Forum - Eugénie de Sade - Un sans faute de Jess Franco ?
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Forum : Eugénie de Sade

Sujet : Un sans faute de Jess Franco ?


De verdun, le 13 novembre 2021 à 23:02
Note du film : 6/6

Alors qu'elle est en train de mourir, Eugénie (Soledad Miranda) raconte a Attila Tanner (Jesus Franco), un écrivain, l'histoire de sa vie… Encore adolescente, Eugénie vit dans la banlieue de Berlin avec son beau-père, l'écrivain Albert Radek (Paul Muller), spécialiste de la littérature érotique. Radek entreprend de pervertir sa fille qui, loin de s'en offusquer devient sa maîtresse et la complice de ses agissements. Ensemble ils décident de commettre un crime parfait…

Quelques mois après Les inassouvies, Jesus Franco s'essaie de nouveau à une transposition libre et contemporaine d'une oeuvre du marquis de Sade, en l'occurrence la nouvelle Eugénie de Franval, extraite du recueil Les crimes de l'amour. Mais avec un budget cette fois-ci nettement plus réduit.

Sur le papier, Eugénie De Sade est une improbable coproduction entre le Liechtenstein et la firme hexagonale Eurociné, responsable de quelques unes des séries Z les plus abyssales jamais produites telles que La vie amoureuse de l'homme invisible ou Le lac des morts-vivants.

Malgré ces conditions de production laissant présager du pire, Eugénie De Sade s'avère être un excellent film, peut-être le meilleur de Jesus Franco parmi ceux que j'ai pu voir à ce jour.

Certes l'atmosphère trouble distillée ici baigne un bon nombre de films du cinéaste, tout comme l'érotisme -ici encore assez "soft" car nous ne sommes encore qu'en 1970. Certes quelques détails paraissent un peu datés, notamment des scènes violentes assez peu réalistes pour le public de 2021. Certes quelques défauts (doublage, qualité de la copie) attestent de la faiblesse du budget octroyé.

Et pourtant Eugénie De Sade possède une grâce particulière.

Construit sous forme de flash-back, le scénario va droit au but jusqu'à une issue tragique. Le couple sadien au coeur du film est interprété par deux remarquable comédiens dont l'alchimie saute aux yeux. D'une part, le Suisse Paul Muller, 98 ans à l'heure où j'écris ces lignes, gueule inoubliable du cinéma européen pendant 50 ans et plus de 240 films et séries au compteur. D'autre part, Soledad Miranda, sans doute la plus fascinante des égéries du cinéastes. Les quelques plans contemplatifs du film se focalisent sur elle, ce que personne ne songerait à reprocher au cinéaste. Sa mise en scène, qui n'abuse pas des coups zooms habituels, est d'ailleurs d'une maîtrise jamais prise en défaut. Les plans de neige et la musique de Bruno Nicolai -qui n'était pas n'importe qui puisqu'on lui doit l'orchestration de bien des partitions de son ami Ennio Morricone dont Le bon, la brute et le truand- contribuent à la poésie mélancolique qui nimbe cette Eugénie De Sade.

Bien sûr la crudité des thèmes abordés (inceste, saphisme,etc.), inspirés du divin Marquis, et la noirceur du ton réservent le film à un public averti. L'immoralité et la perversion sont au coeur de l'intrigue puisque nous suivons deux personnages liés entre eux par le goût du mal absolu. Cela ressemble à une version de La corde où les personnages appliqueraient les théories de Sade au lieu d'appliquer celles de Nietzsche. Certains seront chagrinés par la dernière partie du récit où la morale reprend inévitablement le dessus.

Au final, Eugénie De Sade est l'exemple d'une série z transcendée par le talent d'un réalisateur et de ses collaborateurs.


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