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Forum : La Splendeur des Amberson

Sujet : Un film malade


De dumbledore, le 14 septembre 2004 à 19:19
Note du film : 5/6

Voilà un film malade. L'histoire de ce film remplirait des pages et des pages et pourraient même faire l'objet d'un film tant on y retrouve de la passion, de la traîtrise et tous ces ingrédients dont raffole Hollywood.

Pour faire court, disons juste que le film fut retiré à Orson Welles au moment du montage, que l'execution de ce montage a été confié à son assistant monteur (Welles montait ses films lui-même, un peu comme David Lean). Que ce jeune monteur s'appelle Robert Wise et qu'il sera lui-même un grand réalisateur par la suite ne change rien. Le film est malade et ça se voit, amputé même de plus d'une demi-heure et gratifié d'un happy ending écoeurant et stupide.

Au départ, un scénario extraordinairement passionnant, tout droit sorti d'un livre écrit par Booth Tarkington. La petite histoire prétend que le personnage central du livre, un enfant surprotégé, pourri gaté serait Orson Welles lui-même, l'auteur du livre ayant connu la famille Welles alors qu'Orson n'était encore qu'un petit enfant idéalisé. Belle légende en tout cas.

L'histoire du film est celle d'une chronique sur plusieurs dizaines d'années des amours de Eugène Morgan pour la riche héritière du clan Amberson, Isabel. Alors qu'ils sont encore jeunes et fougueux, Isabel n'épouse pas celui qu'elle aime (autrement dit, fait un mariage de raison). Vingt ans plus tard, faisant fortune dans le monde de l'automobile, Eugène Morgan revient et son amour pour Isabel est ravivé, devient même possible à la mort du mari d'Isabel. Seulement le fils, possessif, refuse ce bonheur à sa mère, l'interdisant d'épouser Eugène.

On comprend bien évidemment l'intérêt de Welles pour l'histoire. Comme pour Citizen Kane, on suit le parcours d'un enfant. Au départ, on a le même enfant que Kane, seulement lui reste avec sa mère riche et possessive, il ne le lui est pas arraché pour être mis entre les mains d'un Thatcher-Teacher. Il reste l'objet d'une mère, fixé bien avant le stade de l'oedipe. Par ce film, Orson Welles répond finalement à ceux qui disent de Kane "Charles aurait du rester avec sa mère, il aurait été heureux". Non nous répond Welles. Ca aurait été pire. Et la psychanalyse lui donne raison. On peut parier que Charles Foster Kane a vécu de bien meilleurs moments que George.

On retrouve aussi le goût de Welles à suivre des personnages sur des générations, pour les voir évoluer. Ici, il rajoute une dimension supplémentaire et un propos différent: il montre une famille qui n'évolue pas, qui se coupe peu à peu du monde et qui s'assèche alors que la famille Morgan elle s'épanouit. Chronique d'une mort annoncée pourrait on dire et à cet égard, le film est d'une noirceur terrible qu'aucun autre film de Orson Welles n'atteindra… Noirceur que ne ressentira avec force que ceux qui s'identifieraient trop avec le cas Amberson.

La construction des personnages possède la même brillance que dans Kane.Le personnage de George d'abord, enfant pourri gâté est à la fois d'un comique irrésistible et suscite de la part du spectateur une haine farouche. Orson Welles prend plaisir à le ridiculiser et ne s'en prive pas. Il a comme double machiavélique une Fanny, personnage haut en couleur, acariâtre, manipulatrice et pourtant humaine et souffrante. Pour jouer Eugène Morgan, on retrouve l'alter-ego, l'ami de toujours de Welles, Joseph Cotten toujours aussi discret et toujours aussi bon. Il incarne un personnage d'une sagesse rare et appréciable, personnage de sage qui a une longueur d'avance sur tout le monde.

Tout était là dans ce film pour faire un chef d'oeuvre au moins égal à Kane. La mise en scène était là et on la remarque surtout dans les plans séquences qui faisaient la force et la particularité de Orson Welles et dont Citizen Kane était exclusivement fait. Les meilleurs scènes du films sont ces scènes en plans séquence. Tout le reste est mou, pathétique et bavard. On aurait même tendance à penser que ce qui a été refait et retouché, ce sont justement ces scènes découpés, en champs contre champs et que le reste seulement est wellessien…

Que ce film fait mal au coeur!!!


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De terence7510, le 15 septembre 2004 à 00:57
Note du film : 6/6

Il est difficile de laisser passer sans réagir que "Le personnage de George" serait "un enfant pourri gâté, à la fois d'un comique irrésistible et suscitant de la part du spectateur une haine farouche. Orson Welles prend plaisir à le ridiculiser et ne s'en prive pas."

Au contraire je pense que Welles dirait que c'est le personnage qui le représente et qu'il équivaut par exemple à celui de Falstaff. Cet enfant n'est en effet pas pourri, il est NOBLE. Et sa noblesse, issue de sa richesse, constitue son identité. Il dit bien qu'il est incapable de travailler et à ce titre il ne comprend pas du tout les questions qui lui pose Ann Baxter : vous allez faire quoi plus tard ? Rien Je suis Ambersons.. Il lui suffit d'être. Et ce que montre Welles, c'est comment cette noblesse ne résiste pas à l'accélération de la société. Au début du film, le fils Ambersons file à fond de train et dépasse tout le monde. Et puis l'automobile le rattrape et le dépasse et il finit par d'abord étouffer, puis se faire écraser au sens propre… S'il y a un aspect comique, le personnage d'Ambersons tout de même est d'essence tragique au plus haut point, par la faute de ne pas comprendre l'intérêt de l'automobile, il tombe dans le malheur.

Le personnage détestable, ambitieux, qu'on pourrait comparer à celui des filles du Roi Lear, c'est celui de Joseph Cotten, qui construit des automobiles tout en sachant qu'elles vont rendre le monde laid, et qui convoite Mme Ambersons pour s'attribuer une noblesse qui ne lui appartient pas. Je ne vois pas tellement en quoi il est sage, à part comprendre que ce qu'il fait est tout sauf noble et qu'il le dit lui-même.

Welles montre bien qu'il s'adapte tout le temps, il suit la mode. Les Ambersons ne suivent aucune mode, ils sont là pour pérenniser les choses .

Ce qui fait qu'effectivement la fin montée par Robert Wise (grand réalisateur, ça je demande à voir…) est grotesque et qu'il suffit d'écouter la musique, de regarder la profondeur des plans qui disparaît complètement, et l'aspect mélodramatique pour comprendre que la fin voulue par Welles ce n'était pas cela. Une fois ruiné et condamné à travailler, Ambersons mourrait écrasé et la tante finissait folle dans un asile où la radio distillait un humour infame. C'était cela la fin.

Pour bien faire, il faudrait tenter de reconstituer par des dessins, en story board commenté, (en respectant le système des profondeurs :

) tout ce qui manque et que les studios ont irrémédiablement jetés puisque Welles a laissé au moins le scénario. Je pense notamment à la fête du début du film, où l'on parlait des olives…

Les Américains évidemment n'ont pas supporté l'image que ce film donnait de leur civilisation, ce qui explique sans doute ce massacre effectif. Il m'a semblé retrouver quelque chose d'un peu semblable, bien que le film soit très différent dans : celui par qui le scandale arrive de Vincente Minnelli.


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De spontex, le 15 septembre 2004 à 08:57

Pour Robert Wise, on pourrait se mettre d'accord sur la qualité du Jour où la Terre s'arrêta, de West Side Story, Nous avons gagné ce soir et de La Mélodie du Bonheur ? Sans oublier La Maison du Diable, la Canonnière du Yang-Tsé et Je veux vivre ? Allez, signe là : "Je, soussigné terence7510, reconnais que Robert Wise est un grand réalisateur !"


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De terence7510, le 16 septembre 2004 à 18:32
Note du film : 6/6

West Side Story, je l'ai revu et je ne trouve pas la mise en scène extraordinaire, loin de là, le rythme s'étouffe. Non ce n'est pas John Huston, ce n'est pas Howard Hawks, ce n'est pas John Ford, encore moins Vincente Minelli etc… c'est un bon faiseur, un bon illustrateur qui fait de beaux livres d'images quoi. Des films, je suis plus dubitatif Voilà.

La mélodie du bonheur c'est pareil, c'est charmant, c'est un beau livre d'image assez sucré et sympathique au demeurant, mais si l'on devait comparer avec les quatre cavaliers de l'apocalypse bon ben, ce n'est pas la même dimension quoi.


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De Impétueux, le 18 juillet 2013 à 23:20
Note du film : 3/6

C'est entendu, et assez rappelé ici et là, ce que nous voyons n'est pas le film, plus long et plus pessimiste que Welles souhaitait présenter. C'est entendu aussi, Welles a inventé (ou utilisé avec un grand bonheur) pour le cinéma des tas de trucs formidables : la voix off, le chœur renouvelé de l'Antique, la profondeur de champ, la contre-plongée, le fondu à je ne sais quoi et sûrement une kyrielle d'autres prouesses absolument formidables.

Mais qu'est-ce que c'est ennuyeux ! Qu'est-ce que c'est extérieur à tout sentiment, à toute émotion ! On a vraiment l'impression de regarder une épure géométrique qui se serait donné des airs de film (je ne suis sûr ni d'être scientifiquement correct, ni d'être compris, mais c'est ainsi que je ressens la chose). Aucun des personnages ne paraît avoir de la chair, de la substance, de la chaleur et on regarde une pauvre histoire qui se veut parabole de l'inadaptation d'une famille à la modernité avec un bâillement d'ennui.

Et puis on n'y comprend pas grand chose (ou alors j'ai dû m'endormir pour de micro-sommes à des moments décisifs). Pourquoi Isabel (Dolores Costello) n'épouse-t-elle pas Eugène Morgan (Joseph Cotten) ? Simplement parce qu'il s'est cassé la figure sur une contrebasse alors qu'il s'apprêtait à lui donner une aubade ? (On se fiche de qui, là ?) Pourquoi les jeunes gens qui sont si manifestement amoureux, Lucy Morgan (Anne Baxter, bien mignonne, soit dit en passant) et George Minafer (Tim Holt) font-ils alternativement mine de se bouder ? Pourquoi les Amberson finissent-ils ruinés ? Il se peut qu'une version plus longue et plus complète donne la solution à ces énigmes, mais finalement on se fiche vraiment de le savoir, tant le destin de tous ces gens indiffère…

On ne sait pas trop où le film se passe. Sans doute dans une de ces bourgades supérieurement guindées où des familles sans passé mais avec un avenir sonnant et trébuchant singent les mœurs de la vieille Europe en ajoutant de fortes doses de vertu ombrageuse et un souci de la respectabilité qui les rendent un peu pitoyables. On voit bien que ce n'est pas trop loin du Sud patricien puisque les serviteurs stylés sont à peu près tous des Noirs affranchis, mais demeurés fidèles à leurs maîtres. Tout est faux-semblant et on ne parvient pas une seconde à imaginer que deux êtres puissent s'aimer en se retrouvant, vingt ans après, alors que rien de sérieux ne s'opposait vraiment à leur union, vingt ans avant…

Orson Welles a toujours bénéficié d'une extraordinaire aura auprès de la critique et a enchaîné bide sur bide devant les spectateurs, décontenancés, sans doute par sa façon révolutionnaire de filmer, mais sans doute plus encore par la froideur intellectualiste qui émane de ses films. C'est ce que je me dis avant d'aller regarder peut-être un jour Mr. Arkadin qui, au cinéma, m'avait, en des temps très anciens, laissé une impression plutôt favorable. Mais j'étais jeune alors, et la renommée m'impressionnait. Ce n'est plus le cas…


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De DelaNuit, le 19 juillet 2013 à 10:49

Film vu il y a longtemps, qui ne m'avait pas emballé. L'oeuvre d'Orson Welles a toujours suscité la polémique… La soif du mal ou La dame de Shanghai me semblent nettement plus réussis.


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De vincentp, le 19 juillet 2013 à 21:49
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Le cinéma de Orson Welles est effectivement très particulier. On peut selon son humeur de spectateur louer ses innovations formelles, son ambition thématique, ou bien trouver à son oeuvre un parfum de mégalomanie ou de grandiloquence (ex : Le procès). Selon ses films, j'ai ces deux perceptions (avis développés sur ce forum). Par ailleurs, je n'ai absolument rien compris à La dame de Shanghai, ayant confondu plusieurs personnages !

Tiens, les films auxquels on n'a rien compris… Y figurent également, en ce qui me concerne, Les enfants du paradis et aussi Moonfleet. J'ai revu une fois ce film de Fritz Lang à la cinémathèque, peut-être un peu fatigué, il y a quatre ou cinq ans. Je n'y ai strictement rien compris. Je l'ai revu ensuite à nouveau et ai pigé pourquoi. Moonfleet est un film d'une extrême densité, qui développe beaucoup d'idées en un minimum de temps. J'avais simplement perdu le fil et ai été largué. Et dire que c'est un film qui est censé être destiné aux enfants…


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