4,5/6. Grigoriy Chukhray réalise Ciel pur en 1961, sur la base d'un scénario de Daniil Khrabrovitsky, auteur à part entière. Les bonus du dvd -indispensables- nous apprennent comment le scénario a échu à Chukhray, après avoir été proposé à d'autres cinéastes, qui n'ont pas su quoi en faire. Chukhray réoriente le récit en insistant sur les difficultés liées au retour du front germanique pour un soldat soviétique. La première partie du film est focalisée sur les relations amoureuses entre une jeune ouvrière soviétique et ce soldat, aviateur. L'année de sa sortie, Ciel pur a réalisé quarante et un millions d'entrées en URSS, une audience considérable. Le ministère de la culture soviétique est intervenu pour que le portrait assez désobligeant par certains aspects du parti communiste soit associé à Staline, et non à Krouchtchev! Chukhray emprunte des images d'un fleuve frappé par le dégel pour introduire une métaphore convenant à sa ministre de la culture de tutelle !

En apparence, Ciel pur constitue un film de propagande soviétique, valorisant les valeurs du système (solidarité, justice, engagement citoyen, travail ouvrier, ordre et propreté). De mon point de vue, la forme associée à Ciel pur aboutit au contraire du but recherché : les personnages sont bornés, ensevelis sous la rigidité du système. L'héroïne manque à deux reprises de se faire renverser par une voiture, ce que j'interprète comme une métaphore représentant un système civil dangereux. Point fort de Ciel pur : ses plans représentant de près des visages hallucinés, sa gestion des diagonales et de la profondeur de champ, le tout produisant des effets conjoints de surprise et dramatiques. La gestion des couleurs est remarquable. Le cinéma de Chukhray (voir également Le quarante et unième), original, abouti, est à connaitre. J'avoue néanmoins une préférence pour les œuvres de Kalatozov (Soy Cuba, Quand passent les cigognes,..), qui échappent mieux aux pesanteurs du système soviétique.