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Sujet : L'horreur en face


De Arca1943, le 23 octobre 2005 à 15:50
Note du film : 5/6

Peu recommandé aux âmes sensibles, La Pelle est un film conçu pour envoyer au visage du spectateur la turpitude humaine dans toute son ampleur, l'humanité ici étant le peuple de Naples et les soldats alliés. Même en temps de paix, avant la Deuxième Guerre mondiale, Naples était déjà une cité où la faim et la misère régnaient, dans des conditions peu différentes de celles du Tiers Monde. Alors, imaginez la situation avec le rationnement, les trafics de la Camorra qui profite du chaos, les exactions fascistes/nazies, les bombardements… et comme si ça n'était pas suffisant, le Vésuve qui entre en éruption par là-dessus.

Quand les Alliés arrivent, au soir du 1er octobre 1943, les nazis ont déjà battu en retraite : car l'héroïque peuple de Naples les a chassés à la suite d'une révolte populaire spontanée, les "Quatre journées de Naples". Vous m'en trouverez, des populations civiles qui chassent les nazis par leurs propres moyens. Voir à ce sujet La Bataille de Naples, dont l'action démarre 4 jours plus tôt que La Pelle, soit le 28 septembre. D'ailleurs, il faudrait peut-être voir les deux films à la suite pour assurer un certain équilibre. Sinon, qu'allons-nous penser des Napolitains? Pour tenter un raccourci, disons que si l'enfant qu'on voit au premier plan de l'affiche du film de Nanni Loy, avec pour toute arme un barreau de chaise, survit, s'il n'est pas abattu par une rafale allemande, il existe hélas une réelle possibilité pour que ce même enfant, quelques jours plus tard, soit loué par ses parents à des soldats américains (ou canadiens). Et voilà plutôt ce qu'on voit dans La Peau – d'où le titre.

Marcello Mastroianni incarne avec subtilité l'ambigu Curzio Malaparte, ex-fasciste reconverti – il fut emprisonné par le régime, ce qui ne fait pas de lui un antifasciste – qui faisait alors office de liaison entre les libérateurs et les autorités locales. Burt Lancaster est le général Clark (tiens, on a changé le nom du général Cork ?) qui veut faire son entrée dans Rome par la Voie Appienne, comme dans le bon vieux temps… Claudia Cardinale est la princesse napolitaine Consuelo Caracciolo, qui va recevoir à dîner la fille d'un sénateur américain venue sur place pour mousser la campagne de papa…

Une scène me revient en mémoire qui résume bien les rapports entre libérateurs et libérés, à moins que ce ne soit entre vainqueurs et vaincus. Des soldats américains qui opèrent un tank sont montés au bordel en laissant l'engin sans surveillance sur la piazza. Quand ils redescendent, tout ce qui reste c'est une grosse tache d'huile par terre et quelques boulons. Tandis qu'ils s'affairaient, les enfants de Naples ont entièrement démonté le tank et sont partis vendre les pièces au marché noir…

Côté cinéma, eh bien, ça fait partie des derniers feux du réalisme à l'italienne, un réalisme qui n'hésite pas à se montrer ici quelque peu agressif : car il s'agit de ramener l'insouciant spectateur à la dure, à la crue réalité – de force s'il le faut. («Faire un film, c'est lancer les bobines au visage du spectateur», disait Elio Petri). Provocatrice de profession – avec le côté accrocheur que ça implique bien sûr – la réalisatrice Liliana Cavani trouve là un sujet qui lui va comme un gant : moins complaisant et historiquement plus fiable que le livre de Malaparte dont il est tiré, son film met néanmoins toute la gomme dans le sordide, le glauque, l'atroce, l'insupportable même (cf scène finale). Comme il se devait : telle était la situation à Naples en octobre 1943, une situation de détresse humaine vraiment terrifiante qu'il n'est pas question d'édulcorer, et il faut avoir le courage de la regarder en face.

Et de voter pour sa réédition en DVD, bien sûr. Il vient de sortir en version restaurée en Italie.

Arca1943


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De jagama, le 16 janvier 2006 à 21:27
Note du film : 6/6

Ce film m'a profondément marqué lors de sa projection. L'atmosphère glauque est présente dès les premières images, et s'accentue graduellement jusqu'a la fin du film où les dernières images vous achèvent litteralement. Je souhaite revoir ce film et l'ajouter à ma vidéothèque.


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De ursus, le 16 janvier 2006 à 23:43
Note du film : 5/6

ça fait des années que je cherche en vain un cassette, un dvd ou un passage TV de ce film…


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De PM Jarriq, le 17 janvier 2006 à 07:50

Lancaster, Mastroianni, le contexte historique, malgré la réalisatrice dont je ne raffole pas, je jetterais bien un coup d'oeil…


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De Arca1943, le 2 juin 2006 à 12:59
Note du film : 5/6

Merci pour ces signatures ! Et voilà que la fiche de La Peau dépasse le seuil des 1 000 visiteurs. Quelque chose me dit que nous allons bientôt voir ressortir ce film…


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De frontine, le 12 juin 2007 à 17:19
Note du film : 4/6

Ce film malgré tout plus qu'intéressant, est sorti dans le commerce (DVD), en Belgique du moins. Le comble, c'est que malgré la présence de Claudia Cardinale, il ne fût présenté qu'en version italienne ! sans même de sous-titres français ! On pensera donc ce qu'on voudra des éditeurs et cela à l'"heure européenne" !


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De Arca1943, le 30 décembre 2009 à 19:52
Note du film : 5/6

Eh bien, Frontine, ces malheureux éditeurs peuvent remonter (un petit peu !) dans notre estime : car La Peau sort sur DVD en France le 25 mars prochain ! Qu'on se le dise !


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