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Sujet : Mon père, ce héros ...


De Nadine Mouk, le 30 juin 2019 à 06:00
Note du film : 4/6

Art. 222-31-1. – Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis sur la personne d'un mineur par : 1°  : Un ascendant, 2° : Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce . 3° : Le conjoint, le concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

C'est avec beaucoup de délicatesse que Aline Issermann nous entraîne, sans pour autant nous aguerrir, dans ce tourbillon du vrai et du faux qui crée cette Ombre du doute. Un sujet ô combien sensible trés souvent traité au cinéma . Me reviennent à l'esprit Le ruban blanc de Michael Haneke, Le souffle au coeur de Louis Malle, Sois sage de Juliette Garcias, Les arnaqueurs de Stephen Frears et même , et surtout le terrible Seul contre tous de Gaspar Noé que contre-balance le poétique Peau d'âne de Jacques Demy. J'en oublie, bien sûr, et pas des moindres…

Impeccablement mis en scène, cette oeuvre que l'on peut qualifier de quasi-magistrale, souffre d'une seule chose: L'horrible jeu, la navrante diction, l'affligeante prestation du chanteur Alain Bashung. Seul au monde au milieu d'un plateau, ce père qui ne sait pas, qui ne sait plus,ânonne son texte, pâlot, défait. Je déclare irrémédiablement que son métier est "chanteur" ! Pas autre chose, nom de d'là ! Et j'ajoute tout de go qu'il arrive à lui tout seul à faire presque se déséquilibrer ce film. Sans l'intervention de tout les autres, la merveilleusement sobre Balasko en tête, on courrait au naufrage. Bashung est la mouche, mais alors une énorme mouche dans le lait et il est fort étonnant que personne, réalisatrice, distributeurs, producteurs ne s'en soient rendu compte ! Et si ma note ne monte guère plus haut, c'est bien à cause de lui .

Cependant, le tout est tellement bien approché, si bien fouillé dans la gêne provoquée et par la performance de la jeune Sandrine Blancke qu'on en oublie un peu cette mouche là…Cette enfant marquée dans sa chair voudrait bien continuer à jouer à la poupée, mais papa lui rappelle trop souvent qu'elle peut jouer à d'autres jeux. Elle exploite son rôle de façon parfaite. Aidée en celà par la maestria de la réalisatrice. Car rien n'échappe à la sagacité de Aline Issermann. Elle maîtrise, bride, et va parfois jusqu'à neutraliser des talents qui pourraient en faire trop aux dépens de l'histoire. Elle ne condamne personne, n'absout personne. Elle laisse l'Ombre du doute nous envahir sans trop nous aiguiller vers tel ou tel verdict prématuré. A ce titre, les acteurs n'en rajoutent pas et jouent emphatiquement leurs partitions de façon à ne pas forcer le jugement trop hâtif et laisser le spectateur se faire son opinion. Une trés étonnante Mireille Perrier, trop peu employée au cinéma, incarne magistralement cette mère de famille qui ne veut rien voir. Sa vie en dépend. Son petit bonheur bien propre est menacé…Dominique Lavanant, l'instit clairvoyante "sait" et dénonce avec la réserve nécéssaire. Le grand Bertin, juge affable, essaie, sagement, de démêler le vrai du faux et ce n'est pas chose aisée. Thierry Lhermitte, avocat de cette enfance entravée, fait, en fin de film, une courte apparition, elle aussi toute en nuances et en compréhension vis à vis de cette enfance déjà fanée . Il est criant de vérité et de retenue. Décidement, ce film fait trés attention à ce qu'il nous délivre.

L'inceste est, même aux yeux de la loi, un bien vaste et trés complexe sujet. J'en veux pour preuve les mille et une rectifications des lois en vigueur. C'est pour ça qu'en faire un film qui ne soit pas caricatural relève de la gageure. Le bon regard, la réelle émotion, les questions justes, les passés enfouis souvent responsables, et l'insouciance d'une enfance qui peut mentir, tout celà doit être dompté de la plus rigoureuse façon. L'ombre du doute a réussi son pari. Mais nous n'en ressortons pas intact. Et si le dernier plan est offert à un océan déchainé où se baignent les fillettes ayant retrouvé leur enfance, nous savons bien que l'eau salée n'a jamais vraiment nettoyé quoi que ce soit….Le poète allemand Leopold Friederich Novalis disait :"-l'enfance est comme une table de cire où toute empreinte est bonne-" . Je prétends que non . Ca ne fait aucun doute à ce sujet …..


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