Un très beau film – et très drôle – qui en a rempli plusieurs d'espoir, ici, après des années de vaches maigres cinématographiques. D'ailleurs le Luchetti suivant, Le Porteur de serviette, confirmait cette bonne impression. Et puis, plus rien… Plus un seul Luchetti à se mettre sous la dent.

Ce Domani accadrà fut un moment de bonheur particulier pour moi en tant que spectateur, parce que j'avais toujours rêvé de voir une comédie italienne sur le Risorgimento, thème curieusement peu traité par le cinéma italien (comique, tragique ou les deux) alors qu'il m'a toujours semblé qu'il y avait là mille et une histoires passionnantes à puiser…

Notons aussi que le mouvement italien des idées qu'on appelle "Illuminismo" est bien le pendant italien des Lumières, mais qu'il a sa propre originalité; les deux se recoupent et s'influencent, mais ne sont pas interchangeables. Et quand vous dites que cette comédie historique n'est pas un simple film en costumes «"à la française", serais-je tenté de dire…», ça me rappelle une pique du comte Sforza (1872-1952), diplomate libéral : « La puissante clarté cartésienne du rationalisme français brille, pour nous Italiens, tel un phare dans la nuit : un excès de lumière qui masque la valeur des ombres. »

Ce "western philosophique" (comme le décrivait Arte lors de sa télédiffusion) est le premier film de Daniele Luchetti, disciple de Moretti. Et pour une tentative première, c'est un petit coup de génie et d'originalité!

Le film traite d'une époque relativement ignorée par le cinéma (c'est peu de le dire) : les évènements révolutionnaires de 1848 en Europe, et particulièrement en Italie. Mais, loin d'être un film académiquement historique, il évoque plutôt l'esprit de ce temps, et nous le rend plus vivant et plus proche de nos préoccupations actuelles qu'une simple reconstitution "en costume" (à la française, serais-je tenté de dire). Ainsi, à la faveur d'une division du film en chapitres (hommage aux contes philosophiques des Lumières) et de la fuite en avant des deux (anti)héros, poursuivis par leur destin social, on passe du brigandage picaresque à des spéculations très concrètes sur l'origine de la Liberté, du "roman" d'apprentissage à la reconstitution d'un phalanstère fouriériste! Et j'en passe! Le tout en traversant des paysages de Maremme qui racontent la beauté lumineuse et la désolation de cette Italie-là. Ajoutez y des personnages tels que des bandits analphabètes, un noble ruiné et insomniaque (à cause de trop grandes consanguinités), un curé philosophe, des déserteurs autrichiens, une ravissante prosélite de l'Harmonie et quelques carbonaros, vous comprendrez qu'on ne s'ennuie pas. D'autant que le film est traité avec une liberté de ton et de narration, avec un humour, qui le sauvent de verser dans un "littéraire" pesant et démonstratif. Et, pour une fois, notons-le, on a droit à une vraie fin, fougueuse et poétique, bien à l'image de l'ensemble de cette oeuvre!

un film emprunt de poésie et de grâce. Quand et où pourra-t-on le revoir ?

Surgi apparemment de nulle part à la fin d'une décennie qui avait vu la descente aux enfers du cinéma italien, Domani accadrà était une vraie lumière au bout du tunnel. Un tout jeune réalisateur, un nouveau pool de scénaristes – dont le fameux tandem Petraglia-Rulli – un esprit "très italien" et pourtant inédit, de jeunes interprètes enthousiasmants – Claudio Bigagli, Nanni Moretti, Margherita Buy, Angela Finocchiaro… et le Risorgimento, période sous-exploitée par le cinéma de l'Âge d'or (sauf du côté de Luigi Magni). Magnifique. Et vous voudriez me faire croire qu'on ne peut pas trouver ça en DVD francophone ? Allons donc !

Toujours pas de nouvelles de Domani accadra en DVD francophone. Mais que font les éditeurs ?