Si l'on en croit le merveilleux dialoguiste
Henri Jeanson, il n' y a qu'une chose à retenir de
Roger Richebé, c'est son surnom :
Pauvre con… Curieux, pour le moins, dans la bouche du flamboyant plumitif de
Hôtel du Nord
ou de
Marie-Octobre.

Il s'agirait de plusieurs bévues commises par le réalisateur, alors qu'il faisait dans la production. Il n'empêche que
Roger Richebé a quand même bien ponctué le cinéma français des années 30/50 de quelques films assez (?) bien sentis, même si aujourd'hui dispersés dans l'oubli quasi-général d'un public ingrat. Je ne sais pas si la production n'a pas réussi vraiment à ce cinéaste quelque peu inconsistant, mais si je me fie à ce que je viens de voir, bien lui en a pris de laisser les manettes de
Fanny
à l'excellent
Marc Allégret
et d'en rester à ses comptes. Parce que même si
Roger Richebé a fait tourner, avec plus ou moins de bonheur, les plus grands, ce
Gibier de potence
(nous parlons du film !) n'incite guère à se pencher plus en avant sur les films prodromiques ou ultérieurs de son réalisateur. Un scénario guère emballant que des acteurs fort brillants essaient de mener à son terme. Une adaptation d'un livre de
Jean Louis Curtis que
Jean Aurenche,

excusez du peu, n'a pas eu l'heur de bien maitriser. Ou alors, le livre était mauvais…
Arletty,

que
Richebé dirigea dans
Madame sans-gêne
où elle put laisser sa gouaille légendaire enchanter dans sa tombe le grand
Victorien Sardou
est ici une mère maquerelle toute en beauté et au sourire vénal. Mais qui n'a plus grand chose à prouver au septième art et qui le fait savoir via une espèce de détachement agacé. Et, de ce fait, on est en droit de se demander si c'est notre
Garance nationale qui manquait de liquidités ou notre réalisateur qui se jeta à ses pieds, l'implorant d'accepter ce rôle. Mais ce n'est pas l'emploi d'
Arletty
de ne pas aimer…
Parce que si
Arletty
est bien là, elle n'y est pas étincelante ! Et
Arletty
en Célestine pourvoyeuse, ça ne le fait pas. Mais alors pas du tout. Elle a beau nous rejouer ses effets de coudes et ses hochements de tête légendaires, on n'y croit pas une seconde. Elle reste fort belle mais bien d'autres actrices moins emblématiques auraient largement fait l'affaire. On a, tout le long de ce film, l'impression de l'avoir dérangée pour rien… Serait-ce la présence (et quelle présence !) du Tarzan
Georges Marchal
qui l'incita à faire ce film ? Car lui s'impose avec un certain talent. Entre
Les Derniers jours de Pompéi,

version
Marcel L'Herbier,

qui nous dévoile un bien beau mec et
Les Trois mousquetaires
de
Hunebelle
où il impose sa raillerie persiflante, ce
Gibier de potence
lui fait sortir la carte de la pudeur. Il sait parler aux femmes puisque gigolo mais reste un enfant et ne manque pas de le rappeler… Et il le rappelle souvent à
Nicole Courcel,

qui lui redonne l'envie d'aimer vraiment, d'autant qu'elle n'est pas encore, toute timide, la
femme
de
Robert Lamoureux.

Et c'est beau un homme fragile…
Mais ce film est décousu, par trop désordonné. Les dialogues n'y brillent guère et la trame de l’œuvre part dans tous les sens. C'est filmé mollement. Les multiples flashbacks nous la jouent "
il s'en est passé des choses" mais point de suspense ni de surprises dignes de ce nom. La légèreté frivole de
Domino
est absente alors que la noirceur de
Prisons de femmes
menace trop souvent et trop fort avant que de tomber à l'eau. Une histoire de gigolo qui gagne sa vie sous la haute autorité de sa "patronne" qu'il finira par tuer parce que le petit garçon qui sommeille se rappellera qu'il existe une autre vie… Ça peut faire pleurer dans les chaumières : Mais ce sont beaucoup de talents employés,
Pierre Dux,
Mona Goya
entre autres, qui encadrent les deux vedettes, à pas grand chose …D'où, peut-être cette impossibilité de "classer"
Richebé. Comme un
Duvivier
ou un
Carné.

Il s'éparpille trop. Jusqu'à l'intérieur de ses films. Pas de "patte"
Richebé. Mais de là à le traiter de
pauvre con, quand même…