Jean-Pierre Bacri
a des détracteurs. Beaucoup de détracteurs. Je n'en suis pas et ne suis pas prête à en être. Dans ce film, nous l'accompagnons dans un périple dont il se serait sûrement passé, mais que sa vie assez misérable lui impose. Vendre des brosses à dents sur les routes de France. Et il est juste magnifique de vérité, Mr
Bacri
. Il a quelque peu abandonné son côté grognon, acariâtre et bourru, sa carte de visite, son laisser-passer cinématographique, d'abord pour montrer qu'il savait faire autre chose et parce qu'il sait tout bonnement sourire…Pour autant, je voudrais connaitre le trou-duc qui a écrit sur la couverture du DVD, que ce film était
une irrésistible comédie.
Bacri
est irrésistible, oui .
la Vie dissolue de Mr Sim
beaucoup moins. Et il ne semble pas vraiment être dirigé par
Michel Leclerc.

Cinéaste donc je ne connais pas très bien l'oeuvre.
Bacri
donne une impression d'improvisation permanente .
la solitude, ça n'existe pas..
semble t-il vouloir se faire croire dans son Road-Movie assez désespéré. Alors il se raccroche à ce qui a été et qui n'est plus. Dans les avions, les restos-route, dans les grands paysages hivernaux ou devant les bords de mer baignant de lumière, il rameute ses fantômes, Monsieur
Sim
.
Et ainsi, il voyage avec un père hommosexuel qui le fabriqua par erreur, homosexualité qui le rattrapera, une ex-femme encore peut-être son amie, des enfants qu'il n'a pas vu ou pas voulu voir grandir. Et puis aussi, un démon de midi plein d'
illusions perdues
d'avance. Elle est jolie mais ne lui sourit que parce qu'elle a repéré le désespoir latent de ce faux optimiste. Il est terrible ce
démon
là .Il sait donner l'heure exacte mais se fout du tiers comme du quart. Et le temps que ces messieurs comprennent, ils vont chercher midi à quatorze heure !
Monsieur Sim
est également "accompagné" par l'histoire de ce navigateur fou,
Donald Crowhurst qui fit croire à tous qu'il avait gagné la course autour du monde, et qui finit par se suicider tant il avait triché, menti.
Jacques Perrin
en avait fait un bien beau film dont le titre m'échappe. Sans oublier la nouvelle "femme" de sa vie : Son GPS . C'est qu'on se raccroche à ce qu'on peut quand on est sur une route, entre accablement et désolation. Il lui parle à cette jolie voix qui lui indique de prendre à gauche ou à droite. Mais jamais ne lui parle d'amour…Ou peut-être un soir, bien torché d'alcool et de chagrin, il la demande en mariage. Et il l'entend lui dire qu'elle est d'accord . Je t'en ficherai des
comédies irrésistibles…
Et tous ces fantômes ont bien du talent qui l'accompagnent, soutenant son coeur gros et ses retenues. Excellents comédiens et un directeur de casting qui ne s'y est guère trompé. Le livre de
Jonathan Coe est ainsi formidablement défendu. Rarement adaptation ne fut si près du berceau-papier. Plein de trouvailles, de
petits riens
qui font un homme sont là, nous donnant envie de le voir s'en sortir notre voyageur égaré. Parce qu'il en est un, justement. Fatigué, déprimé, prêt à faire comme son navigateur de référence, mais un homme quand même.
Et puis un homme qui provoque l'émotion autrement que parce qu'il est beau comme un dieu, c'est tellement rassurant. Et pas une émotion à deux balles genre Petite maison dans la prairie.
L'émotion parce qu'un visage a vieilli, l'émotion parce que la fragilité domine celui qui fut si fort, l'émotion parce que le pathétique ne nous fait plus sourire, chiens que nous sommes…Et puis l'émotion encore parce que , malgré l'adversité, Bacri
à gardé Le goût des autres
. Et ca… Le coeur des hommes,
ça peut-être très beau quand il a besoin de nous…Le savent-ils, les hommes ? Et nous avons tant envie de l'aimer cet homme là, ce coeur là. Histoire de lui faire retrouver le sens de la fête,
où il excelle par ailleurs . C'est un très beau film. Qui prend son temps. Juste le temps que l'on se remette un peu en question . Et si demain nous étions, nous aussi, obligés de vendre des brosses à dents sur les routes du souvenir ?…Et il y aurait un gros problème : Comment être sûre que mon GPS ait la voix d'un béllâtre musculeux ?…Question cruciale et tellement délicate. Comme l'est La vie très privée de Monsieur Sim
…