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Sujet : Pour revoir Bernard Noel (1924-1970)


De verdun, le 21 juillet 2020 à 23:09
Note du film : 4/6

A la suite d'un accident de voiture où sa femme a trouvé la mort, Stéphane Destouches (Bernard Noël), dessinateur de bandes dessinées, erre dans les rues de Tanger, sans argent et ivre à longueur de journée. Dans un bar où il a fini par échouer, Stéphane montre à un gangster, Domenico (Guido Alberti), qu'il est prêt à se tirer une balle dans la tête contre un verre de cognac. Domenico empêche Stéphane de commettre le geste fatal. Car le malfrat a une idée derrière la tête : cet homme désespéré, prêt à se tuer pour un verre, n'est t-il pas le tueur à gages idéal, celui à qui on peut ordonner de tuer n'importe qui ?

Un choix d'assassins est un film français tombé dans l'oubli suite à son échec commercial lors de sa sortie en salles en août 1967.

C'est la première réalisation de Philippe Fourastié, qui fut quelques temps auparavant l'assistant de Pierre Schoendoerffer sur La 317e section et de Jean-Luc Godard sur Pierrot le fou. En 1968, Fourastié tourne son deuxième long-métrage La bande à Bonnot, une belle réussite interprétée par une pléiade de bons acteurs : Bruno Cremer, Jacques Brel et Annie Girardot. Mais La bande à Bonnot est hélas son deuxième et dernier film pour le grand écran. Philippe Fourastié tourne par la suite un feuilleton télévisé, Mandrin, avant de mourir en 1982, d'une tumeur du cerveau, à l'âge de 42 ans.

Quand à l'interprète principal, il s'agit de Bernard Noël, alors surtout connu pour sa belle carrière théâtrale (comédie française, TNP avec Jean Vilar) et pour ses rôles à la télévision, surtout celui de Vidocq, réalisé par Marcel Bluwal et diffusé en 1967, juste avant la sortie du film qui nous intéresse aujourd'hui. Malgré Le feu follet de Louis Malle et surtout Une femme mariée de Godard, Bernard Noël tarde à rencontrer le même succès au cinéma. Peut-être se serait-il imposé sur la durée ? Hélas un cancer le fauche à l'âge de 45 ans en septembre 1970.

Un choix d'assassins a donc pour particularité de réunir un réalisateur et surtout un acteur qui n'ont pas eu le temps de faire la carrière qui leur était promise. Peut-être cette particularité constitue t-elle un autre facteur expliquant l'oubli dans lequel le film est tombé.

Sans être un chef-d'oeuvre, Un choix d'assassins mérite largement le détour. C'est d'une part l'adaptation d'une série noire, écrite par l'Américain William P. McGivern, dont les œuvres ont inspiré Règlement de comptes de Fritz Lang et Le coup de l'escalier de Robert Wise. C'est d'autre part un film d'auteur marqué par une certaine singularité dans la manière de filmer avec une certaine distance les personnages, dans l'absence de musique, dans l'humour parfois décalé de certaines séquences (celle où Destouches oblige les malfrats à chanter) et dans le cadre, original pour un film policier : les rues ensoleillées du Tanger des années 1960.

Un choix d'assassins apparaît dans un premier temps comme un objet fascinant mais un peu froid, mélangeant le récit policier et des réminiscences godardiennes et antoniennes. Les premières séquences sont intrigantes : qui est cet homme qui erre dans les rues ? Quel est son passé, son activité ? Jusqu'où le désespoir peut-il conduire cet homme ? Puis peu à peu l'ensemble devient moins mystérieux mais plus attachant : on en apprend plus sur ce Stéphane Destouches, dessinateur présenté dans le film comme l'auteur de … Lucky Luke. Nous assistons surtout à l'histoire d'une rédemption, celle d'un alcoolique complètement perdu qui va arriver à se ressaisir, grâce à ses rencontres avec une jeune beatnik, Tani (Duda Cavalcanti) et surtout avec une fillette, Jennifer (Corinne Armand), dont il va être amené à s'occuper.

Le personnage de Destouches possède une certaine crédibilité et une certaine densité, grâce à l'intelligence du scénario et à l'interprétation remarquable de justesse de Bernard Noel, qui évitent tous les écueils (cabotinage, misérabilisme) que l'on trouve dans les personnages d'alcooliques au cinéma. Les seconds rôles sont tous pertinents : du massif italien Guido Alberti à la belle Duda Cavalcanti en passant par l'excellent Mario David, sans oublier l'enfant actrice Corinne Armand qui s'en tire bien.

Tout n'est pas parfait dans Un choix d'assassins. L'ensemble est bien filmé mais quelques zooms disgracieux peuvent agacer les esthètes les plus tatillons. Le rythme est un peu hésitant, les séquences sont assez inégales, et surtout, l'intrigue policière passe au second plan, au fur et à mesure que le personnage principal gagne en densité et en sympathie. Le récit d'une rédemption donne lieu, par nature, à une intrigue qui perd son caractère imprévisible puisque notre héros reprend le contrôle de lui-même et de son destin.

Il n'en reste pas moins que Un choix d'assassins est une œuvre à la fois singulière et chaleureuse, dont certaines images ensoleillées, signées par l'excellent chef-opérateur Alain Levent, sont susceptibles de rester durablement en tête.

Et l'occasion de voir à l'oeuvre, dans son seul premier rôle au cinéma, Bernard Noël, trop tôt disparu, ne se refuse pas.


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De Impétueux, le 22 juillet 2020 à 10:07

Vous avez bien raison de rendre hommage à Bernard Noël, mort effectivement trop tôt pour s'être imposé dans de grands rôles de premier plan. En sus de ce que vous citez, je me souviens d'une très bonne adaptation de La mégère apprivoisée de Shakespeare, adaptée par Pierre BadelRosy Varte était également éclatante…


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