Note artistique: 1/6 Note sentimentale: 5/6

Docteur Justice est à l'origine une bande dessinée créée par Raphaël Marcello (dessin) et Jean Ollivier (scénario), et parue dans le célèbre "Pif-Gadget" à partir de 1970. Très populaire dans les années 70 -on voit Belmondo en feuilleter un exemplaire dans Peur sur la ville- elle semble quelque peu oubliée de nos jours: en 2006, les éditions TOTH avaient entrepris de rééditer l'intégralité de la série mais à ce jour un seul volume est paru.

Quoiqu'il en soit le personnage de Benjamin Justice s'avère très intéressant et original: c'est un médecin humaniste au service de l'Organisation Mondiale de la Santé, qui voyage aux quatre coins du monde pour traquer les malfrats et les injustices de toutes sortes. Il exerce la justice grâce à son expertise dans le domaine des arts martiaux.

Il y avait donc matière à un divertissement de très bonne qualité.

Force est de constater qu'il ne reste rien de la BD de Marcello et Ollivier dans le film. On serait même pas loin du foutage de gueule: le personnage du docteur est devenu un sous-James Bond coureur de jupons sans intérêt. Après tout Christian-Jaque avait déjà trahi Le saint de Leslie Charteris dans Le saint prend l'affût. On sent que la BD n'a été qu'un vague prétexte pour permettre au réalisateur septuagénaire de faire jeune en se frottant à la mode du kung-fu. Le scénario, basé sur le détournement d'un pétrolier est inutilement compliqué malgré la participation du tandem Marcello-Ollivier. Le tandem formé par John Philip Law- Nathalie Delon est inexpressif malgré les effort athlétiques du premier nommé. Seul Gert Frobe apporte un peu de relief à l'interprétation, peu aidée par les contraintes de la coproduction. Certains détails sont proches du ridicule, comme la chanson finale, du sous Mireille Mathieu. Les scènes d'arts martiaux ne convaincront pas les aficionados du genre.

Docteur Justice est donc objectivement un navet mais je n'arrive pas à le trouver antipathique. L'ensemble est rythmé, divertissant, dénué de prétentions. La mise en scène est indéniablement l'œuvre d'un professionnel du divertissement chevronné. De nombreuses scènes d'action sont réussies voire originales comme la course en chars à voile. Il y a eu de gros moyens mobilisés (cf.le pétrolier). Les paysages sont très bien choisis et contribuent à dépayser le spectateur. Hormis la chanson finale, la bande originale est une réussite. L'ensemble a plutôt bien résisté au temps.

Et force est de constater, qu'adapter cette bande dessinée était périlleux: comment faire un film d'une heure à partir d'histoires qui ne font qu'une dizaine de pages ? Comment trouver pour le rôle du docteur un acteur ayant le talent de comédien d'un Alain Delon, modèle avoué du dessinateur et l'expertise en arts martiaux d'un Bruce Lee ?

Christian-Jaque était sur la pente descendante en 1975 mais il se ressaisira en réalisant de bonnes séries télé comme Jo Gaillard, "La nouvelle malle des Indes" ou "L'homme de Suez".

Toujours est-il que, quarante ans plus tard, le cinéma français est toujours incapable d'adapter correctement des BD comme en témoignent les désastreux Boule et Bill ou Gaston Lagaffe.

Oui j'aime beaucoup déterrer des films, bons ou moins bons, tombés aux oubliettes sur dvdtoile comme ailleurs.

A noter que Docteur Justice est sorti en dvd (chez Europa-corp), dvd devenu rare et cher !