Un fait divers devient une affaire d'Etat dans la Hongrie du XIX° siècle, sur fond d'antisémitisme, et de réveil du nationalisme. Le procès réalisé par Georg Wilhelm Pabst en 1948 se place d'emblée à hauteur d'homme, près des paysans d'une petite bourgade hongroise, pauvres et incultes, à la recherche simplement de biens de première nécessité, dans un contexte social marqué par des rapports de force. La mise en scène nous apparait solide, efficace, mais aussi invisible et discrète. Rien ne distingue ce film du tout venant de l'époque, de premier abord. On craint un film austère et ennuyeux.

Apparaissent progressivement trois caractéristiques cinématographiques. Tout d'abord, la virtuosité de la mise en scène, des mouvements de caméras, particulièrement visibles lors de la scène du bal de la bonne société de Budapest, ou l'on virevolte de personnages en personnages, chacun avec leur logique, leur histoire, leurs dialogues. On pense à Max Ophüls à son meilleur.

Ensuite, la dimension du récit, qui évolue progressivement du fait divers tragique -le suicide d'une jeune fille- vers un récit politique ou s'affrontent des logiques multiples, des tempéraments, des consciences, des lignes politiques, des cultures au sein de l'Europe de l'époque. Enfin, la dimension musicale de l'œuvre, la musique omniprésente orientant les perceptions des spectateurs (mais la gestion de la lumière, des décors aussi). Pabst déroule un savoir-faire cinématographique impressionnant, celui d'un grand maitre, pour bâtir une œuvre superbe qui s'inscrit sur la durée.