La La Land réalisé par Damien Chazelle en 2016, qui m'a été conseillé par ma mère (généralement mieux inspirée) fait référence à plusieurs reprises à La fureur de vivre (Rebel Without a Cause) réalisé par le génial Nicholas Ray en 1955. Il y a des films dans lesquels vous rentrez immédiatement, et d'autres dans lesquels c'est impossible. Au bout de 15 secondes, avec le film de Ray, j'étais dans mon élément. Au bout de 15 secondes avec le film de Chazelle, je savais que cela n'allait pas aller. Et effectivement, je me suis ennuyé mortellement ce soir en salle pendant deux heures, interminables. Un cauchemar, comme Asterix et Obelix face au barde Assurancetourix. Chazelle vise beaucoup trop haut pour ses capacités visiblement limitées de cinéaste.
Reconnaissons une qualité à La La Land : Ryan Gosling est un excellent acteur, doté d'un potentiel dramatique indéniable, et pouvant être performant dans n'importe quel contexte. Celui de La La Land est terrible. Emma Stone joue extrêmement mal, ou bien elle est mal dirigée, allez savoir. Le scénario est nul, incohérent, s'éparpille dans toutes les directions, et vole bas, façon soap opera. Très mauvaise gestion des émotions du spectateur. On pense à un sous Pretty Woman par moments. Chazelle ne trouve pas son style : un peu de Altman, Bergman, Cassavetes, mais raz des paquerettes. Malheureusement pour Chazelle, les seuls moments intéressants de son film sont liés à un court extrait de La fureur de vivre situé près de l'observatoire astronomique.
À l'inverse, La la land a été pour moi un ravissement de tous les instants. J'ai rarement été aussi "connecté" à un film. J'aurais pu le revoir en entier immédiatement après être sorti de la salle. Damien Chazelle se paye le luxe de rendre hommage à la Comédie musicale en la sublimant, comme Quentin Tarantino a su le faire avec le western, la série B ou le film de sabres.
La la land est un classique instantané, à ranger aux côtés des Singin' in the rain (voire au-delà : j'ai ici apprécié la "Broadway Melody", que je trouve indigeste dans l'original) et autres Parapluies de Cherbourg. C'est bien moins "guimauve" et plus complexe que les fleurons du genre, notamment l'happy-end audacieusement évitée, la narration non linéaire et le message sur la persévérance ! Et le réalisateur parvient à éviter le piège d'"Hollywood qui filme Hollywood", en limitant la place du milieu cinématographique à l'essentiel.
Damien Chazelle a montré avec le déjà excellent Whiplash qu'il sait filmer la musiquer comme personne. C'est ici confirmé ! Et sur le plan strictement formel, tes propres critères devraient t'empêcher, vincentp, de donner à La la land une note inférieure à la moyenne, étant données les prouesses de réalisation visibles à l'écran (ne serait-ce la scène d'ouverture dantesque, sur l'échangeur d'autoroute) ! Le thème musical principal reste bien en tête, après plusieurs jours, ce qui est bon signe. Et il est rare de voir les spectateurs aussi enthousiastes à la sortie du film, rentrer chez eux en dansant ! La bande originale est elle-même remarquable.C'était un sacré défi, de produire une telle comédie musicale. Il est relevé avec une virtuosité qui force le respect. Comme toujours, il ne faut sans doute pas trop attendre de tels succès mondiaux, l'attente elle-même pouvant être génératrice de déception.
Touché par la grâce, Chazelle réalise un film parfait, magique, dont toute analyse est vaine.
Un film est aussi une sculpture de l'espace et du temps, une gestion du spectateur. Ici, tout est très, très faible. On avance au petit bonheur… Les disputes entre personnages sont soit téléphonées, soit exagérées. On dirait une publicité de deux heures pour une marque de téléphone portable, avec des couleurs chatoyantes. La musique est mal intégrée au récit. Chazelle est en début de carrière, et les maladresses dont il fait preuve sont finalement assez logiques.
Néanmoins, mon avis reste subjectif et on attend d'autres avis étayés dans ces colonnes. Je n'ai pas eu l'impression que les réactions des spectateurs autour de moi étaient très favorables. J'ai plutôt eu le sentiment d'un silence gêné. Je crains par exemple que Verdun et Arca1943 ne rejoignent mes avis, et s'ennuient à mourir, en voyant ce Na Nar Land.
Eh bien je me situe entre vos deux avis. Je suis sensible à l'amour du cinéma et de la musique qui se dégagent de La la land. Certains moments dégagent un lyrisme que je n'ai pas vu au cinéma depuis belle lurette. Certaines séquences (l'intro), les acteurs, la bande son et les couleurs méritent le détour.
Mais comme pour la plupart des films actuels, je trouve que là durée du film est excessive, que la virtuosité ne comble pas un scénario perfectible et qu'il y a un peu trop de remplissage avant l'excellent final. Je me suis effectivement ennuyé à ce moment précis.
Un film à voir mais qui ne renouvelle pas le choc de Whiplash.
(https://www.rottentomatoes.com/m/la_la_land/reviews/?page=2&sort=rotten)
L'archétype du film très diversement apprécié, voir les avis divergents publiés sur Rotten Tomatoes.
Mon avis est partagé par, par exemple :
https://northshoremovies.wordpress.com/2016/12/24/review-la-la-land/
J'ai tendance à bien plus me fier à l'avis des spectateurs qu'à celui des critiques professionnels, qui peuvent être mal lunés ou chercher à se distinguer. En la matière, La la land est en très bonne place, sur IMDb comme sur Allociné.
Le net regorge de sites, blogs ou critiques largement à la hauteur, voire supérieurs à ce que l'on peut trouver à la presse écrite ou dans la radio.
En revanche, la notation d'allociné me laisse dubitatif dans la mesure où les films récents sont systématiquement surnotés par rapport aux classiques reconnus du patrimoine cinématographique Ainsi Django unchained a le droit à une moyenne de 4,5/5 alors que Rio Bravo, L'homme aux colts d'or et La prisonnière du désert plafonnent à 4/5 seulement. Dans le cas qui nous occupe, La la land reçoit une moyenne de 4,5/5 alors que Chantons sous la pluie n'a le droit qu'à un petit 4,2.
Alors vive le jeune cinéma mais faut peut-être pas non plus pousser mémé dans les orties !
Je l'admets, les films très récents sont effectivement surnotés par les spectateurs sur Allociné et IMDb. Payer pour aller voir un film en salles vous prédispose sans doute plus à l'aimer que tomber dessus au hasard d'une diffusion TV.
Je sors de la projection accablé, comme l'ont été ma femme et ma fille. Plusieurs spectateurs sont partis avant la fin et, au contraire de l'ami Spontex tous nos compagnons de géhenne cinématographique paraissaient dépités, presque assommés par la durée du film et son insignifiance la plupart de ceux que j'ai questionnés partageaient nos points de vue. Je n'avais pas vu d'aussi tristes mines depuis Les visiteurs 2.
Nous étions partis pour voir Silence, mais la salle était complète. Il est vrai qu'elle l'était aussi pour La La Land ; tout ça ne veut rien dire, et l'avis des critiques est aussi inutile que le vôtre, les amis, qui êtes si opposés.
Je reviendrai demain sur le film mais ça, puis la défaite de mon cher Olympique de Marseille devant le PSG au stade vélodrome, 5 à 1, ça fait trop pour la journée…
Dure journée en effet hier. C'était mon anniversaire, et comme cadeau j'ai eu droit à un 0/6 adressé par Spontex à Gigi, un monument incontesté de la comédie musicale (9 oscars dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleur photographie…., et trois Golden Globe dont meilleur film). Peut-être s'agit-il là d'une plaisanterie effectuée par le fils de Spontex.
Non … j'ai vu Maurice Chevalier reluquer des fillettes ("Thank Heavens for Little Girls") et je n'ai pas tenu plus de 15 minutes !
Comment ça, Spontex, reluquer des fillettes ? Maurice Chevalier, vieux marcheur hédoniste est attiré par la chair fraîche, mais cette chair-là a tout de même 15 ans et est éduquée par deux anciennes cocottes ! Il y a aujourd'hui sur les amours avec les vertes années un discours moral, mais si vous lisez Flaubert, les Goncourt, Maupassant, vous verrez que c'était une inclination à peu près unanime des siècles passés.
Ami Spontex, il faut absolument que vous regardiez, si ce n'est fait, La petite de Louis Malle et le bordel de la Nouvelle Orléans où Brooke Shields attend avec impatience d'être dépucelée. Elle a 12 ans…
Il faut aussi avoir en tête que l'espérance de vie était de 45 ans en 1900… Finalement, la bonne nouvelle d'hier est que La La Land n'a pas eu l'oscar du meilleur film. Il s'en est fallu de peu.
« Nous étions partis pour voir Silence, mais la salle était complète. »
Ah bon, comme ça vous avez manifesté l'envie de voir Silence ? Il y a du progrès ! Mais c'est vrai que Shima Iwashita est rudement belle… Comme je vous comprends…
@ Arca : il doit y avoir méprise de votre part ! le Silence que nous voulions voir n'est pas un film du nommé Masahiro Shinoda, mais le dernier film de Martin Scorsese ; remarquez bien que ça se passe aussi au Japon et que ça relate le martyre des Jésuites venus évangéliser la Nipponie, ce qui me confortera dans mon aversion pour ces territoires extrêmes. Mais je vais bientôt trouver une salle où des places seront disponibles !
@ Vincentp : ne tombons pas dans la statistique primaire et n'imaginons pas qu'en 1900, la vie s'arrête à 45 ans ; l'espérance de vie est une notion qui tient compte de la mortalité infantile et des morts hâtives, plus rares aujourd'hui que jadis. Il est vrai qu'à 60 ans, à l'époque, un homme est tenu pour très âgé, mais c'est parce qu'il a échappé à toutes les péripéties de la naissance, des fièvres infantiles, des épidémies, des accidents… Ce qui ne l'empêche pas de demeurer gaillard…
Et soit dit en passant, la puberté est plus tardive qu'aujourd'hui : une fille de 15 ans est à peine formée, sûrement pas nubile. Ce qui permet de mieux apprécier les audaces de Colette…
Bien sûr, je vous taquinais. Silence ("Shinmoku") est un prenant roman de l'écrivain catholique Shusaku Endo, porté à l'écran une première fois en 1971 par monsieur Shinoda et de nouveau par monsieur Scorsese en 2016.
Je n'ai encore vu aucune des deux versions, mais le livre est une merveille.
Revenons à La La land ; depuis ma déception de la projection, hier, j'ai eu deux ou trois fois dans l'oreille des mélodies qui me plaisaient et c'étaient les thèmes du film. Après me les être repassées grâce à YouTube, je me dis que, finalement, il n'y a pas que du languissant, du ridicule et du gloubi-glouba dans le film de Damien Chazelle, mais aussi quelques qualités, mineures, sans doute, mais réelles.
La musique, donc, en premier lieu, composée par Justin Hurwitz, un débutant qui pourra peut-être aller loin s’il continue à trouver de jolies mélodies ; cela étant, il faudra qu'il en étoffe la variété, les deux ou trois thèmes principaux, repris ad libitum pouvant, malgré les variations imposées, lasser, à la longue. Puis le parti pris de colorer très vivement le film, de lui donner, en quelque sorte un côté Technicolor qui sied assez bien à son propos.C'est à peu près tout. L'histoire est d'une réelle insignifiance, d'une banalité, d'un classicisme atterrant ; admettons toutefois qu'elle a le bon goût de se terminer mal, sur le désastre des vies gâchées… ou, si l'on préfère, sur le mensonge que se sont joué pendant le film des amoureux qui ne le sont pas vraiment. Là-dessus je laisse la porte ouverte, chacun pouvant bien avoir l'opinion qui lui chaut et le récit ne méritant pas vraiment de savantes gloses et une exploration au scalpel des relations entre les deux niquedouilles présentées.
À l'heure où j'écris ces lignes j'apprends que la vedette du film, une certaine Emma Stone, vient d'obtenir à Hollywood l'Oscar d'interprétation, au détriment (disent les gazettes) de notre immense Isabelle Huppert. Ce choix dit mieux que quoi que ce soit d'autre la stupidité intrinsèque de ces palmarès. Le visage chafouin, le cheveu parcimonieux, la totale absence d'expression de la demoiselle interdisent toute empathie avec son personnage, au demeurant crispant, infantile, ridicule, exaspérant. Une endive blafarde.Un tout petit peu mieux est son partenaire, Ryan Gosling, dont le physique avantageux est de ceux qui excitent les pubertés précoces de notre pauvre aujourd'hui.
Rien d'autre qui surnage, comme on l'a remarqué, alors que le bon cinéma est fait avant tout de l'arrière-plan, c'est-à-dire des seconds rôles. Il paraît que le jeune Chazelle a eu le front de déclarer qu'il s'était inspiré, pour son film, des Demoiselles de Rochefort. Diantre ! Peste ! Boufre ! La richesse du film de Demy en intrigues principale et secondaires devrait servir de leçon aux imprudents impudents qui tentent de s'y mesurer. Une comédie musicale ne peut avoir de présence que si, d'emblée, elle émerveille, elle enchante, elle fait oublier son caractère purement artificiel pour entraîner sur les ailes de l'ange…Dès que dans La La Land on assiste à cette incongrue, inutile, ennuyeuse cavalcade de médiocres danseurs sur une autoroute de la moche Los Angeles on se demande ce qu'on est venu faire devant l'écran. D'un Grand embouteillage interminable, Luigi Comencini avait fait un petit chef-d’œuvre de cruauté et de sarcasme ; de l'entrée dans une ville et d'une rencontre, Jacques Demy et Michel Legrand avaient créé ce bijou de L'arrivée des camionneurs
Aucun rapport, dira-t-on. C'est vrai. Aucun, si ce n'est qu'il y a des grands films et des films dont on pourrait ne pas parler.
Un film aussi lisse comme le pelage mouillé d'un canard, aussi mémorable que la première traduction latine de Matt Pokora. C'est long comme le trajet RER entre Marseille et la Cluse-et-Mijoux, il ne se passe strictement rien (à l'exception notable de la scène où Emma Stone hausse un sourcil, morceau de bravoure du film). Ceci dit Ryan Gosling joue bien, mais il est surtout incroyablement beau et sexy et charismatique (me souffle ma petite soeur, exprimant ainsi l'indicible émoi qui étreint les deux-tiers de la population féminine à la vue de l'Apollon au torse imberbe et galbé).
Emma Stone tire la langue pour exprimer la colère, s'injecte un collyre en douce pour simuler la tristesse, et émet un petit soupir d'extase quand elle embrasse son beau partenaire. Elle n'a pas volé son oscar (en fait, si).
Voilà, voilà.
Sinon, deux semaines après la sortie de La La land, déboulait sur grand écran le somptueux Silence de Martin Scorsese, silence que l'on pourrait proposer à certains dithyrambes excessifs concernant La La Land, qui occultent peut-être ce qui est pour moi le plus grand film de son auteur. Mais il est certainement plus aisé de regarder deux tourtereaux minauder pendant deux heures que de s'abandonner à la contemplation initiatique.
PS : ce texte n'est en aucun cas une critique des laudateurs de La La Land sur DvdToile, simplement un ressenti subjectif face au raz-de-marée un peu incompréhensible pour moi que suscite le film.
Je mets quand même 3 sur 6 parce que la fin est vraiment belle (comme la demoiselle qui m'accompagnait lors de la projection).
punaise ! moi qui après lecture de l'intervention d'Impétueux ai annulé ma commande chez Amazon l'avis de Steve MacQueen me retourne l'esprit : qu'ai-je fait ? J'ai la nette impression que Je vais manquer un grand spectacle qui laisse bien loin Autant en emporte le vent, Ben-Hur et 2001 l'Odyssée de l'Espace ! Mais qu'ai-je fait ?
Fais vite Droudrou car il ne reste plus "au pays des pâquerettes" que trois cases à cocher : 1/6, 5/6, 6/6.
Il existe des films clivants sur dvdtoile.com comme Gertrud ou Le testament du docteur Mabuse mais celui-ci bat tous les records.
Comme depuis trois jours j'ai écouté cinq ou six fois la B.O. de La La land et comme je ne m'en lasse pas, je suis bien conduit à admettre qu'il y a quelque chose dans ce film… Cela dit, une B.O. développe jusqu'au bout des mélodies qui, dans le cours du film sont souvent tronquées, voire couvertes par des dialogues…
oui et ensuite on ne dort plus : plusieurs nuits où Fidelio de Ludwig Van et Cerenentola de Gioacchino Rossini m'empêchent de dormir !…
Mes enfants, dont ce n'est a priori pas du tout le genre musical, écoutent cette B.O. dans leur baladeur en allant au collège…
Et bien voilà, j’ai vu La la land à mon tour et vais pouvoir donner mon opinion. Pour moi ce n’est ni un chef d’œuvre ni un navet. Pour un petit film sans prétention rendant gentiment hommage aux comédies musicales et au cinéma de Hollywood, je l’ai trouvé sympathique et ai eu plaisir à le voir. Ceci étant dit, de là à crier au chef d’œuvre, il ne faut pas exagérer. La rareté des comédies musicales dans le cinéma actuel – et la volonté des producteurs et exploitants d'en profiter ! – explique peut-être un engouement surdimensionné.
L’ensemble est plaisant, j’ai passé un bon moment… J’ai tout de même trouvé que les séquences musicales manquaient d’originalité surtout dans les chorégraphies, assez limitées. Belle idée par exemple que cette ouverture sur une rocade de Los Angeles. La caméra se promène parmi les personnages qui bougent entre et sur les voitures… mais on est très loin des mouvements savamment chorégraphiés de la scène de rue du début de West Side Story ou de la danse improvisée des forains entre les camions sur le pont transbordeur des Demoiselles de Rochefort. Idem pour la scène de danse à deux sur la colline surplombant Hollywood : on comprend bien les références à Chantons sous la pluie et au ballet « Dancing in the dark » de Tous en scène, mais tout est ici beaucoup moins élaboré. Le numéro final évoque bien sûr l’importance de Paris dans les films musicaux hollywoodiens avec des références évidentes à Gigi ou Un américain à Paris, mais ce sont les mouvements de caméra et les images notamment inspirées des peintures impressionnistes qui font merveille, et rarement la danse en elle-même. Evidemment, Ryan Gosling et Emma Stone sont charmants et font ce qu’ils peuvent mais ne sont pas des danseurs professionnels, à la différence des Gene Kelly, Fred Astaire, Ginger Rogers, Cyd Charisse, Rita Hayworth, George Chakiris de la grande époque…
Alors tout cela n’est pas grave, le film est agréable tout de même, il faut juste être conscient qu’on n’est pas au niveau des géants du genre sur la forme dansée et chantée. L’histoire d’amour et de recherche de réussite des deux personnages principaux est aussi assez « bateau » et il est heureux qu’on nous évite un happy-end en nous offrant une fin plus ouverte. Au moins on nous épargne les cris et scènes de ménage soûlantes qui déchiraient Liza Minnelli et Robert De Niro dans New York New York !
L’intérêt du film, on peut aussi le trouver ailleurs : dans le jeu intériorisé de Gosling face à la vivacité de Stone, dans l’évocation (certes attendue mais néanmoins réussie) d’un Los Angeles double mi-clinquante et superficielle, mi-porteuse de rêves, dans la réflexion sur la difficulté de vivre ces derniers (découragement, nécessaires concessions…) ou dans l’omniprésence des références à l’âge d’or, à la fois dans le jazz et le cinéma : poster mural d’Ingrid Bergman dans la chambre, affiche du salon avec Ava Gardner enlaçant Burt Lancaster dans Les tueurs, balcon de Casablanca face au drugstore Warner, observatoire de La fureur de vivre, fresque murale aux multiples stars dont la Taylor en Cléopâtre… On a alors l’impression de se trouver dans un conte de fée dont les héros arpentent, en lieu et place d’une forêt peuplée des traditionnels fées, sorcières, gnomes, ogres, nymphes et faunes, les rues d’une ville mythique encore habitée par l’esprit de ses propres légendes, celles du septième art… même si cette ville ogresse a tôt fait de détruire et dévorer ce(ux) qu’elle adule…
Il est d’ailleurs bien sympathique pour un cinéphile de voir ces héros trentenaires assumer leurs références à l’âge d’or de Hollywood alors que l’écrasante majorité des représentants de cette tranche d’âge – y compris ceux qui sont allés voir La la land et l’ont aimé ! – n’en ont strictement rien à faire! le film y gagne un côté intemporel plaisant. On peut aussi se prendre à rêver qu’il joue un rôle de passeur en donnant envie aux nouvelles générations d’aller découvrir l’âge d’or du cinéma musical ayant inspiré ce film (Chantons sous la pluie, Tous en scène, Un américain à Paris, West Side Story, Les demoiselles de Rochefort…), comique ou dramatique cité dans le film (Casablanca, Les enchaînés, L’impossible Monsieur Bébé, La fureur de vivre, Les tueurs, Cléopâtre…)
Puisque ce type de film est fait pour nous faire rêver, ce rêve-là en vaut bien un autre…
Le monde d'Apu est sorti en salles le 1 mai 1959. Apu (Soumitra Chatterjee) épouse dans ce film Aparna (Sharmila Tagore). Or, Sharmila Tagore est née le 8 décembre 1946. Elle avait donc 12 ans lors du tournage du film. Personne ne s'en est offusqué.
Certes tout ceci est culturel, on ne s'offusqua pas non plus en son temps des jeunes gitons des empereurs romains (voire même de certains papes). Mais pour rendre justice à Maurice Chevalier et à sa chanson du film Gigi "Thank heaven for little girls" (qui devient en VF "C'est une joie qu'il y ait des fillettes"), dont le titre porte effectivement à confusion… soulignons qu'il suffit d'écouter les paroles pour se rendre compte que cet hommage aux petites filles valorise avant tout les jeunes femmes séduisantes qu'elles deviendront pour le bonheur ou le malheur des hommes ! Le film ne traite d'ailleurs nullement du goût des hommes mûrs pour les petites filles mais d'un autre sujet sulfureux : l'éducation d'une jeune fille par sa famille pour en faire une courtisane de luxe et non une épouse traditionnelle. Sujet suffisamment surprenant au regard de la censure d'alors ! Mais il est vrai que l'histoire se passe dans le Paris de la belle époque, donc dans la vieille Europe décadente aux yeux des Américains, ce qui autorisait cela.
Rien de tel dans La La Land, où Emma Stone est majeure et vaccinée et ne cherche nullement à jouer de ses charmes pour booster sa carrière…
Dans quel pays se trouve-t-on quand on est en La La Land ? L'expression (typiquement américaine) désigne à la fois un lieu bien précis, une ville très exactement, Los Angeles (qu'on se contente généralement de nommer par son acronyme L. A.), et plus précisément encore Hollywood, et ce qu'on y fabrique. Quoi donc ? Eh bien, l'expression « usine à rêves » qu'on emploie parfois pour nommer les studios hollywoodiens le dit clairement : on y fabrique du rêve. Être en La La Land, par conséquent, c'est se trouver au pays des rêves, c'est-à-dire dans un environnement plus ou moins déconnecté du monde réel.
Le troisième film de Damien Chazelle (après « Whiplash » – 2014, qui ne m'avait pas du tout convaincu!) a donc pour ambition de rendre hommage au genre cinématographique qui s'accorde le mieux avec l'onirisme, c'est-à-dire la comédie musicale, genre qu'Hollywood a porté jusqu'à d'extraordinaires sommets pendant son âge d'or. Il est clair, pour qui possède un minimum de culture cinématographique (et, plus encore, pour tous ceux qui – comme moi-même – raffolent des films musicaux), que la plupart des scènes chantées et/ou dansées de « La La Land » ont été directement inspirées à Damien Chazelle par des scènes de films aussi prestigieux que « Chantons sous la pluie » (1952) ou « Un Américain à Paris » (1951) et d'autres films encore. Sur le net a d'ailleurs circulé un montage mettant en parallèle des extraits de « La La Land » et les extraits des films musicaux hollywoodiens qui leur ont servi de modèles.
Si l'on ne se focalisait que sur ce petit jeu des comparaisons, on serait en droit de n'accorder au film de Damien Chazelle qu'un timide satisfecit. Hormis la scène d'ouverture de « La La Land », qui méritera d'être citée dans les anthologies, et peut-être la scène quasi finale (qui s'inspire clairement d' »Un Américain à Paris »), rien, dans le film de Damien Chazelle, n'atteint le niveau d'excellence des grandes comédies musicales des années 40 et 50. Le gros défaut de « La La Land », il faut bien le dire, ce sont ses deux acteurs principaux : Ryan Gosling et Emma Stone. Ni l'un ni l'autre ne sont en mesure de rivaliser avec leurs illustres aînés : le premier fait bien pâle figure si on le compare à Fred Astaire ou Gene Kelly, la seconde paraît bien pâlotte en regard d'une Ginger Rogers ou d'une Judy Garland.
Pourtant, malgré ce défaut et bien que je sois un fervent admirateur des acteurs et actrices que je viens de nommer, le film de Damien Chazelle m'a plutôt séduit : le réalisateur a su pallier les manques de ses deux acteurs principaux (qui, sans être ridicules bien sûr, ne sont ni l'un ni l'autre, des virtuoses du chant ni de la danse) par un sens aigu de la mise en scène et par de séduisants choix musicaux. Les décors m'ont paru judicieusement sélectionnés et, surtout, j'ai été impressionné, à plus d'une reprise, par d'impressionnants mouvements de caméra. Tout cela donne au film, dans ses épisodes musicaux, un rythme et une apparence des plus plaisants.
Enfin, ce qui augmente de beaucoup l'intérêt que suscite « La La Land », c'est qu'il déborde de beaucoup le cadre de la simple comédie musicale. On n'a pas affaire (pas uniquement en tout cas) à un film hommage qui sentirait la naphtaline. En racontant l'histoire de Sébastien (Ryan Gosling), un pianiste de jazz, et de Mia (Emma Stone), une serveuse de bar qui caresse l'espoir de devenir actrice, Damien Chazelle veut faire se confronter deux mondes : celui du rêve dont j'ai déjà parlé et celui des dures réalités de l'existence. Les deux se heurtent sans vraiment se rencontrer. Pour aller du côté du rêve, il faut, par exemple, trouver refuge dans un observatoire astronomique et s'échapper vers les étoiles. Mais il faut bien aussi, tôt ou tard, retomber sur terre, retrouver les réalités de la vie quotidienne et déchanter. Dans le monde du rêve, la romance peut unir sans fin Mia et Sébastien, mais en est-il de même dans la vie réelle ? Rien n'est moins sûr.
Le plus souvent applaudi et acclamé, « La La Land » a néanmoins été également accueilli ça et là par des critiques des plus sévères. Je le comprends et j'ai moi-même souligné les limites du film. Cependant, à mes yeux, ce sont les qualités qui l'emportent sur les défauts, qualités de mise en scène, de choix des décors, de choix musicaux et d'inventivité du scénario, et c'est pourquoi je lui accorde volontiers mon satisfecit.
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