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Sujet : Unité de la Foi, diversité des cultures


De Impétueux, le 2 mars 2017 à 16:59
Note du film : 6/6

Le titre que je donne à ce message, Unité de la Foi, diversité des cultures est une définition à peu près exacte du concept d'inculturation, forgé en 1953 par un Jésuite et adopté en 1978 par l'Église comme l'incarnation de la vie et du message chrétiens dans une aire culturelle concrète, en sorte que non seulement cette expérience s'exprime avec les éléments propres de la culture en question (ce ne serait alors qu'une adaptation superficielle), mais encore que cette même expérience se transforme en un principe d'inspiration, à la fois norme et force d'unification, qui transforme et recrée cette culture, étant ainsi à l'origine d'une nouvelle création.

Ceux que les concepts chrétiens n'intéressent pas et qui tiennent la spiritualité pour quantité négligeable auront déjà décroché, pensant trouver ici un avis sur Silence, de Martin Scorsese. En fait, on est en plein dedans et on va y rester, mais on ne peut pas entrer mieux dans une œuvre complexe, lourde, pesante, quelquefois aride mais toujours d'une grande puissance qu'en posant d'emblée les termes précis du cheminement.

On sait que Martin Scorsese est tombé dès l'origine dans le bain brûlant du christianisme. Issu d'une famille sicilienne très religieuse, il a souhaité devenir prêtre, a fait une année de séminaire. Et comme, quelle que soit ensuite son évolution personnelle, il n'a pas effacé cette imprégnation profonde, il se débat avec la Foi. Jusqu'à la provocation, presque au blasphème : ça donne La dernière tentation du Christ où il met en scène un Jésus trop humain, qui s'est dérobé à sa mission divine et se la coule douce avec Marie-Madeleine et sa progéniture.

De la même manière que les autorités romaines et juives n'ont pas supporté la prédication de Jésus, moins pour ce qu'elle était que parce qu'elle bouleversait les villes et troublait l'État, les autorités japonaises, après avoir accueilli sans hostilité les premières missions jésuites dès le milieu du 16ème siècle, regimbent cinquante ans plus tard et commencent une série de persécutions féroces et une politique d'extinction du christianisme qui ne prendra fin qu'avec l'ère Meiji en 1873. Il s'agit d'une sorte d'opération de salubrité publique, afin de renforcer la cohésion nationale de l'archipel, jugée, à tort ou à raison, menacée à la fois par la crainte des toujours vivaces féodalités et par le développement des échanges maritimes qui risquent de pervertir l'âme du Japon.

S'il n'était qu'une histoire de persécutions, de martyres et de tortures, Silence serait déjà un très grand film, grave et profond. Mais il va plus loin, bien davantage.

Nous sommes en 1637, au pic des persécutions, dont certains estiment qu'elles ont fait 40000 victimes. Deux jésuites portugais, Sebastiao Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garupe (Adam Driver) quittent Macao pour le Japon afin de retrouver leur maître, Cristovao Ferreira (Liam Neeson) qui aurait abjuré la foi catholique. Les deux hommes, guidés par une sorte d’ilote, Kichijiro (Y?suke Kubozuka), chrétien dont la famille a été massacrée mais qui s'est sauvé en apostasiant, retrouvent, après avoir abordé une île hostile, perdue dans la pluie et les brumes, une petite communauté villageoise, à la Foi inébranlable.

Prennent place alors de longues séquences de traques, de cachettes, de persécutions, de peurs et d'exaltations comme devaient vivre les chrétiens des catacombes. Séquences marquées par les reniements successifs de Kichijiro, qui est ancré dans la Foi mais n'a pas le courage du martyre. Sebastiao, séparé de son frère jésuite Francisco, qui choisit de mourir noyé avec des villageois, est conduit à Nagasaki, devant Inoue (Issei Ogata), le Grand Inquisiteur, gouverneur de la province. C'est un homme cruel, sans plaisir mais sans états d'âme, mais surtout un homme habile. Comme Ponce Pilate, il se moque finalement que le christianisme subsiste, de façon résiduelle et souterraine dans son pays : ce qu'il veut, c'est couper les lignées qui prennent racine au Japon et il croit qu'il pourra y parvenir dès que les fidèles n'auront plus de prêtre.

Pour cela, il ne suffit pas de tuer : il y a mieux : le reniement. L'apostasie est le thème majeur du film. Peu importe qu'elle soit ou non sincère, qu'elle survienne en contrepartie de la vie de ceux qu'on s'apprête à torturer ; l'essentiel est ce qui va se passer dans la tête de Sebastiao qui est invité à fouler l'image du Christ. Puissance de la dernière demi-heure de Silence : le prêtre, agi par une voix intérieure, qui est celle du Christ, choisit l'apostasie. Comme son aîné le P. Ferreira, qui l'a précédé dans cette voie, il s'insère dans la vie nippone, épouse une Japonaise, renouvelle périodiquement et publiquement son apostasie, comme y sont contraints ceux qui sont suspects d'avoir été chrétiens.

Mais, bien des années plus tard, à sa mort, lorsqu'il est brûlé selon les rituels bouddhistes, on voit qu'il tient serré dans sa paume, le crucifix de la Foi qu'il n'a jamais abandonnée, simplement – simplement ? – reniée, comme Pierre a renié, par trois fois le Christ sur le chemin de sa Passion, avant de devenir le premier Pape de l'Église universelle.

Universelle, donc, unie dans une seule Foi, mais établie dans l'immense diversité du monde, de ses cultures et des histoires de ses peuples. Comment faire pour être ensemble unis et divers, dans la même Parole, pour chanter à l'unisson dans des langues différentes ?

Il y a aujourd’hui un peu plus d'un demi million de catholiques au Japon ; ce n'est pas grand chose : 0,5% de la population totale. Mais les racines n'ont pas été coupées.

Je n'ai pas parlé de la façon magnifique dont Scorsese filme son histoire. Images impressionnantes, comme toutes celles des martyres, les chrétiens crucifiés ébouillantés avec de brûlantes eaux volcaniques ou livrés pendant des jours à la furie bouillonnante des marées, attachés, la tête en bas, scarifiés de façon qu'un peu de sang s'écoule, afin que la mort ne survienne pas trop tôt ; images signifiantes comme cette juxtaposition de plans évoquant la croix, au début du film où, à l’horizontale des trois jésuites descendant les marches de l’église Saint Paul, répond la verticale de leur bateau cinglant vers le Japon. Ceci est une citation extraite d'un article profond du père jésuite Guilhem Causse dans la revue Christus, à qui je renvoie ceux qui voudraient explorer un peu davantage les ramifications chrétiennes du film de Martin Scorsese.

https://www.revue-christus.com/article/s(..)


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De vincentp, le 8 mai 2018 à 22:46
Note du film : 0/6

Silence est répétitif, trop long, ennuyeux, souvent peu crédible, et le propos n'est pas clair. Il montre à mon sens surtout le problème de la religion en général, qui tend à être bâtie sur des dogmes et un mode rigide de pensée. La science et les arts sont amenés à se remettre en question et à évoluer, pour les religions c'est plus compliqué : elles tendent à s'accrocher à des visions passéistes, exprimées par les personnes qui les ont initiées.

On retrouve ces mêmes reproches sur ce film de Scorcese chez plusieurs critiques de différents pays (cf site Rotten tomatoes). Par contre, il faut reconnaître la beauté des images de la mer et des terres désolées. La partie plastique de Silence est intéressante.

Ci-joint un avis sur Silence que je partage complètement.
[https://www.pghcitypaper.com/pittsburgh/silence/Content?oid=1978238]


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De Impétueux, le 8 mai 2018 à 22:57
Note du film : 6/6

Vincentp, vous n'avez pas la tête faite pour les questions spirituelles, malgré vos autres qualités : vous n'y comprenez rien et dites de grosses bêtises. Ou vous ne dites rien du tout, ce qui vaut mieux, sur Thérèse (un message puéril), Le grand silence, Sous le soleil de Satan (un message technique), La Passion du Christ, Rome. ville ouverte (un message historique)…

Rien de grave, au demeurant…


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De vincentp, le 8 mai 2018 à 23:02
Note du film : 0/6

Je m'efforce de juger de façon objective les qualités artistiques des films, qu'ils portent sur les sujets de religion ou non : Le chant de Bernadette, L'évangile selon Saint Matthieu, Les Onze fioretti de François d'Assise, Capitaine de Castille et tant d'autres, sont de très grandes réussites cinématographiques axés sur des sujets de religion, parce que nuancées sur le fond, et très intéressantes sur la forme (entre autres qualités). Silence ne fait pas partie de cette catégorie, de mon point de vue en tout cas. Malheureusement, Silence confirme que depuis vingt ans, Scorcese réalise des films longs, ennuyeux, et mal foutus.

Autre chronique allant dans mon sens, venant d'un critique de Nouvelle Zélande, qui s'est aussi copieusement ennuyé.

I really wanted to like this film, but like an unrequited love, I found myself losing interest and giving up the chase. Large chunks were unengaging, slow, and dare I say it … boring. Putting in extra effort to peel back layers of dubious Portuguese accents and gratuitous melodrama does reward the viewer with glimpses of Scorsese genius; his intentional use of the camera, his interesting treatment of sound – basically, Silence looks and sounds great. But, that's slim pickings for a film that promised so much more.

En Anglettere, aussi (The Mail on Sunday) At a buttock-numbing two hours and 41 minutes, my goodness this is hard work.

En Colombie britannique aussi : I don't have a problem with filmmakers wrestling with the ideas of religion and belief. But at some point Silence simply became ridiculous for me.


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De Impétueux, le 10 mai 2018 à 17:59
Note du film : 6/6

Je ne disconviens pas que la qualité purement technique du film, sa mise en scène, son interprétation sont des motifs élevés pour l'appréciation d'un film. Mais, lorsqu'il s'agit de sujet qui ne sont pas de société (ou policiers, ou historiques) ou qui ne sont pas que cela, loin de là, un minimum d'empathie ou plutôt d'intérêt pour le sujet évoqué est indispensable.


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De Arca1943, le 11 mai 2018 à 14:59
Note du film : 4/6

En tout cas, je suis bien content de constater qu'Impétueux s'intéresse à Silence, qui bien avant d'être un film de Masahiro Shinoda (1971) ou de Martin Scorsese (2017), est d'abord et avant tout un roman de Shusaku Endô (parfois surnommé "le Graham Greene" japonais) et un des grands classiques littéraires du 20e siècle.


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De vincentp, le 20 octobre 2019 à 07:58
Note du film : 0/6


Enfermé à clé dans un cercueil de manoir des balkans avec juste une petite lucarne, pour à la fois regarder le film et ne pas quitter la salle, le spectateur assiste à une confrontation théologique entre deux cultures antagonistes. Deux jésuites, un peu naïfs, armés d'une simple croix en bois et d'une bible, débarquent sur les côtés japonaises, pour convertir les japonais au christianisme. Le shogun local ne l'entend pas de cette oreille et entreprend de convertir les jésuites à sa religion. S'en suit un dialogue de sourds entre les deux parties, chacune accusant l'autre d'hérésie.

Scorsese fait ronfler la mécanique et utilise des plans sophistiqués, des lumières et des couleurs recherchées. La forme pourrait servir de centre d'intérêt si elle n'était pas au service d'une histoire ennuyeuse, répétitive, usant de ficelles dramatiques usées et d'une longueur interminable (près de trois heures). On comprend que ce récit puisse intéresser des spécialistes de théologie. Le cinéphile se remémorera les derniers films décevants de ce cinéaste américain, et se tournera sur un sujet similaire vers des classiques, plus digestes comme Le chant de Bernadette ou Procès de Jeanne d'Arc.


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