Le boss est le dernier volet de la trilogie du milieu de Fernando Di Leo, commencée par Milan Calibre 9
(1972), et poursuivie par La mala ordina.
Sur le papier, Le boss, sorti en 1973, ne se distingue pas de la masse des films sur la mafia tournés en italie après le triomphe remporté par Le parrain
en 1972. Le scénario semble dépourvu d'originalité puisque nous assisitons durant une 1h50 à une violente guerre des gangs comme le cinema en montrait beaucoup à cette époque-la. Enfin,
le boss
relève de la série B en raison des moyens modestes mis à la disposition de Fernando Di Leo.
Cette réussite est due en premier lieu à la qualité de la réalisation de Di Leo, efficace, inventive et dépourvue d'effets même si les allergiques au "zoom" trouveront matière à se plaindre. Le découpage précis et dynamique est un modèle du genre. La séquence d'ouverture, particulièrement "explosive", donne le ton du reste du film.
Par ailleurs, alors que son scénario est classique dans ses péripéties, Le boss se distingue par une vision singulière de l'Italie du début des années 1970. Une vision particulièrement sombre voire désespérée. Les gangsters sont d'infâmes crapules prêtes à toutes les extrémités pour conquérir le pouvoir.
La police est inefficace quand elle n'est pas corrompue. Le personnage de flic payé par la mafia, interprèté par Gianni Garko, est à cet égard particulièrement éloquent. La scène où il se fait remettre un pot de vin a d'ailleurs fait scandale lors de la sortie du film. Car Le boss
est un film dérangeant. Le personnage féminin, qui n'hésite pas à se donner complaisamment a tous les hommes qui se présentent, est susceptible également de provoquer le malaise mais taxer les auteurs de misogynie est une erreur grossière car absolument TOUS les personnages du film sont corrompus et détestables. Nous sommes loin du code d'honneur sur lequel s'appuient de nombreux polars et sur l'image parfois honorable de la mafia donnée par Le parrain.
Le boss est un excellent polar qui malgré la banalité de son canevas, parvient à surprendre le spectateur grâce à sa noirceur sans limites et à l'inventivité de sa mise en scène.
Verdun, je crois que malgré ton enthousiasme, tu sous-estimes dans l'absolu cette trilogie réalisée par Fernando Di Leo. Ecriture cinématographique faussement simpliste (en apparence celle de la "série B"), très élaborée (et aboutie) en réalité, et dépassant de loin le cadre des films de genre. Dans La mala ordina, Mario Adorf
croise dans les premières séquences des italiens ordinaires, qui ne sont pas figurants, dans la rue. J'ai eu le sentiment de la rencontre d'un monde documentaire (représentation exacte de la réalité) portée par ces quidams et d'un monde cinématographique (représentation imaginaire de la réalité) portée par Mario Adorf.
De mon point de vue, cette oeuvre de Di Leo représente la quintessence de ce que peut offrir le cinéma : des instants fugaces créés de toute pièce par des mouvements, des sons, et aussi la confrontation de points de vue. Milan calibre 9 met par ailleurs en lumière un procédé des auteurs : s'inscrire dans les codes du genre de "série B", pour ensuite les pulvériser, et proposer une vision contestataire du monde. Ces trois titres sont des chefs d'oeuvre, à apprécier si cela est possible pour chaque spectateur. Avoir attendu 2021 pour une réédition en support matériel de cette trilogie est pour moi une énigme.
On peut tirer deux autres enseignements de cette trilogie :
1- l'exceptionnelle qualité du cinéma italien (dans ses meilleures oeuvres) de 1958 (Le pigeon) jusqu'à la fin des années 1970, et ceci dans tous les genres, de la comédie au fantastique
2- Il reste toujours des opus de cette période à (re)découvrir, même si l'on commence à en avoir aujourd'hui fait une grande partie du tour.
"Série B" : terme provenant du cinéma américain, mais qui peut s'appliquer à des films de genre italien, à petit budget, et ne disposant pas des moyens de grands studios.
Avant de revoir cette trilogie, je mettais Milan Calibre 9 largement au-dessus des deux autres films. Et sans doute dans mes 100 films préférés. Donc je ne pense pas sous-estimer la trilogie même s'il me reste à réévaluer les deux autres films, notamment La mala ordina,
que je n'ai pas revu.
Concernant Le boss,
je le révise nettement à la hausse par rapport au souvenir que j'en avais.
Pour le reste de ton message, je suis plutôt d'accord avec toi. Cinématographiquement, l'introduction de Milan Calibre 9 me semble un modèle du genre grâce aux mouvements de caméra, à la façon de filmer "la piazza del duomo" de Milan, à la musique, au découpage, etc…Et comme, tu l'écris si bien, des italiens ordinaires, qui ne sont pas figurants, dans la rue.
D'accord aussi sur la richesse du cinéma italien jusqu'aux années 1970 et sur le fait qu'il ait fallu attendre 2021 pour voir une parution de ces films en DVD-Blu-ray. Je dirais même que ce sont des films qui mériteraient d'être aussi régulièrement rediffusés que les oeuvres de Leone ou Melville
même si Le boss
n'est pas franchement un film "grand public".
Enfin de mon point de vue le terme "série B" est élogieux. Le démon des armes, Le bandit,
sont EN MEME TEMPS des séries B et des chefs-d'oeuvre.
Série B : il s'agissait des premières parties de programme de films de studios hollywoodiens, les puristes ne souhaitent pas que l'on emploie ce terme en dehors de ce cadre. Il est difficile de rediffuser ces oeuvres de Di Leo qui ne sont pas portées par une vedette comme Clint Eastwood et qui sont devenues plus difficile d'accès aujourd'hui. Peu grand-public, plutôt destinées à ces cinéphiles comme nous.
Le film repose sur des brusques changements de ton, de rythme, soulignés par la bande sonore qui accompagne ou contredit les images. En apparence un film qui reprend les codes du film de mafia, mais qui peut être -c'est mon point de vue- perçu en décalage avec ceux-ci. Les personnages sont tourmentés, leur système de représentation du code d'honneur est erratique, ils sont perdus dans leurs pensées politiques pour les plus éduqués. Di Leo et ses scénaristes à travers ce portrait de la mafia, s'intéressent à la société, celle que nous côtoyons dans notre vie du quotidien, y compris en 2021. Le maire de ma commune, auto-proclamé expert en finances publiques locales, distribue par exemple des permis de construire à ses amis, et pour cela déclare malades des séquoïas centenaires gênants, qu'il fait abattre. On peut avoir du mal à accepter le dénouement final particulièrement sombre de Le boss, au vu de ce qui précède, mais c'est visiblement un souhait de Di Leo, pessimiste sur la nature humaine.
The film is based on sudden changes in tone and rhythm, highlighted by the soundtrack that accompanies or contradicts the images. On the surface, a film that takes up the codes of the mafia film, but which can be – that is my point of view – perceived out of step with them. The characters are tormented, their system of representation of the code of honor is erratic, they are lost in their political thoughts for the most educated. Di Leo and his screenwriters, through this portrait of the mafia, are interested in society, the one we meet in our daily lives, including in 2021. The mayor of my commune, a self-proclaimed expert in local public finances, distributes building permits to his friends, for example, and for this declares sick of the troublesome centenarians, which he has shot down. It may be hard to accept the particularly dark final outcome of Il boss, given the above, but it is obviously a wish of Di Leo, pessimistic about human nature.
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