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Forum : L'Affaire du collier de la reine

Sujet : La Romance de Bourrel ..


De Nadine Mouk, le 11 août 2017 à 06:16
Note du film : 3/6

Ce film, pourtant d'assez bonne facture, souffre de plusieurs défauts. Le principal étant que Marcel l'Herbier met une heure et demie pour nous raconter laborieusement ce que Sacha Guitry nous conte en un quart d'heure, avec mystère, ferveur et passion dans Si Versailles m'était conté…. On peut rétorquer à cela que Guitry jongle un peu avec la vérité historique. Mais Marcel l'Herbier n'est pas en reste. Alors quitte à déformer quelque peu l'histoire, mettons y toute l'obscurité, les diableries, les cachotteries qui conviennent à ce genre d'affaire. Et puis occupons nous de l'affaire . Et laissons de côté le folklore versaillais avec ses courtisans, ses jalousies, ses courbettes, ses éventails, ses décors trés recherchés, ses rumeurs sur telle ou telle liaison de Fanchon avec Le Duc du Tiroir de la commode.L'Herbier digresse trop. On s'ennuie, on va zapper. Ah ! V'la le cardinal de Rohan, pâle Maurice Escande : il était temps ! Ça va pouvoir commencer.

Parlons maintenant du casting : si Viviane Romance est une Jeanne de la Motte de toute beauté, idéale pour ce rôle, qui nous offre une fin de film (les cinq dernières minutes) absolument fabuleuse de magnificence, de générosité, de sensualité, que dire de Marie-Antoinette interprétée par l'espiègle Marion Dorian. Sa frimousse mutine n'a rien à voir avec le sérieux et l'éclat d'une reine. On la revoit sans arrêt faire des papouilles au sieur Volpone et ça ne le fait pas du tout. Elle est adorable mais quand elle se met à "faire la reine", non franchement… Cela étant, Élisabeth Soutzo, puisque tel est son vrai nom, est quand même la productrice du film. Ceci explique peut-être cela… Et voici que nous arrive Cagliostro. Le Nostradamus, Madame soleil, Élisabeth Teissier, médecin imaginaire et Bernard Tapie de Versailles . D'extraction noble, ce charlatan qui inquiète toute la cour se veut, se voudrait mystérieux, sinistre et redoutable. On en a connu des Cagliostro au cinéma. De Akim Tamiroff à Jean Marais en passant par Gino cervi, ils furent légion et fort convaincants les Cagliostro. Mais Pierre Dux, capable par ailleurs de bien des merveilles, se débat dans sa redingote de façon assez déraisonnable et ressemble plus à un bouffon impertinent qu'à un maître de l' ésotérisme obscur. Même Palau, qui incarna quand même le diable, n'est pas servile comme le bijoutier Boëhmer se devait de l'être. Il baragouine comme une mémée, Palau, tout petit qu'il est. Dans ce rôle, et toujours chez Guitry, Jacques Morel donnait une gravité et une colère retenue de haute volée. Par bonheur, Jean Hébey est un Louis XVI comme on en voit peu mais hélas, il se fait trés rare dans ce film. Donc, nous voilà en face d'un casting assez mal… casté (!) qui nuit grandement à l'intérêt de l'histoire .

Mais je reviens à l'héroine de cette supercherie royale  : Viviane Romance. On la reverra à la cour, neuf ans plus tard, dans L'affaire des poisons d' Henri Decoin où elle incarnera une Voisin magistrale, mais en cette même année, elle s'apprête à rendre fou Michel Simon dans le magnifique Panique de Duvivier. Pour l'instant, elle complote. Des yeux, du sourire, de sa sensualité, elle ourdit. Dire que ce rôle lui va comme un gant serait trop peu dire . Qui pourrait mieux qu'elle "être" Jeanne de la Motte ? Qui mieux qu'elle aurait assez de bagout, de spontanéité, de charme, de veulerie, d'impulsivité charnelle pour incarner cette garce ? Garce qu'elle fut toute sa carrière par ailleurs et qu'elle regretta d'avoir été d'après ses confessions. (Isabelle Baudelet : Romance Viviane, une femme dans le cinéma français). Elle porte ce film sur ses jolies épaules avec une grâce, une légèreté incomparable. Elle est magnifique. Et il est grand dommage que Marcel l'Herbier ne l'exploite pas plus. Sauf à la fin, j'y reviens parce que c'est vraiment du domaine de l'éblouissant, où elle crève littéralement l'écran. C'est à croire que l'Herbier se réservait pour cette fin magistrale. Mais nous avons l'impression, tout le long du film, que ce metteur en scène ne réalise pas à qui il a affaire. Il y a même des moments où il la délaisse pour s'occuper de fioritures dont on se fout éperdument. Il a une Ferrari entre les mains et il louche sur la dedeuche de l'électricien. Il la filme de loin, ou trop souvent de dos, la prive trop fréquemment de gros plans à l'avantage du trés jeune Jacques Dacqmine, amoureux transi et on peut le comprendre, encore bien maladroit à l'époque. Et pourtant, elle est bien là, Viviane Romance. Elle méritait mieux qu'un l'Herbier. Il lui fallait un Guitry. Et à moins que ma mémoire me trahisse, je ne me souviens pas que le résidant de l'avenue Elisée Reclus fit appel à elle un jour ou l'autre. Dommage… Il aurait peut-être fallut qu'il l'épouse pour cela…

L'affaire du collier de la reine est, tous défauts écartés, quand même un film assez prenant. Malgré mes critiques, nous ne sommes pas dans le nanar, trés loin s'en faut. Mais si je devais faire une comparaison quelque peu hardie, je dirais que c'est un peu comme si Milos Forman pour Vol au-dessus d'un nid de coucou ne s'était que trop intéressé aux horaires de travail des infirmières et avait délaissé la vie des malades. Je doute que ce film majeur aurait connu pareil succès. Et bien ici, idem . Marcel L'Herbier nous fait visiter Versailles, et encore, moins bien que Guitry, s'éternise sur la cour qui piaille, insiste beaucoup sur la révolution qui gronde (musicalement, la Carmagnole insiste), et s'occupe de l'affaire du collier de la reine comme d'un détail… Et nous restons un peu sur notre faim. Ça n'est pas mauvais, c'est juste maladroit. Il avait tout pour faire un immense film. Je crois qu'il est (un peu) passé à côté. Il faut quand même préciser que L'Herbier tomba malade et que beaucoup de scènes furent tournées par Jean Dreville, premier assistant . Qui a tourné quoi ? Je dois à la vérité de dire que je connais peu ce L'Herbier. Je me souviens avoir vu, il y a longtemps, Entente cordiale qui m'avait laissé un souvenir mitigé. Rien d'autre. Pour autant, cette oeuvre mérite quand même d'être vue. Ne serait-ce que pour ces ô combien fameuses cinq dernières minutes et d'autres encore. Ces minutes qui auraient du durer une heure trente. Parce qu' une fin de film comme celle là, arrogante de talent, je n'en ai pas vu souvent. Et j'en ai encore des frissons dans le dos … Bon dieu, mais c'est bien sûr !

PS : Sur ce, messieurs et dames, je vous souhaite de trés bonnes vacances si vous ne les avez pas déjà prises. Il est temps d'aller se reposer un peu. Je ne possède pas d'ordinateur portable alors je vous dis à bientôt, à la rentrée prochaine, peut-être. Continuez à fleurir ce site de vos belles plumes. Il le mérite. Salut à tous !


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De Impétueux, le 4 février 2021 à 14:34
Note du film : 3/6

Non, non, la vérité historique est à peu près respectée, semble-t-il (avec toutes les réserves, les ambiguïtés, les failles, les partis-pris que ce terme de vérité peut contenir, dès qu'il s'agit d'Histoire) et, à mes yeux, la distribution est magnifique. Viviane Romance au premier chef, l’aventurière vénéneuse et catastrophique Comtesse de La Motte. Et comment se fait-il que cette actrice magnifique, qui était belle, bourrée de talent, séduisante, tentatrice toujours troublante ait vu sa carrière décapitée, ou presque, au lendemain de la guerre, alors même que son talent demeurait aussi exemplaire : Panique de Julien Duvivier en 1946, L'affaire des poisons d'Henri Decoin en 1955 et, comme un clin d'œil ironique du destin, une apparition fugace, aux côtés de Jean Gabin dans la délicieuse Mélodie en sous-sol d'Henri Verneuil en 1962.

Et j'ai trouvé aussi parfait Maurice Escande en Cardinal de Rohan, au jabot gonflé et à la prétention exaspérante, pourtant dupe ridicule des canailles qui ont fait survenir une de ces histoires manigancées qui ont sonné la fin de l'Ancien Régime.

Car il est tout à fait extraordinaire de voir comment la marche à la catastrophe apparaît marquée du sceau de l’inéluctable. Qu’est-ce que c’est que l’Affaire du collier ? Une escroquerie qui aurait dû laisser intacte et même renforcer la réputation de Marie-Antoinette, son honnêteté et la décence de son comportement et qui a été paradoxalement une des raisons de la haine de la populace qui, quelques années plus tard, devant l’échafaud sanguinolent, jouira de voir une femme de 38 ans, mère de deux enfants, insultée et décapitée. En d'autres termes, il y a des moments, dans l'Histoire où les opinions, les ressentiments, les préjugés, sont si surchauffés, si exaltés que, quoi qu'on fasse, on fait mal

Les Français de l'époque n'ont jamais admis le génial Renversement des alliances du 1er mai 1756, où, après plusieurs siècles d'animosité, la France et l'Empire se coalisaient contre la puissance montante de la Prusse. La Prusse qui, pour les philosophes et esprits forts de l'époque représentait à peu près ce que fut l'Union soviétique pour les mêmes philosophes et esprits forts trois siècles après. Frédéric II ou Staline représentaient pour ces intellectuels femelles une sorte d'idéal. Et donc, le scellement de la nouvelle alliance par le mariage du Dauphin Louis et de Marie-Antoinette a donné lieu presque d'emblée à une vague de mauvaise humeur, comme notre peuple en est tant coutumier.

Ajoutons à cela la multitude des intrigues qui secouaient Versailles et que le jeune Roi, savant, timide et trop bienveillant ne pouvait tenir, moins encore châtier comme l'auraient fait son trisaïeul Louis XIV ou son grand-père Louis XV. Et la faute majeure, majuscule, absurde du rappel des Parlements à qui Louis XV et le chancelier Maupéou avaient cassé les reins. Sous la mauvaise influence de ses tantes et de l'air du temps, Louis XVI les réinstalla le 25 octobre 1774, quatre mois à peine après son arrivée au pouvoir.

Et c'est bien eux qu'on voit, dans le film de Marcel L'Herbier, humiliant le Roi et la Reine au profit du boursouflé Cardinal de Rohan (Maurice Escande), viveur, débauché, malhonnête gredin, dupe ridicule de Cagliostro (Pierre Dux) et de la comtesse de La Motte (Viviane Romance), aventurière, fille de putain mais aussi, il est vrai, descendante d'un bâtard d'Henri II, de son mari Nicolas (Michel Salina), complaisant et joueur et de son amant Marc Réteaux de Villette (Jacques Dacqmine), proxénète, faussaire et gigolo. Au fait, le film donne de Réteaux une image bien trop valorisante, celle d'un amoureux qui n'accomplit son forfait que par amour pour la Comtesse.

Mais il est vrai que Viviane Romance est si belle, si capiteuse, si séduisante, si délicieusement effrontée, si audacieuse, si tentante qu'on peut presque comprendre qu'elle bouleverse tous les cheminements. Il y a peu à s'étendre sur cette sorte de conspiration, d'escroquerie plutôt où une bande douteuse met dans sa manche un haut dignitaire, par ailleurs descendant d'une très grande famille grâce à une écriture imitée de la Reine et à la ressemblance troublante de Nicole (Monique Cassin) une petite prostituée du Palais Royal avec la Souveraine. Le somptueux collier (2842 carats !) dont les joailliers Böehmer (Pierre Palau) et Bassenge (Georges Saint-Pol) ne parvenaient pas à se débarrasser, est acquis par le cardinal de Rohan/Escande, complétement roulé dans l'affaire ; les pierres sont dispersées et le cardinal ridiculisé ; soit dit en passant il paraît que sa famille a remboursé jusqu'à 1884 (un siècle plus tard !) les descendants des joailliers : rare exemple d'honnêteté scrupuleuse..

Nadine Mouk, dans le message précédent, n'a sûrement pas tort de de voir dans L'affaire du collier de la Reine une réalisations sans éclat, trop scolaire, trop appliquée. J'ajouterai que le film est trop conforme au côté anecdotique du scandale, peu sensible à son arrière-plan politique. Le Roi et la Reine ont souhaité, ainsi, un procès public, pensant que leur bonne foi en serait confortée ; c'était oublier la haine vive du Parlement de Paris pour la Royauté et sa volonté de l'abîmer.

Et cette histoire – au milieu d'autres – a été un des coups les plus forts donnés au Trône. les fameux diamants de Bokassa donnés à Valéry Giscard d'Estaing n'étaient pas les premiers qui ont entraîné des chutes capitales.


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