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Forum : Quand passent les cigognes

Sujet : Critique


De totoro, le 28 avril 2003 à 00:00

Ce film sera un vrai choc et séduira les publics du monde entier, grâce à Claude Lelouch qui tombe sur le film un peu par hasard fin 1957, et qui le montre trés vite au directeur du festival de Cannes. Dès lors, la marche triomphale de ce film incroyable (par sa charge émotive constante et par sa modernité technique – Caméra trés fluide et montage innovant-) commence.

Palme d'or en 1958 et Oscar du meilleur film étranger à Hollywood ! Rares sont les films ayant cumulé les deux récompenses!

Si la virtuosité technique et presque toutes les séquences sont inoubliables (La scène des adieux, l'incendie de la maison parentale, la découverte du petit garçon qui échappe à la mort, la mort du fiancé Boris, etc.), on ne peut omettre l'apport de l'actrice principale qui marqua à jamais la génération des jeunes femmes russes des annés 60 : Tatyana Samojlova. Cette jeune actrice est incroyable de justesse et apporte une grande émotion au film.

Indispensable, ce chef-d'oeuvre du cinéma russe nous repose la question : l'amour sera-t-il plus fort que la guerre ?

Mikhail Kalatozov nous répond que oui, malgré le bruit et la fureur d'ici-bas, le vol des cigognes traversera toujours le ciel redevenu clément de Moscou…


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De vincentp, le 27 août 2006 à 18:13
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Effectivement un chef d'oeuvre qui mérite tous les honneurs. Porteur d'une riche thématique, à la fois comédie de moeurs et drame lyrique, formellement superbe (une photographie remarquable), bien joué (la patriote soviétique surpasse allégrement sa camarade tchèque Karbanova), réalisé de façon très dynamique, agrémenté de dialogues spontanés étonnants, il intéressera, outre les cinéphiles, tous ceux qui ont pour centre d'intérêt l'ex URSS, car il présente de manière relativement libre la société soviétique de l'époque.

Sur le fond, ce film m'a paru quelque peu ambigü. Il m'a semblé en effet au début faire l'éloge de la liberté individuelle (ceci étant très contestataire pour l'époque) pour finir par se terminer dans un chant patriotique à la gloire de la mère patrie. Quelle est donc la véritable position de l'auteur ? A-t-il été coaché par le commissaire politique en cours de route ? Ceci n'impacte toutefois en rien les grandes qualités du film, bien au contraire, car ce portrait d'un pays et de ses institutions (vu au travers de l'histoire de jeunes gens) revêt au final un aspect quelque peu énigmatique, comme a pu l'être cette société.

Sans doute le film qu'il manque aujourd'hui dans la filmographie abondante de notre cher RdT. Et il intéressera Impétueux qui a une passion avouée pour les jolis minois et "l'âme slave". Et ici pas de Jean de Nihan à l'horizon, pour créer la discorde entre les deux…


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De Impétueux, le 28 août 2006 à 10:01
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Il est certain que je n'ai pas vu Quand passent les cigognes lorsqu'il est sorti en France ; je crois que j'ai déjà eu l'occasion d'écrire, à propos de je ne sais plus qui, ou quoi, que, dans les années Soixante, aller voir un film soviétique relevait davantage de l'acte militant que de la démarche cinéphilique ; si on n'était pas membre de "France-URSS" ou d'un ciné-club engagé quelconque, on s'abstenait. Eh oui ! Les clivages étaient lourds et les jeunes pousses n'imaginent sûrement pas ce qu'était, en France, l'atmosphère de la Guerre froide, et notamment pour ce que j'en ai connu, entre 1956 (Budapest) et 1968 (Prague). La moindre part de talent concédée à l'autre camp vous faisait regarder d'un drôle d'air par ceux dont vous étiez idéologiquement proche.

Et comme toute ma famille, j'étais violemment anticommuniste et donc insusceptible de jamais regarder un film russe, ou bien hongrois, tchèque ou polonais.

Outre que, depuis lors, j'ai mis beaucoup de vin (rouge) dans mon eau claire, l'effondrement du Rideau de fer m'a incité à découvrir l'âme slave – éternelle, celle-là, bien plus que les Soviets ! -et, sans en devenir passionné, et moins encore spécialiste, j'ai dû bien volontiers admettre qu'il y avait, à l'Est, de sacrés talents.

Je suivrai donc votre conseil, mon cher Vincentp, d'autant que si vous me promettez, en plus du discours patriote que j'aime, le frais minois de Tatyana Samojlova (en transcription graphique française, on disait plutôt Tatiana Samoïlova), mon syncrétisme d'aujourd'hui sera comblé !


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De JIPI, le 28 septembre 2006 à 17:36
Note du film : 6/6

Le cinéma soviétique se démarque enfin de tout l'élan patriotique de sa production précédente en montrant une très belle histoire d'amour remarquablement filmée dans un esprit neuf qui positionne cette nation comme novatrice dans l'art cinématographique.

Véronika (Tatiana Samoilova) attend le retour de son fiancé Boris (Alexeï Balatov) partit sur le front russe. Sans nouvelles elle cède aux avances du cousin de celui-ci un planqué peu glorieux égoïste et distant.

Délaissée, Véronika s'implique à sa manière dans le conflit en investissant son énergie à l'aide et au réconfort des soldats blessés rapatriés au pays. Elle prend conscience de l'horreur de la guerre.

Certaines images sont sublimes et novatrices :

Le préambule calme de l'avant guerre permettant à Véronika et Boris de positionner leur amour sur un avenir.

La scène tourbillonnante de l'escalier gravi par Boris (Une première technologique pour l'époque).

Le moment où Véronika terrorisée par les bombardements et à bout de forces cède à Mark en répétant à l'infini sa négation qu'elle ne peut plus contrôler.

La scène finale, poignante et désespérée, l'ultime espoir que Véronika place dans l'arrivée de ce train remplit de soldats de retour au bercail.

Quand passent les cigognes justement récompensé par le grand prix du festival de Cannes en 1958 nous a permis de découvrir une comédienne sublimement belle Tatiana Samoilova que beaucoup de spectateurs de l'époque ont du chérir de tout leurs cœurs


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De Impétueux, le 13 mai 2007 à 18:27
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'y ai mis le temps, mais ça y est, je l'ai vu ! Et je suis emballé, ému, bouleversé même par ce film qui a accumulé les récompenses, à l'Est et à l'Ouest, mais qui n'a évidemment pas bénéficié, pour la perpétuation de sa légende de toute l'aura qu'aurait recueilli un film occidental du même niveau.

N'oublions pas que si le film retrace la période de la Grande Guerre patriotique, celle où l'Union soviétique de Stalingrad, après la Grande-Bretagne du Blitz a sauvé le monde de l'Horreur absolue, il a été tourné en pleine Guerre froide.

On a beaucoup vu en lui une sorte d'oeuvre symbolique du dégel que tentait d'impulser Nikita Krouchtchev, parvenu difficilement au pouvoir après la mort de Staline ; la judicieuse remarque de Vincentp qui note combien le début du film avec les civils qui n'ont pas très envie de partir se battre, les petites magouilles afférentes à la mobilisation, la protestation individualiste de Véronika (Tatyana Samojlova) qui veut sauver son bonheur, combien ce début contraste avec la fin, toute de recueillement et d'émotion patriotique exaltée ; c'est tout à fait exact, même si, d'emblée Boris (Aleksei Batalov), le fiancé de Véronika et son ami Stepan (Valentin Zoubkov) ont déjà fait le choix du Devoir. Mais il est vrai que, par rapport à la production stalinienne telle qu'on se l'imagine (et d'ailleurs Alexandre Nevski pourrait aussi être pris dans cette optique héroïciste et manichéenne), il y a une liberté de ton, une spontanéité (comme écrit Vincentp) qui surprennent, des critiques vives contre les parasites sociaux (Mark, le cousin planqué et veule – Alexandre Chvorine), la corruption des élites, la désorganisation des institutions (les hôpitaux bondés où on se refile les blessés).

Mais – donc – 1957, c'est aussi un des moments d'intertension lors de la Guerre froide, un moment où la puissance de l'Union Soviétique paraît au sommet de la courbe : le 4 octobre 1957, le premier engin humain lancé dans l'espace, c'est le spoutnick, et l'U.R.S.S. semble, aux yeux de beaucoup, avoir pris une avance décisive sur les États-Unis, d'autant que les crises de l'année précédente (Hongrie en octobre, Suez en novembre) paraissent avoir plutôt tourné à son avantage : on peut donc entrouvrir le couvercle et laisser aux cinéastes un peu davantage la bride sur le cou.

Mais je ne suis pas sûr qu'il n'y ait eu pour le réalisateur, Mikhail Kalatozov, des pressions, une sorte de passage obligé et de caution donnée à l'autorité pour le filmage du retour des soldats et de la grande émotion patriotique que ressent tout un peuple, y compris Véronika : en 1957, la Guerre, son cortège de souffrance et de destructions, mais aussi le poids décisif pris par l'Armée Rouge dans la victoire alliée est trop présent, trop inscrit au cœur du peuple pour n'être qu'une figure de style…

Ces petites choses dites, communions dans l'extraordinaire beauté formelle de Quand passent les cigognes, dans la virtuosité des mouvements de caméra, virtuosité qui n'est jamais gratuite, qui marque plutôt, dans la légèreté des amoureux qui se poursuivent et s'embrassent, et se cherchent, et se défient tendrement au tout début du film l'insouciance d'avant le 22 juin 1941 ou, au contraire, dans la course désespérée et obsédante de Véronika montant quatre à quatre les escaliers de son immeuble bombardé, la terrible certitude de la mort des siens.

Tatyana Samojlova est une héroïne extraordinaire, qui porte dans sa beauté tour à tour joueuse et pathétique le poids d'un très grand film.


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De vincentp, le 13 mai 2007 à 20:55
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Une analyse pertinente de ce film est produite dans le livre dont j'ai déjà mentionné l'existence et intitulé "Lire les images du cinéma", publié le mois dernier chez Larousse.


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De Arca1943, le 13 mai 2007 à 20:55

«  …dans les années Soixante, aller voir un film soviétique relevait davantage de l'acte militant que de la démarche cinéphilique ; si on n'était pas membre de "France-URSS" ou d'un ciné-club engagé quelconque, on s'abstenait. Eh oui ! Les clivages étaient lourds et les jeunes pousses n'imaginent sûrement pas ce qu'était, en France, l'atmosphère de la Guerre froide… »

En tant que (relativement) jeune pousse, je trouve cette remarque des plus intéressantes. Tout ça est assez malheureux, en somme. Avec mélancolie, je pense à un cas – pas si courant, tout de même – de "censure de gauche" qui a eu lieu en France : la bataille pour empêcher, ou retarder le plus possible, la publication des Origines du totalitarisme, de Hannah Arendt (1947), dont le tome III, Le Système totalitaire a fini par paraître vers 1975 et les deux autres tomes, en 1980. Or, c'est justement dans l'avant-propos de ce fameux tome III "sacrilège" (puisque le terme totalitarisme y est de nouveau* utilisé pour désigner à la fois le fascisme et le communisme **) que Mme Arendt nous livre une sérieuse mise en garde contre les dérives idéologiques de l'anticommunisme. (Il faut dire qu'elle avait sous les yeux le maccarthysme en cours de formation.)

Et c'est bien ce dont il s'agit, ici. Si on va voir le Don Quichotte de Kozintsev (disponible en DVD !!) on va voir Don Quichotte, et puis c'est tout, quoi ! Mais il est vrai que les militants de partis, de droite comme de gauche, adorent s'emparer des oeuvres d'art pour s'en faire des étendards, souvent à coups d'interprétations abusives ou réductrices, dégradant ainsi – parfois irrémédiablement – les oeuvres en question. Comment s'appelait, déjà, le poète français qui a pondu ce texte fabuleux : « Sardines à l'huile » ? Ça finissait, je crois, par « Sans voix, sans mains, sans genoux / Sardines priez pour nous. » Génial, ce poème. Mais le type qui l'avait écrit avait – avait par ailleurs – de sérieux penchants fachos. Alors ce qui arrive c'est que, d'une part, l'extrême-droite se réclame du bonhomme : le nom d'un prestigieux poète, c'est toujours bon à prendre; et d'autre part, la gauche identifie comme "fascistes" (avec toujours la même ignorance crasse du phénomène fasciste, mais ça, c'est un autre chapitre) ceux qui ont eu le malheur de goûter ce poème – auquel je pense chaque fois que je mange des sardines !

C'est la même chose pour les oeuvres d'art même les moins idéologiques produites en Russie sous le régime communiste. Ce n'est pas parce que Gorki était un suppôt du régime que ça nous dit en quoi ses romans sont bons ou mauvais. Mais à cause de la notion (souvent abusive) "d'art engagé", cette évidence reste brouillée, de nos jours… Il faudrait faire un inventaire raisonné du cinéma des pays de l'Est pour éviter que certains amalgames idéologiques n'aient abusivement effacé la mémoire, qui sait, de très bons films.

(*) Oui, « à nouveau » car historiquement le mot totalitaire apparaît d'abord en italien, en 1923-24, sous la plume des antifascistes Giovanni Amendola (droite constitutionnelle), Luigi Sturzo (démocratie-chrétienne) et Gaetano Salvemini (gauche non-marxiste) pour décrire à la fois le fascisme italien et le communisme soviétique et les différencier l'un et l'autre d'une simple dictature. Après quoi Mussolini, tout content, s'empara du terme pour désigner son régime; avec raison, pour une fois !

(**) Mais dans un esprit différent, notons-le, du fameux Livre noir du communisme, qui tend à confondre les deux totalitarismes dans une espèce de bouillie simplette à l'usage de la classe militante. Il ne vient pas à l'idée d'Hannah Arendt d'affirmer que communisme et fascisme sont "plus ou moins la même chose". Elle avait horreur de la confusion.


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De jipi, le 14 mai 2007 à 15:43
Note du film : 6/6

"Dans les années Soixante, aller voir un film soviétique relevait davantage de l'acte militant que de la démarche cinéphilique »

Bonjour Arca1943

D'où l'époustouflante surprise que fut la vision de ce film extrêmement émouvant qui un peu plus d'une décennie après la fin des conflits offrait un cœur en complémentarité d'une idéologie politique.

Comment ne pas verser de larmes en voyant Tatiana Samoilova distribuer ses fleurs aux soldats Russes regagnant la mère patrie, rien que d'en parler…..

Je vous conseille de voir mais c'est certainement déjà fait un autre chef d'œuvre venu du froid, « La Ballade du soldat » extraordinaire odyssée d'un soldat en permission minuté mais se dispersant par la bonté au fil de ses rencontres

[http://www.ruscico.com/detail.php?lang=fr&film=7|http://www.ruscico.com/detail.php?lang=fr&film=7]

Bravo pour ces deux films magnifiques plaidoyers montrant l'envol brisé d'une jeunesse pleine de projets sacrifiée par la guerre. La Russie par ces images montre un immense traumatisme intérieur.


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De Impétueux, le 14 mai 2007 à 16:11
Note du film : Chef-d'Oeuvre

"Traumatisme intérieur" ?

Pour moi, plutôt, intense fierté d'avoir su, presque seule avec la Grande-Bretagne, tenir le choc ! Les morts ne sont pas morts pour rien ! Et même Véronika en est consciente !


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