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Sujet : Un morceau de choix !


De verdun, le 27 octobre 2005 à 01:47
Note du film : 6/6

On peut critiquer l'œuvre de Claude Chabrol.On peut lui reprocher de se répéter (mais un artiste n'a t-il pas le droit d'être monomaniaque et d'avoir des obsessions ?). Mais surtout,un peu plus grave,il est évident que ses derniers films n'ont pas du tout l'intensité de Que la Bête meure ou de ce remarquable Boucher. Mais Chabrol est-il le seul a avoir perdu en lyrisme et avoir sombré dans le côté téléfilm insipide? Hélas non, c'est un peu le cinéma entier qui s'enlise dans l'absence de lyrisme et la chronique plan-plan du quotidien.

Car, sans mauvais jeu de mot, Le Boucher est un film qui prend aux tripes. Dès le générique sur fond de peinture préhistorique. Tout est réussi:la chronique d'une petite ville de province à la fin des années 1960. C'est un film tragique sur une histoire d'amour impossible entre deux êtres trop éloignés l'un de l'autre : une institutrice très classe et un boucher frustre. D'ailleurs ce dernier tue, en vient à tuer peut-être par manque d'amour et par frustration, peut-être parce qu'il a perdu ses repères après une expérience à la guerre et une solitude trop rude. Et c'est là que le film bascule sûrement vers le polar haletant et le sang qui coule n'est plus (seulement) celui des bêtes mais aussi celui des êtres humains.

Et là le film s'envole vers une fin tragique portée par deux acteurs incroyables -la sous-estimée Stéphane Audran et surtout qui pour reprendre les mots de Serge Daney était peut-être le "plus grand acteur français en puissance" à la fois attendue lors du générique et surprenante eu égard à une histoire commencée dans la fête, une histoire qui aurait pu être un joli petit film franchouillard de plus mais se termine dans la noirceur la plus infinie, le silence…INOUBLIABLE! Chabrol est GRAND!!


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De PM Jarriq, le 6 novembre 2005 à 18:55
Note du film : 4/6

Bon film, en effet. A la montée dramatique bien menée, soutenu par la présence de Yanne, qui crée un personnage crédible, humain et monstrueux, sans sombrer dans le cliché du croque-mitaines de série B. Chabrol insiste un peu trop sur son passé de militaire, tentant bien inutilement d'expliquer pourquoi il est devenu serial killer, mais il faut dire qu'à l'époque, le mot n'existait pas encore et ces tueurs n'étaient pas monnaie courante. En tout cas, en France. Il laisse aussi trop souvent les habitants du coin improviser et pas très bien, mais bon… Résidus de Nouvelle Vague ! A part ça, c'est un film rond, abouti, d'une rigueur sans défaut et l'histoire d'amour sous-jascente, impossible, pathétique, soutient l'intérêt jusqu'au dénouement. Oui, il est vraiment regrettable que Chabrol ne soit plus capable de pondre des films de cet acabit et continue d'aligner, année après année les oeuvrettes tiédasses, dont aucun titre ne parvient à rester en mémoire, alors que nul n'a oublié Juste avant la nuit, Que la bête meure, Le boucher, La femme infidèle, etc.


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De Impétueux, le 21 décembre 2006 à 23:03
Note du film : 5/6

Je vois que nous sommes tous du même avis : un infini regret qu'il n'y ait, dans l'imposante filmographie de Chabrol, au milieu de scories et de fanfreluches en toc, que quelques perles et – à mes yeux – trois diamants : La femme infidèle, Que la bête meure et Le boucher ; trois diamants et une capacité extraordinaire à placer le spectateur au centre du spectacle cinématographique. Que s'est-il passé ensuite ? Alors que ces trois films ont été de grands succès publics – peut-être pas des triomphes, mais des films qui ont été vus, et nullement méprisés ni par la critique, ni par les spectateurs – pourquoi cette entomologie intelligente et scrupuleuse est-elle partie dans tous les sens ? Ce mystère est agaçant.

Donc, Le boucher, film qu'on pourrait dire minimal, malgré la dureté du sujet, tant il se déroule sur les évidences de la vie, sur une faculté à capter la vie qui n'est pas donnée à tous. Il y a là-dedans une magie du terroir et de la lumière, et je gage que si elle n'avait pas été parée de la beauté tendre du Périgord, l'histoire triste de Jean Yanne et de Stéphane Audran n'aurait pas été imprimée de cette même façon inéluctable et désespérante.

Parce que dans ces paysages tout d'harmonie et de civilité, dans cette France prospère des années Pompidou, dont on dira peut-être un jour, à l'instar de Talleyrand à propos de la fin du 18ème siècle que qui ne les a pas connues ne sait pas ce qu'est la douceur de vivre, l'horreur qui se noue prend toute sa force de personnages ordinaires, de situations ordinaires…

C'est très subtil de commencer une histoire de meurtre par un mariage filmé comme chez René Feret, avec tendresse et sympathie, avec le beau-père déjà un peu pompette, et l'idiot du village qui oscille entre les couples de danseurs ; c'est très beau de montrer ces deux solitaires qui sont si évidemment attirés l'un par l'autre et se raccompagnent dans la chaude lumière du soir ; c'est très fin que de décrire la montée d'un désir qui n'aboutira à rien, peut-être aussi parce que Mademoiselle Hélène est encore bien loin d'avoir mis de côté son chagrin d'amour, et parce que Popaul sait trop bien qu'il est une pauvre chose folle et assassine et qu'il n'y a pas d'autre issue, pour elle et pour lui que ce sacrifice qu'il fait à ce qui aurait pu être, à ce couteau qu'il plante dans ses tripes et qui est la seule solution.

C'est un film grave et beau où Jean Yanne est absolument sublime et où Stéphane Audran est belle à damner un Saint (d'ailleurs, c'est peut-être là la seule faiblesse du film : en avez-vous connu, vous, des maîtresses d'école de cette puissance de séduction ?). Tout tourne autour d'eux, et de la Dordogne tranquille.

Et, comme il ne faut jamais rien oublier, autour du sang.


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De vincentp, le 22 décembre 2006 à 09:56
Note du film : 5/6

Félicitations Impétueux pour cet avis bien argumenté et bien écrit et qui met en relief les points forts de ce film de Chabrol : une évocation réussie de la vie au quotidien dans un petit village rural, dont la tranquilité et la simplicité du mode de vie constraste avec la psychologie tourmentée de plusieurs de ses habitants (des "pièces rapportées"). La dernière séquence est un splendide raccourci de ce contraste.

Néanmoins, Chabrol a réalisé par la suite bien d'autres films intéressants : Les noces rouges, Violette Nozière,, Une Affaire de femmes

Je suis plus réservé en revanche concernant certains de ses films assez récents comme Merci pour le chocolat, qui met à nouveau en scène des affrontements psychologiques entre des personnages contemporains. Des affrontements de mon point de vue pas complètement aboutis, manquant un peu de relief ou d'originalité, ou peut-être tout simplement noyés dans la masse des films abordant aujourd'hui ce type de sujet.


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De droudrou, le 22 décembre 2006 à 13:04
Note du film : 5/6

A propos de claude Chabrol je trouve qu'il est assez irrégulier. Effectivement, il y a de très bons films qui retiennent l'attention de tout un chacun et puis, comme Tavernier, il y a des loupés, des grands loupés.

Une question que je me pose à propos de Chabrol : c'est ce qu'il pense de la société. On se trouve toujours confronté à un type de société. Quelles sont ses intentions ? Ce n'est pas clair. Et si je ne lui conteste pas une qualité de réalisateur, néanmoins, je l'avoue, Chabrol ne figure pas parmi des metteurs-en-scène favoris.

Néanmoins, et histoire toujours de faire que ce site consacré au cinéma ne soit pas trop sérieux, j'ai repris la filmographie de Claude Chabrol proposée par DVD-Toile. J'y ai trouvé Le Tigre aime la chair fraîche preuve que Chabrol pensait déjà au Le boucher… mais qu'il s'intéressait aussi aux serial killers puisqu'il a réalisé Landru, un petit bourgeois qui aimait les femmes dans son foyer !

Chabrol est un délicat puisqu'il aime les chocolats qu'il partage régulièrement avec Isabelle Huppert et qu'ensuite, consommant trop de chocolat, il en tire L'ivresse du pouvoir, film que j'ai bien aimé et qui m'a bien intéressé.

Et quand je les les commentaires d'Impétueux et Vincentp à propos du Le boucher je me dis qu'ils s'en sont payé une sacrée tranche, surtout avec Stephane Audran la maîtresse que tous les français aimeraient avoir surtout quand on sait combien ils sont attachés à leur vie scolaire…


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De Gaulhenrix, le 22 décembre 2006 à 18:52
Note du film : 5/6

Je m'empresse d'adhérer à vos propos et à vos éloges : Le Boucher est, à mes yeux aussi, un beau film pour les raisons que "PM Jarriq'' et "Impétueux" développent.


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De jipi, le 19 octobre 2007 à 15:12

Un générique caverneux précède un repas de mariage ou le boucher local excelle dans l'art de la découpe d'un rosbif de premier choix. L'homme est complexe, évoluant entre rejet du père et traumatisme de guerre, il cherche la paix de son âme dans ces quelques moments passés avec Mademoiselle Hélène institutrice tolérante et passive devant l'originalité d'un gigot offert à la manière d'un bouquet de fleurs.

« Est-ce que vous aimez la viande ?» cette question surprenante insérée soudainement dans un conversationnel sans aucun rapport avec le sujet en cours démontre la dépendance de Popaul pour une thématique de boucherie toujours en embuscade dans le quotidien. Cette dérive n'hésitant pas à extérioriser ses visions morbides en pleine boutique devant la clientèle.

Il n'y a qu'un seul traumatisme, le sang dans tous ces états, celui d'Indochine et d'Algérie rapatrié par le métier et entretenu par le crime, un sang humain et animal d'une odeur identique. Le contact d'une institutrice cicatrisant à grand peine un chagrin d'amour apaise momentanément un cauchemar répétitif. Popaul s'offre quelques instants de futur constructif en élaborant l'ébauche d'une conquête possible.

La porte des sentiments n'est pas fermée pour cet homme positionné dans une zone de non retour, la contemplation d'actes moraux génère l'exécution de comportements naturels généreux.

Claude Chabrol embellit un parcours cinématographique plus ou moins symétrique au fil des opus d'un contexte campagnard éxistentiel isolé des lumières de la ville. Le tracteur passe, l'horloge de l'église sonne, les ruraux font leurs courses, une fusion réconfortante s'effectue entre des comédiens ressourcés et des villageois enchantés de l'aubaine de montrer qu'ils existent en sachant jouer la comédie tout en conservant leurs identités de base. L'œuvre mérite également une attention par l'éclosion d'une sensibilité offerte spontanément au pire des criminels. Le cœur parle et exécute sans contraintes le vœu d'un mourant.


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De fretyl, le 1er février 2021 à 14:32
Note du film : 5/6

Démarrant en douceur dans un coin de France rurale et profonde, un bourg de braves gens d'une France tranquille, traditionnelle, dont Chabrol semble vanter les mérites au cours de la première scène du mariage. La France qu'on aime où l'on boit du bon vin, ou l'on mange de la bonne viande…

Une France paisible de l'après guerre d'Algérie ou l'on espère que le temps ne sera plus jamais mauvais. Hélas les victimes du passé ne sont pas encore soignées… Vivre en paix et au calme doit sans doute être une nouveauté bien trop fraîche au boucher Popaul amoureux de l' institutrice… Chabrol était beaucoup trop malin pour s'indigner de quoi que ce soit. Chez d'autres à la même époque ça aurait été les militaires, les flics, les curés les responsables du sort de Popaul. Chez d' autres les gens du pays auraient été des gros beaufs de droite, riches, alcooliques et cupides.

Après le mariage commence à arriver patrouilles de gendarmerie et la peur monte face à une série de meurtres. Le terme serial killer n' existait effectivement pas à l'époque et le psychopathe devait être imaginé comme un fou au couteau entre les dents.

On peut regretter que Le boucher n'aille pas plus loin dans l'observation de la population du Périgord. Certains espereront peut être aujourd'hui un plus grand suspens, un peu plus de rebondissements…

Le film est simple mais remarquable de par son interprétation magnifique, de Jean Yanne en brave garçon et de (Stéphane Audran) qui aurait pu le sauver de par son amour… Yanne est l'inverse de la caricature genre Que la bête meure et Stéphane Audran est de la même classe qu'une Tippie Hedren ou d'une Grace Kelly

Un petit film oui. Un grand Chabrol ? Sur !


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