Depuis lors, ça ne s'est pas arrangé. Ce malheureux pays (dont s'est séparé la République dominicaine qui connaît une relative prospérité grâce au tourisme) semble avoir accumulé les handicaps et, dans sa courte histoire n'a rencontré que des drames. Ce ne sont que folies diverses, paranoïas, pronunciamientos, corruptions, prévarications, occupations (par les États-Unis, de 1915 à 1934), succession de dictatures militaires mulâtres et de populismes sanglants noirs, aberrations duvallieristes (Papa Doc et Baby Doc de 1957 à 1986). Rien de plus désespérant.
Le film documentaire de Charles Najman a été réalisé en 2004, au moment où Jean-Bertrand Aristide, prêtre salésien défroqué est contraint de quitter le pouvoir. Sous la pression américaine ou à la suite de la déception causée par ses insuffisances et sa soumission aux diktats internationaux ? La question n'est pas résolue par le film, qui interroge bon nombre d'acteurs de la vie politique et intellectuelle haïtienne. On a vraiment l'impression que personne ne sait ce qu'il faudrait faire ou même n'en a la moindre idée. Tout le monde est déçu, accablé, révulsé par l'incapacité des Pouvoirs publics de changer quoi que ce soit à la réalité. Et la réalité, c'est l'omniprésence de la misère, des bidonvilles, des maladies endémiques, de la violence, des impostures.Les classes dirigeantes – qui s'expriment en un français impeccable et châtié – tiennent un discours surréaliste, au demeurant absolument similaire à celui de toutes les classes dirigeantes du monde. Ceux qui s'instituent représentants des classes populaires (et qui sont, en fait, les parrains des gangs de quartiers) s'expriment en créole sous-titré pour s'indigner de la situation. Quelle blague ! On sait bien qu'il n'y a absolument rien à espérer et que Haïti s'enfonce doucement dans le sous-développement, naufrage sans aucune possibilité de s'en sortir vers la disparition du monde civilisé.
Najman, militant trotskiste, a l'honnêteté de ne pas embellir les choses et. de faire mine de déclarer qu'il suffirait de quoi que ce soit pour que les choses changent. L'histoire d'Haïti est un perpétuel recommencement ; et lorsqu'un des chefs des Chimères (les hommes de main du président Aristide) déclare que la seule solution est une deuxième occupation américaine, on en reste un peu coi.Rien ne s'arrange. Le film date de 2004. Le 12 janvier 2010, un séisme inouï ravage Haïti. Qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse ? Vous qui vivez ici, quittez toute espérance pourrait-on dire en parodiant Dante Alighieri.
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