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Forum : Little Odessa

Sujet : Critique


De dumbledore, le 3 janvier 2003 à 00:00

Attention, petit bijou ! Le film repose d'abord sur une idée d'une simplicité fulgurante : un tueur à gages revient dans son quartier où il est considéré comme un paria et doit se coltiner aussi bien ses problèmes de famille que son boulot à effectuer. De cette simplicité naît une grande force car c'est un très bon metteur en scène qui est derrière les manettes, un metteur en scène qui a l'intelligence de faire les bons choix.

Le premier est le casting. Tim Roth prouve une nouvelle fois sa formidable puissance de jeu qui n'est pas sans rappeler celle de Robert de Niro des années 70/80. Chaque détail, chaque attitude, chaque regard est chargé d'émotion, de force (ou de faiblesse).

Il y a ensuite une mise en images fabuleuse. La lumière est aiguisée, tout à la fois très riche en couleurs et très contrastée, très noire. Le travail sur la couleur est même souvent osé. Un exemple parmi d'autres : quand les deux frères sortent de la maison après s'être battus avec leur père, on les voit marcher sur de la neige sous laquelle semble se trouver du sang !! Les cadres sont eux aussi formidables, avec une très belle et très fine utilisation du scope. Quand on sait combien il est difficile à utiliser dans des décors intimistes, on ne peut-être qu'admiratif. Cette mise en images est également brillante dans le choix des plans. L'utilisation des plans larges est notamment très belle, développant le rapport à la ville d'une manière judicieuse. Chaque fois que les personnages acquièrent un peu de liberté, ils sont vite ensuite perdus dans un plan large, comme de petites fourmis se débattant…

Mais la plus grande force du film est encore ailleurs. Elle est dans le sujet, le thème abordé. L'histoire policière est évidemment un prétexte et un axe de dramatisation à ce qui n'est en fait qu'une vision inversée du retour du fils prodigue. Seulement, le fils en question n'est pas accepté ni toléré. Cette histoire de famille qui est le véritable sujet du film, le seul centre d'intérêt du réalisateur, est une grande réussite. Les scènes entre les deux frères et le père sont très belles, tendues, violentes même mais toujours là pour montrer la perdition découlant de ces trois solitudes. La famille, berceau de l'Amérique, force vive des immigrants, est ici brisée par manque de reflet constructeur. Sont-ils encore russes ? Sont-ils déjà amércains. Ou bien sont-ils comme la mère, atteints d'une tumeur en cerveau qui altère la mémoire au point de ne plus savoir où ils sont et surtout qui ils sont ? Un peu tout ça sans doute.


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De droudrou, le 29 janvier 2007 à 10:09
Note du film : 5/6

Film absolument incroyable que je ne connaissais pas et que j'ai découvert ce 28 janvier pour un prix vraiment modique : j'ai payé le DVD 4 Euros. L'interprétation est excellente et le film captive du début jusque la fin. Nous ne sommes pas confrontés à un téléfilm avec la mafia russe mais devant une oeuvre profonde particulièrement intéressante et d'une qualité d'interprétation absolument certaine. La construction du film est très intéressante d'autant que les dernières images ne nous donnent aucune explication : à nous d'interpréter ce qui va pouvoir se passer ensuite ! Film vraiment très bien et qui a mérité les récompenses qu'il a pu obtenir.


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De aragorn, le 29 janvier 2007 à 10:15
Note du film : 5/6

Du même auteur : The yards, également intéressant.


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De droudrou, le 29 janvier 2007 à 10:20
Note du film : 5/6

Merci Aragorn ! Je partage ton opinion. Donc : deux films à voir et à revoir !


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De Steve Mcqueen, le 28 avril 2010 à 14:43
Note du film : 6/6

Totalement d'accord avec Dumbledore, Droudrou et Aragorn !! James Gray réalise un polar culte, ignoré par la critique à l'époque de sa sortie (même "Studio" fera son mea culpa) et qui a acquis depuis sa vraie stature : celle d'un chef d'oeuvre du polar psychologique. Gray réalise un film pur comme le diamant et tranchant comme l'acier, sur la corde raide entre pathos et violence….

Un tueur revient chez lui, dans le quartier russe de Little Odessa, à New York. Il revoit son petit frère (excellent Edward Furlong), entrEtient des rapports tendus avec son père (éblouissant Maximilian Schell) et revoit furtivement sa mère (touchante Vanessa Redgrave) tout en préparant son nouveau coup : l'assassinat d'un bijoutier russe. Laquelle séquence est magnifiquement filmée, à la fois belle et ultra-violente : les deux hommes sont filmés de loin, dans une décharge, de nuit. Tim Roth : "Tu as 5 secondes pour faire ta prière avant de mourir". Le juif sanglote et Roth lui tire une balle dans la tête…. Traumatisant.

Mais le film est avant tout une tragédie shakespearienne, dans le sens où elle montre la lutte pour la prise du pouvoir dans le cadre du cercle familial : Schell voit son pouvoir paternel vaciller sous les coups de boutoir de Roth ( dans une scène éblouissante Roth force son père à s'agenouiller avant de lui coller son arme sur la nuque ) , son cadet lui échapper, il n'a pour seule alternative que de fréquenter une autre femme…

A la fin, Roth, les yeux dans le vague, brûle le corps de son frère dans une immense chaudière…

Déchirant.


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De Steve Mcqueen, le 19 juin 2022 à 19:52
Note du film : 6/6

Entre coups de blues et coups de feu, coups de reins et coups de sang, Joshua (Tim Roth) promène sa silhouette bardée de cuir dans les rues de Brighton Beach. Masque impassible d'où la moindre émotion semble bannie, le tueur à gage est de retour au bercail, prompt à dégainer pour donner la mort comme on accorde une faveur.

Reuben (Edward Furlong), son frère rudoyé par l'existence, vivote en tirant sur sa clope comme s'il consumait sa vie, enchaînant séances de ciné et petit boulot de vendeur de journaux dans un kiosque aux côtés de son père.

Leur mère (Vanessa Redgrave), masque de douleur qu'une mort tant redoutée viendra apaiser, vit ses derniers instants, se débattant dans les draps de son lit comme entre les suaires d'un tombeau.

Surplombant ce trio tragique, la figure tutélaire du père (impressionnant Maximilian Schell), régente ce monde entre accès de brutalité et compassion feinte.

Dans un univers glacé jusqu'au malaise, l'argument du polar n'est qu'un prétexte pour mettre en scène une tragédie familiale aux sentiments exacerbés, où les fils sont frappés à coup de ceinture, où les pères finissent défroqués dans un terrain vague, le canon d'un flingue sur l'occiput et le coeur à terre.

James Gray, âgé d'à peine 25 ans, réalise son premier chef- d'oeuvre, glacé comme l'empreinte d'un flingue appuyé sur la joue. Âpre et virtuose, il explore les relations familiales comme le terreau maladif engendrant des trajectoires diamétralement opposées.

De ce coup de maître abrasif, où les silences sont plus mortels que les balles, Reuben en sera la victime expiatoire. Dans l'une de fins les plus déchirantes que j'ai pu voir sur un écran, un incinérateur deviendra bûcher funéraire scellant la tragédie.

Microcosme familial aux ramifications complexes, porté par l'interprétation irréprochables de ses interprètes, Little Odessa expose les thématiques que James Gray ne cessera de décliner par la suite.

Inoubliable.


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