Revu sur grand écran, à l'occasion d'un ciné-club, avec à la clé un avis revu de fond en comble. Une deuxième vision permet de démêler un peu mieux le nœud de vipères noué au sein d'une seigneurie chinoise du IX° siècle. Les relations entre les différents protagonistes sont suggérées à un spectateur qui doit combler le manque d'éléments narratifs fournis par le scénario, par son vécu personnel ou son expérience face à une oeuvre cinématographique un peu complexe. L'enjeu en vaut la chandelle, car une fois décrypté, le récit apparaît être d'une grande finesse. Les relations entre personnages sont tout sauf manichéennes, chacun d'entre eux essayant à la cour de se placer au mieux, en employant armes physiques ou intellectuelles propres : persuasion morale, sagesse ou hardiesse pour les conseillers du souverain, épée pour la princesse, sourires ou coups bas pour l'épouse ou la concubine. Leurs actions ne sont pas radioscopées, plutôt kaleidoscopées, par la mise en scène.

La forme de The Assassin (2015) est magnifique : images, sons, très travaillés, portent le récit, sur un rythme lent croisé avec une intensité dramatique de chacune des séquences, qui vivent leur vie propre, comme le fait remarquer l'analyste-chef du ciné-club. Une image granulée lors d'une scène tournée à l'extérieur suggère la chaleur de l'air. Les éléments (air, feu, eau, terre) donnent vie à une nature immaculée et superbe, filmée avec des grands angles, qui soulignent ses dimensions. Les bruits du tambour orientent la perception mentale du spectateur, lui permettant de se repérer dans l'espace et de s'imaginer au milieu des protagonistes. Comme d'autres artistes à d'autres époques (ex: Bolognini avec Chronique d'un homicide), mais avec un langage cinématographique contemporain, Hou Hsiao-Hsien porte un regard sévère sur le pouvoir politique perçu comme naturellement corrupteur, et coercitif à l'excès. Mais il existe des issues possibles pour le cinéaste taïwanais.