Il y a quelque chose d'un peu bizarre à écrire une critique sur un film comme La vache et le prisonnier. C'est un peu comme avoir à se demander qui est réellement un ami que l'on connaît depuis dix ans et dont on a perdu l'habitude de se poser la moindre question.
Et pourtant, à y réfléchir (et revoir d'un oeil critique), le film de Verneuil en sort avec les honneurs. Il y a d'un côté Fernandel, qui ne surjoue pas, qui alterne comédie et sérieux, il y a les dialogues épatants de Jeanson (qui font des fois un peu mot d'auteur). Mais surtout, il y a une présentation des Allemands qui détonne par un courage étonnant. Ils ne sont pas caricaturaux! Chose rare. Certes les militaires ont droit à quelques moqueries, mais Verneuil a su montrer les gens du peuple comme eux aussi victimes de la guerre. Pour l'époque, c'était déjà osé… et politiquement incorrect. Rien que pour ça, bravo monsieur Verneuil.
Quelle surprise ! Un seul message (et non des moindres) sur le fil de La vache et le prisonnier ??
Il y a quelque chose d'un peu bizarre à écrire une critique sur un film comme La vache et le prisonnier. C'est un peu comme avoir à se demander qui est réellement un ami que l'on connaît depuis dix ans et dont on a perdu l'habitude de se poser la moindre question. Mais oui, c'est tout à fait ça….Ce film est entré dans notre vie un peu comme Les disparus de st Agil ou jeux interdits : Il existe et nous l'avons gardé dans un coin de notre coeur, comme un parent que l'on aime bien à revoir souvent, sans arrières pensées.
Les films sur les évasions, ils sont très nombreux et variés. Le Comte de Monte-Cristo, Le joueur d'échecs,
Si Paris nous était conté,
avec les péripéties du Sieur Latude et ses multiples évasions de La Bastille, Le trou,
L'évadé d'Alcatraz
Les évadés de Sobibor et autre La grande évasion,
pour ne citer qu'eux. Les deux dernières étant moins intimistes que les autres…
Histoire vraie vécue, parait-il, par Jacques Antoine de la télévision française, cette La vache et le prisonnier est un beau livre d'images. J'ai presque envie de dire un film à sketches, tant chaque scène est à elle seule un petit scénario. Et puis cet évadé, on a l'impression de bien le connaitre. Non pas parce qu'il s'agit de notre Fernandel
national, mais parce que c'est le papa, le tonton, le papy, le cousin qui aurait pu nous la raconter cette histoire. Pas de cascades, pas de bling-bling à l'américaine, et puis peut-être et surtout, pas de fusillade, de morts. Du moins, pas sous nos yeux… Juste cette autorité que subissaient les perdants, et le bruit de quelques bombes pour nous rappeler que nous ne sommes pas dans le guide du routard, malgré les paysages que nous offre une forêt noire magnifique.
D'abord cette bande de copains, prisonniers dans une ferme commando (?). La vie s'écoule doucement pour eux. Tellement doucement que Fernandel y reprendra goût quelques années plus tard en compagnie de Anne-Marie Carrière pour La cuisine au beurre
… Ces copains de galère pour notre héros. Ces amis, ces trognes que l'on connait, reconnait si bien : Albert Rémy,
René Havard, Maurice Nasil ! "- Ou ai je vu ce type ? -" Mais oui ! Il jouait dans La vache et le prisonnier
…
Et puis viendra la lassitude de Charles Bailly… Las des interminables parties de belote et d'apprendre l'Anglais sans accent et l'Allemand sans douleur, il prendra congé de ses copains d'infortune. Commencera alors la longue randonnée de Papa, tonton, cousin…
L'idée de franchir les lignes ennemies avec une Marguerite de vache n'est pas si bête.
"- Danke schön, Marlène, danke schön Josépha, danke schön… Madame !-"
Et les petits sketches dont je parlais plus haut vont se succéder. D'abord le retour inopiné avec un trop brave Allemand, puis la rencontre avec les russes qui veulent manger Marguerite (Caro !) contre des vêtements civils. Le joli passage ou il est reçu par des paysans , pas dupes, pendant que Marguerite compte fleurette avec le taureau. L'enfant de la maison est à Marseille. Il chantera à une mère inquiète et à une sœur bien jolie la chance de ce soldat. "- A Marseille, il y a du soleil comme si il en pleuvait..-"
Papa, Tonton, le cousin, le papy… On ne touche pas à la famille. Et encore moins aux animaux.
Oui, "La Vache et le Prisonnier est dans la tradition du cinéma à la fois populaire et de qualité…
Quant aux Allemands présentés de manière non caricaturale, vous souvenez-vous du film "Le Passage du Rhin", d'André Cayatte, sorti en 1960 ?
Il a changé les préjugés sur les Allemands de l'ado de 15 ans que j'étais ,gavé de exploits des résistants de la onzième heure, et l'a décidé à travailler au rapprochement franco-allemand lancé par de Gaulle et Adenauer.
D'abord un petit coup de haine contre la version que j'ai imprudemment acquise, dans la collection consacrée à Fernandel ; un film disponible uniquement en version colorisée, avec ses couleurs pisseuses et sa fausse modernité ; on peut naturellement toujours régler son téléviseur pour qu'il vous efface ces immondices, mais c'est tout de même absolument dégueulasse. Même l'affreux René Château, dans son édition du surévalué Fanfan la tulipe,
offrant à ses thuriféraires et à ses stipendiés la vision du cavalcadant et avantageux Gérard Philipe
n'avait pas osé se limiter ainsi et a donné à voir, sur le même disque, les deux versions, la colorisée pour les barbares, et l'authentique pour les gens normaux.
Puis l'évidence que ce film-là fait partie de notre patrimoine profond ; non pas qu'il soit empli de suspense, ni d'angles de vue originaux, non pas que les péripéties qui s'enchaînent soient d'une folle originalité (mais on le fait remarquer avec pertinence, c'est une histoire vraie, où l'invraisemblance est tout, sauf invraisemblable), mais parce que c'est notre histoire.
C'est en tout cas notre histoire en 1960 ; ce genre de film n'aurait pu être réalisé ni avant, où les blessures étaient encore trop à vif, ni après, où l'horreur de l'Holocauste a graduellement empli le paysage, finissant par faire oublier, ou plutôt mettre au dernier plan les autres aspects de la guerre.
1960, c'est l'époque où les jumelages entres villes françaises et allemandes sont continus, où un quart des lycéens français apprend l'Allemand en première langue, où l'Allemagne rhénane, heureusement séparée de sa partie prussienne, gardée bien au chaud par la Russie, retrouve sa prospérité tout en conservant ses complexes et finance sans barguigner l'expansion européenne.
D'ailleurs, où sont les Nazis, dans La vache et le prisonnier ? Nulle part, ou presque… Les deux officiers qui viennent éructer à la ferme dont s'est échappé Charles Bailly (Fernandel)
et, tout à la fin, les gestapistes qui arrêtent les deux loustics français déguisés en capitaines de la Wehrmacht (Pierre-Louis et Richard Winckler), laissant passer Charles et Marguerite. Sinon, ce ne sont que braves gens, compréhensifs, ouverts ou poursuivis par la fatalité des guerres.
C'est ce qu'avaient ressenti des dizaines de milliers de prisonniers français, aveugles ou aveuglés sur ce qui se passait plus à l'est, à Majdaneck, Sobibor ou Treblinka. En 1960, des tas de gens avaient vécu cette réalité quinze ou vingt ans auparavant et on ne pouvait pas leur raconter les fariboles qui sont notre lot commun d'aujourd'hui, où la honte de n'avoir rien su rejoint celle de n'avoir rien fait. Les prisonniers de La vache ne sont pas très sensiblement différents, dans un autre contexte de ceux de La grande illusion
: être prisonnier fait partie du jeu de la guerre et, si l'on s'évade c'est bien pour revoir sa femme ou sa terre. On est très loin de L'armée des ombres,
qui fut une autre réalité, pour les quelques héros lucides qui ont vu le vrai visage de la Bête.
En 1960, deux hommes d'État exceptionnels, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer gouvernent la France et l'Allemagne dans une atmosphère de cordialité, de sympathie, d'estime ; le traité de l'Élysée, de janvier 1963 scelle une union et des perspectives de coopération, mises à mal par la malencontreuse arrivée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun, en 1972, qui va tout ficher en l'air…
Aucun rapport avec le film ? Voire ! Dans ce bijou de tendresse l'envie de la réconciliation de deux peuples épuisés est évidente et rassérénante ; on ne se gratte pas les cicatrices pour les rendre plus laides encore ; on y pratique ce qui, dans l'histoire des peuples, est bien plus important que le Devoir de mémoire dont on nous rebat aujourd'hui les oreilles : l'Obligation d'oubli, seule voie possible pour que la vie sociale ne soit pas alimentée uniquement par le pus de la rancœur…
Ah ! Tout de même un reproche, simplement : l'omniprésence du thème musical, à l'harmonica, certes réussi, mais tout de même trop sommaire pour être continuellement ressassé…
Pour avoir le film en noir & blanc (très beau master), il faut acheter l'édition StudioCanal grise (la collection "classique StudioCanal"). J'ai vu qu'on en trouvait encore à des prix acceptables (autour de 20 euros).
Sinon, il est effectivement scandaleux que la version colorisée ait été mise en avant, dans une collection "bon marché" (par le même éditeur qui plus est).
Et c'est ce Film qui le premier, en Mai 1990, a ouvert la voie au désastre de la colorisation des films en France…Puis Les tontons flingueurs
et le cave se rebiffe
connurent le même attentat culturel…
Je viens d'entendre une interviouw de Bernard Musson qui nous apprend, devinez quoi : Que Marguerite s'appellait en fait….Dora. C'est pas une info, ça ? Ca m'a fait tout drôle…
Je suis en train de regarder La vache et le prisonnier avec ses couleurs pisseuses et sa fausse modernité comme dit avec raison Impétueux et je me dis que ce cinéma là, que l'on peut critiquer à l'envie, et même à outrance, ce cinéma là, dis-je, a bel et bien disparu à jamais… Quel cafard ! En tous cas, bravo pour les commentaires dans le mille !
Quelle nostalgie ! …. Il y a longtemps de ça, dans une autre vie, il y avait Marguerite. Aujourd'hui, on marche avec les mamelles de Nabilla… C'est la fin d'une civilisation …C'est drôle (?), je viens de lire le beau message de notre ami Impétueux sur Vincent, François, Paul… et les autres et comme disait un flic à Ventura
dans Garde à vue
:
"- C'est la soirée des grandes fatigues …-"
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