Réalisateur étonnant qu'Elia Kazan. Reconnu comme un des grands cinéastes de l'histoire du cinéma, son statut mériterait d'être revu. A la baisse. Son succés semble surtout lié à la naissance de l'Actor Studio dont il a eu comme seul mérite de savoir en profiter offrant à ses nouveaux acteurs des rôles à leurs mesures.
Seulement, au regard de ses autres films, Kazan est un cinéaste mineur, revanchard et haineux. Il manque de finesse et au fond d'humanisme. Son cinéma frôle souvent la grossièreté dans son approche psychologique (Cf À l'est d'Eden). Il l'a prouvé avec son attitude abjecte de délation pendant la chasse aux sorcières, et l'a même avoué tardivement chez Pivot (si mes souvenirs sont justes) où il déclarait que, maintenant qu'il ne faisait plus de film, il pouvait haïr les gens comme il le souhaitait.
Ainsi ce film qui a obtenu les oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur laisse perplexe. Le sujet abordé (antisémitisme) est effectivement révolutionnaire à Hollywood, le scénario efficace même s'il est un peu poussif (tout le monde est antisémite). Mais la mise en scène est d'une platitude bien décevante. Plans larges en début et fin de scène, et le reste en champs contre champs. Pas de créativité, rien qui ne justifie un oscar du meilleur réalisateur ou du meilleur du film. Du scénario, oui, peut-être.
Attention, si je trouve le film surestimé, il est toutefois intéressant, comme une curiosité dans le panorama hollywoodien. Et puis, il a Gregory Peck, vraiment sublime.
Attention de ne pas se tromper de cible. Le passé de Kazan ne plaide certainement pas en sa faveur. Mais ses films sont le reflet de ses convictions et soulignent les luttes intestinales qui rongent son pays d'adoption. La trahison, la haine et la délation se retrouvent dans la plupart de ses films.
Dans le mur invisible, Gregory Peck, qui porte le film à bras le corps, est un journaliste se faisant passer pour juif afin d'écrire sur cette communauté et montrer l'ostracisme dont elle est victime. Seulement, à force de jouer l'arlésienne entre son origine véritable et son statut de juif-intermittent, le reporter trahit d'une part les siens et finalement la communauté juive de peur d'être mis au ban de la société. Le journaliste, en voulant être juge et partie, trompe tout le monde. Je mettrais quand même un petit bémol à la vision simpliste et manichéenne de Kazan qui fait de tout américain un antisémite en puissance comme le disait Dumbledore.
Ses contradiction et ses parts d'ombre sont la marque de fabrique de Kazan. La fiction représente évidemment une déformation professionnelle des agissements et des pensées du réalisateur. Le lyrisme ne sert finalement qu'à édulcorer le propos acide de Kazan qui nous jette à la figure un condensé de mensonge, d'abjection et d'irréconciliation. Kazan est l'antithèse des Capra ou Preston Sturges.
Personnellement, j'ai un amour modéré pour ce type de cinéma, préférant bien sûr les comédies subtiles, à cette vision "brut de décoffrage" qui me donne des haut-le-coeur.
Le mur invisible mérite d'être vu toutefois car il est ambitieux par ses idées, plutôt bien développées (même avec les réserves exprimées ci-dessus) et bien interprété. Loin d'être un mauvais film. Parfait dans le parcours d'un cinéphile.
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