Les femmes des autres est réalisé en 1963 par Damiano Damiani dans un cinéma italien alors en plein effervescence. L'écriture cinématographique est celle de la modernité, le sujet est celui de la bande de pote en proie à des interrogations de la quarantaine. Le thème est traité de façon atypique, en cherchant à éviter systématiquement les schémas établis. Le résultat : un film difficile d'accès, étrange, poussant certes à la réflexion mais suscitant aussi de l'ennui. Long, bavard, avec sans doute un manque d'adhérence auprès du spectateur lambda. Pour l'amateur éclairé du cinéma italien des années 1960, il s'agit pourtant là d'une oeuvre très intéressante qui offre un aperçu de la société italienne de l'époque, et présente une des voies empruntées par la modernité.

Heureusement, dans la seconde partie de sa carrière, consécutive à une première crise financière du cinéma italien (1963-64), Damiano Damiani, après un détour par le western (El Chuncho) tournera résolument le dos au fameux "cinéma d'auteur" destiné aux cinéphiles et autres cénacles et tournera une série – certes inégale – de vigoureux drames policiers s'adressant en priorité au vilain "spectateur lambda" (qui s'y rendra par millions) : Le jour de la chouette, Seule contre la mafia, Confession d'un commissaire de police au procureur de la République, Nous sommes tous en liberté provisoire, Un juge en danger… C'est plutôt pour ce genre de films qu'il a sa place dans l'histoire du cinéma, même si ses premiers films aussi, bien sûr, sont intéressants.

Revu en dvd, et un jugement revu en très forte hausse. Les femmes des autres est bavard, mettant en scène un groupe d'amis qui confrontent par la parole et les actes leur vision de leur vie quotidienne, qui a divergé au fil des ans. Il s'agit d'un film très particulier, inclassable, indéfinissable. Des péripéties improbables et étonnantes se succèdent, on a le sentiment d'un orchestre d'acteurs qui joue faux, mal accordés entre eux. Mais c'est une caractéristique voulue par les auteurs du film. Sur la durée, force est de reconnaitre le caractère brillant de ce portrait de groupe, situé au sein du miracle économique italien du début des années 1960. Les femmes des autres (1963) préfigure Mes chers amis (1975) et Nous nous sommes tant aimés (1974), dans le registre de la bande de copains qui pose un regard amer sur l'évolution de chacun, pointant du doigt les compromissions faites par rapport aux idéaux de jeunesse. Le film est très réputé aujourd'hui en Italie, me disait Verdun, à juste titre. Un film-culte, c'est certain, à connaitre.

Mes notes concernant les 18 (sur 27) films que j'ai vus de Damiani entre le 14 mai et le 12 juin 2022:

Chef d'oeuvre : L'angelo con la pistola, Les femmes des autres, Un juge en danger, Un homme à genoux

6/6 : Goodbye & Amen, Girolimoni, il mostro di Roma, El Chuncho, Confession d'un commissaire de police au procureur de la République

5/6 : Pizza Connection, Seule contre la mafia, Jeux précoces, La Mafia fait la loi, Le roi blessé, Assassini dei giorni di festa, Comment tuer un juge

4/6 : Il sole buio

1/6 : Un Génie, deux associés, une cloche

0/6 : Alex l'ariete.

Sa série La Piovra est sans doute excellente, mais mes souvenirs sont trop lointains.

A noter aussi l'excellent documentaire d'une durée de 9 minutes réalisé en 1953 : Case per il popolo : documentaire sur les quartiers périphériques construits à Bologne dans l'après-guerre, dans le cadre du plan INA-Casa. Numérisation à partir de la copie 35MM nitrate conservée à la Cineteca di Bologna, avec l'aimable autorisation de l'Archivio Storico INA Assitalia. Petit documentaire par la durée, mais d'une qualité de réalisation exceptionnelle, avec de très belles images d'une cité en reconstruction. Une rareté que j'ai pris grand plaisir à découvrir.