Vera Chytilova, inspirée par une grande conscience humaniste qui appelle le spectateur en poser en parallèle les puériles conneries commises par ses deux héroïnes et la brutalité intrinsèque du monde, prétend nous questionner (c'est bien le mot qu'ils disent, non ?). Comment peut-on prendre la vie au sérieux pendant que tant d'horreurs nous accablent ? Doux Jésus, quelle innovation de pensée ! Quelle redoutable intuition ! Quel magnifique coup de poing porté aux idéologies !
Donc deux péronnelles qui s'ennuient, deux parasites inutiles, plutôt bien gaulées mais qui semblent n'avoir pas lu trois livres dans leur vie (remarquez, ça nous change des héroïnes de Godard) décident de devenir dépravées pour manifester, proclamer haut et fort leur propre inutilité et, c'est sous-entendu, le mépris qu'elles ont pour le monde. L'une et l'autre s'appellent Marie ; il y a Marie 1 (Jitka Cerhová, la brune) et Marie 2 (Ivana Karbanová, la blonde) : on n'en saura pas beaucoup plus : ce sont des images, des figures, des symboles, des allégories, des faux-semblants, des archétypes : l'époque voulait cela. Et les deux insignifiantes décident de devenir mauvaises ; idioties minables, séduction sans aboutissement de trois ou quatre barbons ridiculisés et grugés, refus de toute règle, destructions systématiques. Ça dure, ça dure… Et cela avec tous les tics les plus enfantins des révolutionnaires de la pellicule : le film apparaît en noir et blanc, puis en couleurs, puis teinté de brun, de vert, de bleu, de rouge, de tout de ce que l'on veut. Il faudrait qu'un admirateur du film bâtisse une thèse d'État en 500 pages pour expliquer, justifier, ces changements de nuances : peut-être ont-elles un sens, après tout ? Le film n'est pas long – 1h14 – mais il est interminable. Les deux filles – dont le minois et la tournure, j'y reviens, ne sont pas désagréables – fatiguent par leur puérilité niaise. À la fin, voilà qu'elles saccagent consciencieusement, avec une grasse volupté, tous les plats préparés d'un banquet. Elles se déshabillent, salissent, polluent la pièce jusqu'à ce qu'un gigantesque lustre leur tombe sur la tête. Proches de disparaître, elles proclament qu'elles vont s'amender. Bernique !Je ne mets pas en cause la bonne foi de ceux qui ont apprécié le film qui, il est vrai, tranche par son originalité sur la plupart des productions de l'époque. Mais enfin, cette originalité mise à part, qu'est-ce qui peut bien rester des Petites marguerites ?
Comme la voix d'un autre monde
Très beau film effectivement. Félicitons RdT pour sa perspicacité. Les petites marguerites explore toutes les possibilités offertes par le cinéma : formes et mouvements, gestuelle, dialogues, montage, couleurs aussi… Très réussi, et surtout ce film n'est pas daté, ni propre à la culture tchécoslovaque : il est de portée universelle. Point intéressant : le fait de mixer des aspects de comédie avec des pointes politiques (assez énigmatiques par moment).
Toutefois, il s'agit non pas d'une critique contre la société de consommation (avis de RdT) mais d'une attaque en règle contre les normes figées du marxisme-léninisme. Les deux jeunes filles changent de tenue comme des jeunes filles frivoles occidentales, par exemple. Mais tout est bâti autour de cette idée. Chitylova comprit et exprima en son temps l'idée que le communisme, doctrine totalitaire, contraire absolu de la nature humaine qui aspire à un idéal de liberté, était voué à disparaître.
Nb : les divers fils consacrés à ce film gagneraient à être assemblés en un seul.
Page générée en 0.0038 s. - 6 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter