sais rien, un personnage vient combler le manque de chacun, un peu comme l'objet de désir que l'on recherche toute sa vie, puis il s'en va, c'est la perte, la prostration et la folie. Le personnage joue tour à tour le rôle de frère, de fils, d'amant, de père, une sorte d'ange sur commande qui connait tous nos désirs profonds, même ceux qui nous échappent, il sait comment s'y prendre mais il doit partir. Son départ nous révèle avec plus de force qui nous sommes vraiment, est-il possible de l'assumer? La traversée du désert risque d'être longue…

Après avoir vu Salo, L'Evangile selon saint-Matthieu, je commence tout juste à comprendre avec ce Théorème ce que Pasolini exprime à travers son cinéma, sur fond de religion de philosophie et de psychologie, il explore l'âme humaine avec une acuité époustouflante.

« Même pas un petit message d'Arca1943 » (sous-entendu : alors qu'il a laissé des messages sur des kyrielles de films italiens)

Explication toute simple : Théorème est aisément disponible en DVD. Pour la même raison, je n'ai pas non plus laissé de message sur le fil du Pigeon ou du Fanfaron : ils sont sortis au cours des deux dernières années. Ils sont là. Ils sont hors de danger. Affligé d'une mentalité de collectionneur, je suis toujours porté à aller du côté de ce qui manque, de ce qui n'est pas là, du film qui a besoin qu'on lui signe une pétition. Explication complémentaire : Pasolini est déjà porté au pinacle par un bataillon de critiques qui ne jurent que par lui. On n'a pas de souci à se faire pour son statut.

Théorème est une très grande oeuvre qui n'a aucunement besoin de mon aide.

Je comprend tout à fait la réaction d'Arca.

Le cinéma italien subit de la part des programmateurs et du public une désaffection certaine.Selon le PDG d'arte, Jérôme Clément, cette désaffection est dûe à l'arrivée au pouvoir de Berlusconi qui a terni l'image du pays. Curieuse assimilation d'un peuple à son pouvoir. Et alors pourquoi les films américains marchent-ils toujours alors que le peu populaire (hors USA) George W. Bush est toujours au pouvoir ???

Ce qui est étrange, c'est que l'on trouve l'oeuvre intégrale de Pasolini en dvd alors que de nombreux films d'un Visconti -au hasard- ne sont pas édités ou peu diffusés (SANDRA par exemple).

Pourquoi cet égard pour un Pasolini, aussi immense soit-il, qui en plus n'est pas franchement le plus accessible des cinéastes transalpins ? les voix de l'édition dvd sont parfois impénétrables.

Il peut aussi arriver que le talent soit reconnu par les éditeurs de DVD. Pasolini est un immense artiste. Ses oeuvres méritent d'autant plus d'être éditées en DVD qu'ils justifient d'être revues, et savourées de temps à autre. Un chef d'oeuvre mérite d'être re visité souvent, et c'est ainsi qu'on en éprouve la qualité. Ce Théorème de Pasolini a en outre comme qualité essentielle à mes yeux de réunir dans sa distribution Silvana Mangano et Anne Wiazemsky. Un DVD à avoir dans sa DVDthèque idéale.

Tout à fait, Pasolini est un grand artiste et le cinéma ne recouvre qu'une partie de ses activités artistiques. Ne nous plaignons pas de sa présence forte en dvd mais de l'absence d'autres grands artistes italiens.

A signaler un film qui manque en dvd: PORCHERIE, avec Jean-pierre Léaud, Pierre Clemnti et Ugo Tognazzi.

« Le cinéma italien subit de la part des programmateurs et du public une désaffection certaine.Selon le PDG d'arte, Jérôme Clément, cette désaffection est dûe à l'arrivée au pouvoir de Berlusconi qui a terni l'image du pays. Curieuse assimilation d'un peuple à son pouvoir. Et alors pourquoi les films américains marchent-ils toujours alors que le peu populaire (hors USA) George W. Bush est toujours au pouvoir ??? »

Ha ! Ha ! Ha ! À cause de Sua Emittenza ! Elle est bien bonne. Ce monsieur Clément a la vue plutôt courte, c'est le moins qu'on puisse dire ! Ha ! Ha! Ha!

Mais qui sait… D'après mes infos, les prochaines élections politiques (que dans des pays moins prudents on appelle "nationales") sont loin d'être gagnées pour M. Berlusconi. Alors, avec le retour de Romano Prodi aux affaires – et de l'ex-PCI-devenu-PDS dans la coalition gouvernementale – alors, les Français, dès que la victoire du centre-gauche aura été annoncée, vont se précipiter dans les salles comme un seul homme pour se gaver de films italiens ?

Ce sera alors l'occasion pour eux de faire un triomphe au box-office à El Alamein, Ovosodo, My name is Tanino, Facciamo paradiso et tant d'autres films qui ne sont pas sortis en France ? Ah, grand jour que celui-là.

Mais trève de plaisanterie. De passage il y a quelques années au Festival des films du monde de Montréal, l'actrice Sophia Loren, qui à la ville est aussi l'épouse d'un producteur (Carlo Ponti), était arrivée chiffres à l'appui pour un petit point de presse impromptu où elle montrait, dans un parallélisme impressionnant, à quel point, de 1980 à nos jours, de moins en moins de films français étaient sortis en Italie et de moins en moins de films italiens en France.

La "désaffection" dont il est question est mutuelle – et en outre, aucunement propre à la France et à l'Italie. Elle se produit à une échelle plus vaste. "Construction européenne" ou pas, "mondialisation" ou pas, les peuples sont de plus en plus isolés les uns des autres. Quand bien même certains nous serineraient-ils le contraire d'une voix de fausset.

Je n'en dis pas plus parce qu'en général, quand j'arrive à ce point ça vire à la diatribe…

Personnellement je n'ai pas besoin d'attendre le retour de Roman Prodi au gouvernement Italien pour voter pour l'édition en DVD de Porcile (introuvable en DVD ainsi que le signalait Verdun) avec Jean-Pierre Léaud, Ugo Tognazzi et Anne Wiazemsky. Et je crois volontiers à l'existence d'un cinéma Européen. (Cf mon obstination à défendre dans l'isolement le plus complet Vera Chytilova, Ivana Karbanova, Jan Nemec ou Jozef Zachar)

Il ne s'agit pas de croyances, mais de faits. Il s'agit de constater qu'au plan de la distribution (cinéma-télé-DVD), les cultures européennes s'interpénètrent de moins en moins, s'achètent de moins en moins leurs productions audio-visuelles respectives. Quant à Porcile, je le tiens pour le Pasolini le plus faible (avec Salò) : le goût de la provocation habituel de l'auteur s'exerce ici à vide, dans une métaphore tellement absconse qu'on peut lui faire dire n'importe quoi et son contraire. Dommage, notamment, pour Tognazzi.

Heureusement, il y a aussi Uccellacci e uccellini qui date de la même époque et qui est une merveille, grâce notamment à l'enracinement populaire du comique Totò.

Je ne qualifierais pas Salo de faible… C'est un film d'une violence extrème. Une dénonciation féroce et réaliste dont il est extrèmement difficile de parler intelligemment. Une des leçons de Pasolini est d'ailleurs peut être dans ce film précisément de nous mettre en garde contre le repli sur soi que vous évoquez. Certes ce film n'est pas consensuel, et il est normal qu'il suscite des réactions de rejet. Je comprends la vôtre, et comme vous je préfère l'humour et la finesse de Uccellacci e uccellini. Mais je maintiens que Porcile ne mérite pas d'être mis à part de l'oeuvre de Pasolini en n'étant pas édité, il ne mérite autant que Salo de l'être, et il le mérite d'autant plus qu'il y a Anne Wiazemsky dans la distribution.

Je crois foncièrement qu'une construction Européenne est possible, même souhaitable. Dire et répéter cela, c'est tenter de faire évoluer les faits que vous évoquez. L'homme est responsable des faits qu'il instaure, il ne les subit pas. J'insiste sur la nécessité de soutenir la culture des autres. Car s'il existe une mondialisation pas forcément maitrisée, on peut améliorer le dialogue entre les peuples par l'intermédiaire d'une diversité culturelle (cf ma critique de Madame Brouette). En outre si j'insiste autant sur le cinéma Tchèque des années soixante c'est parce que la leçon de liberté qui a été donnée au monde par ce petit pays à ce moment là, est un moment essentiel pour les progrès des idées de culture et de liberté dont on bénéficie en Europe actuellement. C'est rappeler qu'elle a eu du mal à s'installer sur notre continent. Ne pas oublier ce cinéma Tchèque, c'est avoir à l'esprit que si on ne la défend pas, cette culture et cette pourraient être en danger. Tout l'intérêt du cinéma Tchèque c'est qu'il a mené ce combat avec humour. L'humour de Vera Chytilova et Jiri Menzel a fini par gagner contre la répression et la censure dont il avait fait l'objet. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il est important de voter pour l'édition en DVD de ces réalisateurs. Et j'aimerais ne pas être trop seul à défendre ces cinéastes de talent.

« Une dénonciation féroce et réaliste dont il est extrèmement difficile de parler intelligemment. »

Parler intelligemment, je n'en rêve même pas. Mais de déclarer que Salo est un film «réaliste», alors là, je rêve. Vous croyez que la représentation du fascisme sous la République de Salò telle qu'on la trouve dans ce film est réaliste ??? Je me permets de vous renvoyer l'abondante historiographie de la période. Tout indique qu'on aura droit à plus de réalité (et moins de mots d'auteur) avec Tiro al piccione ou Le Procès de Vérone. Ce que j'ai vu dans Salò, n'en déplaise à ses thuriféraires pâmés, c'est une transposition pour intellectuels de ce répugnant sous-genre qu'est le porno-nazi genre "Bordel SS".

Le seul aspect "réaliste" de ce film (que son auteur voulait d'ailleurs hautement allégorique), c'est au plan de l'histoire des idées : le rapprochement entre les idées de Sade et la vulgate nazie est un sacré raccourci, mais le fait est que le divin marquis fut un précoce vecteur du déterminisme biologique. Il croyait dur comme fer à la noblesse "de sang". (Arendt en parle quelque part dans se "Origines du totalitarisme", probablement le tome 2).

«cruel et réaliste» «pornographie» sont pour moi des termes similaires, triste et sans humour… Ils ne me font pas rêver. Je préfère largement Ivana Karbanova et Hannah Arendt, ainsi que vous avez dû le saisir dans mon commentaire précédent.

"c'est une transposition pour intellectuels de ce répugnant sous-genre qu'est le porno-nazi genre "Bordel SS"."

Justement, quelle prouesse! Je ne pense pas que le but de Pasolini était la provocation mais la réalisation d'une expérience qui ne sera probablement plus jamais réalisée.

La force de Salo est de prendre en otage le spectateur (je fais référence à la critique de Doa2 sur le forum de ce film). Le contexte de la république de Salo et les idées de Sade s'accordent pour créer une oeuvre qui dénonce l'abus de pouvoir et la perversité humaine.

Désolé d'être humain, mais à aucun moment je n'ai pu décrocher de ce film et je pense que malgré les scènes choquantes à l'extreme, la plupart des spectateurs quittant le visionnage font semblant de prouver leur pureté humaine, peut-être même se sentent ils génés du fait de prendre un certain plaisir à voir ces tortures et humiliations filmées d'une manière distante et terriblement efficace pour que la curiosité stimulée par nos plus bas instincts devienne le moteur de notre attention.

De plus, sans s'arrêter aux scènes choquantes, ce film a un rythme irréprochable qui nous entraine jusqu'au bout de la descente aux enfers à petit feu.

Bravo, vous avez su parler de manière sensible de ce terrible film emblématique du XXe siècle.