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Forum : L'Opéra mouffe

Sujet : Esquisses


De Impétueux, le 18 mars 2017 à 21:31
Note du film : 4/6

Qui sait aujourd'hui que la rue Mouffetard, en plein processus de gentrification fut jadis et naguère un des épicentres de la misère parisienne ? La bienheureuse Fille de la Charité Rosalie Rendu s'y était établie pour faire le bien précisément parce que ces confins de Paris étaient désolés (ce n'est pas très loin qu'habite la famille Thénardier des Misérables) et un des meilleurs romans de Georges Simenon, qui s'appelle Le petit saint y est situé. Arrière-cours puantes, taudis sans clarté, escaliers sordides. Tout cela a bien changé aujourd'hui.

En revanche on sait tout à fait qu'Agnès Varda est, à la base, une photographe, qu'elle a un œil qui capte instantanément l'angle, l'orientation, la lumière qui mettent en valeur le sujet qu'elle veut représenter ; ses images sont toujours très composées, très structurées et pourtant très fluides. Et puis elle a un talent fou pour représenter ce qui se passe au delà de ses personnages, pour représenter la rue, l'indifférence des autres, le flot continu de la vie. Il y a dans chacune de ses séquences mille histoires qui pourraient se dérouler parallèlement au récit qu'elle a entrepris ; c'est sûrement en ceci qu'elle est novatrice, qu'elle précède les meilleures intuitions de la Nouvelle Vague de ne pas confiner son film sur quelques personnages isolés, mais d'y faire entrer le tohu-bohu des multiples existences…

L'Opéra Mouffe est un bref court-métrage (à peine plus d'un quart d'heure) très pictural, très photographique, qui n'a pas beaucoup de cohérence, où sont juxtaposées des images hétéroclites, comme le carnet de notes d'une femme enceinte, qui rêve, qui a des envies, qui regarde autour d'elle.

Gros plans sur les éventaires de la rue alors et toujours emplie de commerces : fruits et légumes, poissons, produits de triperie, tout cela capté au fil de la promenade. Puis rêverie érotique sur un couple amoureux ; la jeune femme, c'est la ravissante Dorothée Blanck, qui sera un peu plus tard le modèle nu amie de Cléo, le jeune homme, c'est Antoine Bourseiller, alors compagnon d'Agnès Varda et plus tard grand metteur en scène de théâtre… Mais surtout c'est la rue ou, plutôt, ceux qui y passent dont le regard est capturé, saisi sur le vif, absorbé par la caméra. Visages de pauvres mais surtout pauvres visages souvent hébétés, ébahis, toujours fatigués, creusés par les lourdeurs de la vie dont la plupart ne semblent qu'attendre la fin en espérant qu'elle ne sera pas trop lointaine… Jusqu'aux dernières images, qui fixent l'absolue dégringolade de ceux qui couchent sur le trottoir, qui s'abrutissent du vin qui permet à la fois d'oublier qu'on n'a pas mangé et de dormir pour oublier qu'on ne mangera pas demain…

C'est sec comme toutes les évidences.


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