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Forum : Full Frontal

Sujet : Critique


De dumbledore, le 19 juin 2003 à 12:09
Note du film : 3/6

Quand Soderbergh se prend pour Wenders

Steven Soderbergh est un réalisateur assez passionnant. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, il faut reconnaître qu'il est un des rares réalisateurs à avoir su garder intactes son envie et sa joie de faire du cinéma, sans compromission. Il suffit de voir comment il enchaîne films populaires, très commerciaux, Ocean's Eleven ou Hors d'atteinte avec des films plus de "recherche" comme L'anglais, et Full Frontal pour comprendre qu'il continue d'explorer à la fois ses thèmes propres (celui de la mystification notamment), et une forme de cinéma nouveau. Les films commerciaux semblent être là surtout pour lui permettre de faire des films plus osés.

Full Frontal n'est pas une grande réussite mais il possède au moins cette rare qualité d'être intéressant même dans ses erreurs et ses maladresses. La première chose intéressante, c'est que tout en prenant essentiellement des personnages d'Hollywood, il ne fait pas un film sur Hollywood. Nous ne sommes pas dans The Player notamment, qui (quoique très réussi) n'est finalement qu'une description d'un microcosme. Dans Full Frontal, les personnages dépassent le cadre de leurs définitions professionnelles. On démarre sur des personnages (l'agent, l'acteur, la journaliste, l'auteur, etc.), et l'on finit avec des personnages, avec leurs complexités, leurs dilemnes.

Le travail visuel est également intéressant, dans l'utilisation des couleurs ou du support DV. Seulement, le montage tout en jump-cut, faussement moderne, fait trop "mode" et va à l'encontre du désir documentaire que sous-tend cette DV et cette mise en scène.

Le plus intéressant reste le travail sur les niveaux d'histoire du film qui constitue le thème et l'essentiel du film. On démarre sur des histoires parallèles et à un moment donné, les personnages s'arrêtent de jouer pour se tourner vers la caméra en attendant le cut. Les personnages se dédoublent entre personnages du film qu'ils font et personnages "réels". Réels entre guillemets car il y a un autre niveau, bien sûr, celui du comédien : Julia Roberts qui joue le comédien (l'actrice) qui joue le comédien (la journaliste). L'idée est bonne, passionnante, mais encore une fois mal amenée et aboutissant sur pas grand chose. On pense bien sûr à Brecht, à son travail sur la distanciation avec des "retour à la réalité " à plusieurs moments : la cassure indiquée entre les deux niveaux d'histoire, mais aussi des références directes aux films qu'ont joués/réalisés les personnages (le black qui parle de Pretty Woman et de L'affaire Pelican à la journaliste interprétée par Julia Roberts, ou bien encore le personnage de L'anglais qui joue une scène du film de Steven Soderbergh). Seulement toute cette mise en place et toute cette distanciation ne sont là que pour défendre un seul thème, une "vision du monde" très simpliste, trop sans doute: un comédien qui cesse de jouer la comédie, reste un comédien… C'est peu.

Il faut rajouter à cela des voix-off des personnages qui alourdissent le propos du film et n'apportent pas grand chose à l'histoire ou aux personnages. On pense cette fois à Wim Wenders, mais sans l'aisance de celui-ci. Seule l'intervention du commentaire du réalisateur à deux ou trois moments du film, qui explique ce qu'il a voulu faire, ou explique la psychologie de ses personnages est très amusante et efficace.

Une chose bizarre se dégage également du film, c'est le rapport étrange que le metteur en scène a avec Julia Roberts. On connaît l'anecdote comme quoi il aurait envoyé ce script à la comédienne en disant qu'elle serait payé 20 mille et non 20 millions de dollars, en référence à son cachet pour Erin Brockovich. Cela se retrouve dans Full Frontal avec plusieurs références aux cachets de 20 millions, le fait que dans le "générique" début, elle est présentée comme "ne sachant pas combien elle gagne". Même dans Ocean's Eleven, elle avait droit à un traitement identique puisque son personnage finalement "allait" avec celui qui avait le plus d'argent !


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