Oui, bien sûr pour une jolie réédition (en Canal + classique, à côté des "Rendez-vous de juillet" et de "Casque d'Or", oui pour ce joli film où l'on découvre qu'Anne Vernon n'a pas été seulement la mère un peu trop possessive des "Parapluies de Cherbourg" et Gélin le médecin muffle et alcoolique de "La vie est un long fleuve tranquille" !
"Lys, rose, nacre et lait, prunelle de prune, cheveux de jeune Taremine, (…), quelque chose de précieux, de fin, de spirituel. Élégante, parée, soignée, tiède, odorante, immatérielle et sinueuse. Comme un souvenir romantique, comme un miracle.". C'est ainsi que l'hebdomadaire "L'écran français", à la fin des années 40, décrivait Anne Vernon, né Édith Vignaud le 9 janvier 1925, à Saint-Denis. Édith, douée pour le dessin, était passée par les beaux-arts avant d'être engagée par le couturier Marcel Rochas comme dessinatrice-modéliste au département cinéma. La suite ressemble à un scénario de film : un jour, on envoie Édith faire des essayages au studio, sur le plateau où se tourne MADEMOISELLE X (Pierre Billon, 1945); c'est là que le producteur André Paulvé la remarque et lui offre de suivre des cours d'art dramatique. Édith accepte et, peu après, en 1946, débute sur scène dans "Huis-clos" de Jean-Paul Sartre.
Sa carrière cinématographique sera très internationale : elle tourne en France, bien sûr, mais aussi en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Allemagne et aux États-Unis. C'est Jacques Becker qui lui donne, dans ÉDOUARD ET CAROLINE et RUE DE L'ESTRAPADE, ses plus beaux rôles: elle y met en valeur un talent -fait de mesure, de tact, de bon goût et surtout d'un charme rare – qu'on retrouvera dix ans après dans LES PARAPLUIES DE CHERBOURG.
Anne Vernon, qui fut l'épouse de Robert Badinter, a abandonné le cinéma depuis 1968. Retirée à Grimaud, elle se consacre désormais à la grande passion de sa vie : la peinture. " Peu à peu – écrit-elle dans sa autobiographie -, en tête à tête avec moi-même, le dur constat s'imposa. J'en arrivai à une prise de conscience capitale, un matin, comme une évidence indiscutable : le plus grand, le plus important rôle que l'on ait à assumer, c'est la vie. Je sentais que la mesure était comble, que j'en avais fini avec l'illusion. Je voulais sortir de mon destin de saltimbanque, je voulais enfin exister pour moi-même." (Anne Vernon, in : "Hier, à la même heure", Ed. Acropole, 1988)."
Cher Monsieur,
Je viens de prendre connaissance aujourd'hui seulement d'un (très) vieux message que vous avez laissé sur la toile, voici deux ans… et qui concerne l'actrice Anne VERNON. Vous aviez demandé quelle était son actualité ; à la suite de quoi, plusieurs internautes avaient réagi… avec plus ou moins de bonheur, je dois le dire. En effet, comme je connais très bien la comédienne Anne VERNON, je puis vous dire non seulement qu'elle n'est pas décédée, mais aussi et surtout, qu'elle va très bien, merci. Depuis plus de trente ans, Anne se consacre à la peinture ; et une rétrospective lui est actuellement consacrée, dans une galerie parisienne (la Galerie Daniel Besseiche, rue Guénégaud – 75006). vous pouvez consulter le site de cette galerie, afin de voir la production ancienne et récente de mon amie Anne. Pour ce qui est du spectacle (cinéma, théâtre, radio, récital), Anne a définitivement tiré un trait sur ce pan-là de sa vie et elle porte même un regard détaché sur son vedettariat… étant toujours surprise qu'ont puisse encore s'intéresser à elle ! De fait, comme je lui ai posté la page de "chat" la concernant à la suite de votre question, elle a éclaté de rire quand elle a lu qu'elle laissait un prétendu veuf dans la nature, et elle a été émue aux larmes, quand elle a appris qu'une dame portait excatement son nom, en hommage à sa personnalité et à ses contributions. Voilà. tel est ce que je pouvais vous dire avec l'autorisation de Anne Vernon. Je reste à votre disposition pour -du mieux que cela me sera possible- faire un éventuel interface avec elle. Cinéphiliquement vôtre
Doncamillololo
Mille mercis, ô nouveau visiteur de ce site, de nous donner d'excellentes nouvelles de la radieuse Anne Vernon, nouvelles qui confirment d'ailleurs, de façon plus encore détaillée ce que nous disait notre ami Gaulhenrix dans son message du 4 juillet.
Et, puisque vous connaissez cette délicieuse artiste, dites-lui que nous sommes beaucoup à nous souvenir très fort d'elle ; de cet Édouard et Caroline, toujours inédit en DVD (quel scandale !) aux Parapluies de Cherbourg, en passant par la charmante Rue de l'Estrapade où elle cite si bien le profond Bossuet On n'entend dans les funérailles que des paroles d'étonnement de ce que ce mortel est mort.
Dites lui que, si nous ne lui manquons pas, elle nous a manqué…
Tout ce qui a été dit sir Anne Vernon dans l'Écran français est si vrai: immatérielle charmeuse, distinguée comme était la France dans les années 50… Cette France que le général Bigeard ne reconnaitrait plus aujourd'hui.
Alors qu'en est il de son destin a ce jour ? Qu'elle soit encore en vie ou non, elle demeure dans notre esprit inoubliable…(en référence au vis-à-vis du 7 rue de l'Estrapade)
J'aime beaucoup Anne Vernon, j'aime beaucoup la Rue de l'Estrapade, et plus encore Édouard et Caroline… mais, j'ai beau chercher, je ne vois pas trop le rapport avec le défunt général Bigeard (que j'aimais bien aussi, tant qu'il était un guerrier, et non un homme politique centriste)…
Voilà une excellente nouvelle ; j'ignore ce qu'est Tamasa diffusion, mais on peut espérer que ce délicieux film du grand Becker sera bien traité.
Je vous en reparle dès que j'aurai acheté le DVD !
Le DVD qui est paru il y a quelques temps est d’excellente qualité, image et son restaurés, présenté joliment dans un boîtier élégant et muni, à défaut d'un supplément filmé, d'une brochure intéressante quoique de ton un peu pédagogique. Il complète en tout cas fort bien l'édition des œuvres de Jacques Becker, dont tous les longs métrages sont désormais disponibles.
Édouard et Caroline[/film] est une comédie légère, réussie et intelligente, une très jolie étude de mœurs parisiennes dans un milieu de haute bourgeoisie, comme le sera Rue de l'Estrapade, comme l'était Antoine et Antoinette pour le petit peuple industrieux. Capacité à filmer la vie avec un œil tendre, amical, mais sans jamais perdre un zeste de distance ni de lucidité.Caroline (Anne Vernon), issue d'un milieu social riche et mondain, a épousé par amour un jeune pianiste, Édouard (Daniel Gélin), promis d’évidence à un bel avenir artistique, mais qui tarde à se faire reconnaître. L'oncle de Caroline, Claude Beauchamp (Jean Galland), afin de promouvoir la carrière de son neveu, a réuni quelques relations du Monde dans son bel immense appartement.
Voici les bases de l'intrigue : ce n'est évidemment pas grand chose et pourtant l'histoire va courir à un haut rythme, portée par la sorte d'allégresse narquoise avec laquelle Jacques Becker agite ses personnages… Car les deux amoureux, qui s'adorent, se chamaillent à tout instant, à tout propos, Édouard parce qu'il porte en lui la gêne et les complexes du petit pauvre, à qui même son talent n'ouvre pas les portes du grand monde, Caroline parce qu'elle est précisément de ce grand monde, qu'elle est légère, futile, écervelée, insouciante… En plus son cousin Alain Beauchamp (Jacques François, dont le crâne n'était pas alors dégarni) fait une cour assidue à Caroline, trouvant qu'elle n'a pas eu beaucoup d'esprit de s'amouracher d'un artiste impécunieux.Les amoureux se disputent, s'invectivent, se menacent de divorce au moment de partir pour la réception chic, s'y rejoignent, s'y disputent encore, se disputent à nouveau de retour chez eux… et finissent évidemment par se réconcilier de la façon qu'on imagine. S'il n'y avait que les jacasseries des deux jeunes gens, le film m'aurait qu'un petit intérêt, malgré la finesse d'observation du réalisateur qui, paraît-il, transposait dans les disputes d'amoureux celles qu'il vivait, au même moment, avec sa scénariste, dialoguiste et compagne Annette Wademant.
Mais les parties les plus délicieuses du film sont celles de la réception, décrite avec une ironie acide et pourtant sans méchanceté. Cette réunion de très grands bourgeois fortunés est une pure merveille d'esprit et de verve. Il est vrai qu'elle bénéficie d'une distribution parfaite. Jean Galland, le maître de maison, trouve ici sans doute son meilleur rôle au cinéma, où il excellait à jouer les parasites snobs, plein de morgue et de suffisance (il est très bien dans Madame de, mais dans un rôle presque anecdotique) ; surtout il y a deux lionnes au visage spirituel et au sourire pervers, Betty Stockfeld et Elina Labourdette dont les coquetteries et les mines émoustillantes, qui les rendent à la fois rivales et complices, justifieraient à elles seules qu'on regarde Édouard et Caroline.Ce qui est curieux, c'est que tous les comédiens du film, dont certains, comme Gélin étaient alors au sommet de leur notoriété, ont vu leur carrière sensiblement ralentir, s'essouffler dans les années qui ont suivi. Alors qu'Édouard et Caroline est aussi un festival d'acteurs… Il y a des gens qui n'ont pas eu vingt cinq ans au bon moment.
Sublime portrait de la grande bourgeoisie parisienne de 1951. Un petit bourgeois marié à une grande bourgeoise se heurte aux règles de fonctionnement et de représentation de son milieu social d'alliance, sous le regard amusé du spectateur. Sur un ton léger, sur le mode de la comédie, un descriptif féroce et lucide de toute une société. Ce milieu existe toujours aujourd'hui : il m'arrive de le côtoyer, par exemple à l'occasion d'expositions d'art contemporain. Mais il est amené sans doute à disparaître ou à évoluer fortement du fait de la mondialisation en cours.
Comme un symbole, la société Pleyel, fabricant de pianos, dont on aperçoit un spécimen dans Edouard et Caroline vient de mettre la clé sous la porte en 2013. Le propos de Becker serait plutôt en 1951 de signifier que l'émergence de la classe moyenne redistribue les cartes en poussant un nouveau type de bourgeoisie vers le haut. Je suis admiratif quant à la façon dont est réalisée cette oeuvre de Jacques Becker. La mise en scène est fluide et parfaite, la photographie et la musique sont magnifiques, la direction d'acteurs prodigieuse. Un classique du cinéma français, incontournable…
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