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Curiosa


De poet75, le 23 mai à 21:18
Note du film : 5/6

Deuxième des trois filles du poète José-Maria de Heredia (1842-1905), Marie (1875-1963) prit pour époux un autre poète, Henri de Régnier (1864-1936), avant de devenir la maîtresse d’un troisième poète (et romancier), Pierre Louÿs (1870-1925). Son mariage, elle l’accepta à contre-cœur, dans le but de pouvoir aider son père à éponger ses dettes. Quant à son amant Pierre Louÿs, elle fut irrésistiblement attirée par lui, malgré (ou peut-être à cause de) sa réputation d’érotomane qui se délectait à s’entourer de jeunes femmes dont il se plaisait à faire des photographies érotiques.

Cette histoire, tout à fait authentique, aurait pu donner lieu à un film à l’érotisme chic ou choc, ce qui, qu’on le veuille ou non, ne génère que de grosses doses d’ennui. Or Lou Jeunet a eu le bon goût de faire autre chose ou, en tout cas, de ne pas s’enliser dans une enfilade de scènes polissonnes. De l’érotisme, bien entendu, il y en a, difficile de faire autrement, mais si le film suscite de l’intérêt, et même beaucoup d’intérêt, c’est parce qu’il questionne intelligemment le mystère des relations humaines, y compris quand elles prennent une tournure extrêmement sensuelle. Contrairement à « Dernier Amour », le film terriblement académique de Benoît Jacquot sur Casanova, ici tout est finement surprenant et donc jamais ennuyeux.

On ne peut pas ne pas s’interroger, en voyant ce film, au sujet du personnage d’Henri de Régnier, qui ne tarde pas à découvrir que sa femme le trompe et qui, hormis lors d’une première réaction assez brutale, semble s’installer dans une sorte d’acceptation du fait accompli, même quand Marie met au monde un enfant dont il sait qu’il n’est pas le père. Il en vient même à une forme de complicité avec l’amant de sa femme lorsque, avec l’accord de ce dernier, il espionne leurs ébats par mur interposé.

On ne peut pas non plus ne pas s’interroger au sujet des deux amants. Marie de Régnier semble aimer sincèrement Pierre Louÿs, et même follement, et pourtant son attitude et ses réactions ne laissent pas d’être surprenantes, par exemple lorsqu’il est question de l’éventuel mariage de sa sœur Louise avec son amant. Quant à ce dernier, c’est une énigme vivante. Que cherche-t-il en vérité ? Qu’y a-t-il au fin fond de lui ? Seulement de l’érotomanie ? Ou une véritable capacité d’aimer, malgré tout ? Difficile de le dire précisément.

La réalisatrice a le bon goût de ne jamais donner de réponses simples à ces interrogations et c’est ce qui rend véritablement passionnant ce film. Sa mise en scène est toujours juste, convaincante, même et surtout lorsqu’elle se pare de quelques anachronismes qui ne choquent nullement. Quant à Niels Schneider dans le rôle de Pierre Louÿs et, plus encore, à Noémie Merlant dans le rôle de Marie de Régnier, ils sont parfaits. Cette dernière excelle particulièrement à jouer son personnage sans jamais lui ôter quoi que ce soit de la palette de ses ambiguïtés.


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