Il y a d'abord Susan Sarandon qui interprète la mère avec le talent qu'on lui connaît. Seulement, ici, il lui est ici offert un rôle tellement éclectique, avec une telle palette de sentiments (allant du loufoque à la tendresse en passant par l'hypocrisie, la colère, l'humour) qu'elle peut enfin s'en donner à cœur joie. Et elle ne s'en prive pas ! Rarement elle aura été aussi impressionnante, réussissant surtout à rester toujours juste, jamais excessive à l'intérieur d'un personnage qui l'est pourtant.

Ensuite, il y a Natalie Portman

, encore adolescente dans un rôle bien plus difficile que celui de Susan Sarandon, mais moins spectaculaire aussi. Elle incarne en effet un personnage tout en intérieur, en réaction, avec très peu de scènes où elle se lâche et qui pourraient ainsi expliquer son personnage. Tout est en finesse, dans un regard, dans une posture. Il est vraiment impressionnant de voir un tel talent chez une personne aussi jeune. Décidément, il faudra compter Natalie Portman parmi les futures très très grandes actrices américaines.

Le mélange de ces deux personnages donne un film atypique. On se croirait dans une comédie (la lumière, le cadre, la musique vont dans ce sens là), mais l'interaction des deux comédiennes est telle que l'on glisse lentement mais sûrement vers un film cruel, grave.

Ce film est un portrait du monde adulte et toute la dramaturgie fonctionne là-dessus : comment réagir quand on est une jeune femme qui se doit de devenir adulte quand ce monde adulte se réduit à ce specimen qui est votre mère, une mère pathétique avec ses rêves déçus qui l'ont rendue un peu mythomane, sa solitude, sa dureté face à la vie, les problèmes d'argent, à l'amour déçu et à la sexualité frustrée.

Mais, et heureusement, Wayne Wang n'est pas un pessimiste simpliste, mais un pessimiste actif, un battant. Il entrouvre une porte de sortie à ses personnages et offre la possibilité d'un avenir peut-être différent du passé.