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Forum : Journal d'une femme en blanc

Sujet : Film à thèse bien fichu


De Impétueux, le 20 mai 2016 à 14:53
Note du film : 4/6

On n'a pas attendu Urgences ou L'hôpital et ses fantômes (ni le feuilleton français Le chirurgien de Saint Chad avec Jean-Claude Pascal) pour présenter au public un monde qui le fascine, celui des hôpitaux, de la juxtaposition de la misère humaine, de la technologie de pointe, de l'impérialisme des médecins, des intrigues sentimentales entre internes et infirmières, en bref un monde d'histoires qui peuvent se multiplier, s'entrecroiser, s'enrichir les unes des autres, foisonner à l'infini. Jalousies professionnelles, ambitions glorieuses, chansons de salles de garde, cas sociaux, fragiles espérances coupées à vif, familles accablées, agonies terrifiantes… Tout y est.

Deux films français me viennent en tête, sur l'atmosphère fourmillante de l'hôpital : Un grand patron d'Yves Ciampi et 7 morts sur ordonnance de Jacques Rouffio, deux grands succès, l'un mettant en valeur l'excellence et le dévouement des équipes médicales, l'autre jetant un regard amer sur les manœuvres d'envie, de rumeurs, de haine dans le milieu clinicien.

Le journal d'une femme en blanc participe beaucoup de cette veine et jette un regard intéressant sur la vie d'un service de gynécologie à La Pitié-Salpêtrière pour une bonne partie de son récit. Farces et drames, violences et passions, tout cela est mis en scène avec efficacité par Claude Autant-Lara à qui on ne peut reprocher de ne pas savoir son affaire en matière de rythme et de découpage des séquences. C'est plaisant et documentaire.

On ne doit pas beaucoup se souvenir aujourd'hui du succès considérable qu'avait rencontré l'écrivain-médecin André Soubiran avec sa série des Hommes en blanc (6 volumes publiés entre 1949 et 1958) dont fut d'ailleurs adapté un film par Ralph Habib en 1955. Je ne me rappelle pas qu'au delà de l'anecdote il y avait dans cette saga un discours militant.

Ce qui est en revanche le cas dans Le journal d'une femme en blanc consacré aux questions de la régulation des naissances et de l'avortement.

Suite logique d'un regard déjà donné à la condition féminine et à la sujétion à une sorte de fatalité traditionnelle ; déjà en 1957 Le cas du docteur Laurent de Jean-Paul Le Chanois avait évoqué les techniques d'accouchement sans douleur. Avec Le journal d'une femme en blanc, journal qui est celui d'une jeune étudiante en médecine, Claude Sauvage (Marie-Josée Nat), confrontée, au cours d'une année à plusieurs situations de grossesse difficiles et, surtout, à l'avortement clandestin et raté d'une jeune femme, Mariette (Paloma Matta), qu'elle prend en affection, soigne, mais dont elle ne peut éviter la mort à la suite d'une septicémie et d'une attaque de tétanos.

Son parcours engagé en faveur du contrôle des naissances se croise avec les cheminements de sa vie privée, des désirs qu'elle suscite et ressent au milieu de ses jeunes confrères, Landeau (Jean-Pierre Dorat) et Pascal (Jean Valmont). Elle repousse le premier, cède au second, en devient enceinte. Mais plutôt que d'accepter la proposition de Pascal qui souhaite (sans se savoir père) l'épouser et l'emmener avec lui au Maroc où il va prendre la direction d'une clinique, elle choisit de garder son enfant et de se consacrer toute entière à la médecine. (La suite de la vie de Claude Sauvage donnera lieu à Une femme en blanc se révolte en 1966).

Le film est un peu trop didactique, manque plutôt de nuances, mais il est efficace, quelquefois convaincant. Il y a des moments d'émotion, des moments d'inquiétude dont plusieurs sont réussis.

Ainsi la scène de l'accouchement d'une parturiente qui, à 40 ans, accouche de son sixième enfant et maudit son mari qui ne sait pas y faire (mais, à sa sortie de la maternité, au bras de son mari penaud, qui met ça sur le compte du printemps qui revient chaque année elle lance, résignée, qu'on la reverra sans doute l'an prochain) est très réussie, avec une infirmière pincée, la jeune Claude Gensac (la future femme du Gendarme de Saint Tropez).

Ainsi les longues séquences où la maladie s'empare de la petite Mariette, la lutte contre l'abominable tétanos, les tentatives désespérées de tout le service pour la sauver, jusqu'à l'arrêt cardiaque…

Les scènes sentimentales sont moins réussies, un peu convenues, bien que Marie-Josée Nat y mette une réserve et une grâce que je ne lui connaissais pas vraiment… Et les aboiements des méchants natalistes, le ton rogue du policier (Daniel Ceccaldi) qui vient enquêter sur l'avortement de Mariette – alors pénalement un crime – me semblent aussi un peu forcés.

Amusant, en tout cas, de se voir confirmer que Claude Autant-Lara demeurait un sacripant ! La bien-pensance unanime avait brûlé symboliquement Douce, Le diable au corps, L'auberge rouge, Le blé en herbe, En cas de malheur, la jument verte, Les régates de San Francisco… elle pouvait continuer avec les deux Femme en blanc.

Et puis tout le monde cracha sur Claude Autant-Lara, y compris l'Académie des Beaux-Arts, dont il était membre et qui lui interdit de se rendre désormais sous la Coupole lorsqu'il prit la tête de la liste du Front national aux Européennes de 1989. Rigolo, n'est-ce pas ?


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