L'habileté du film de Claude Miller est d'entrer lentement, très lentement dans la folie de David Martinaud, d'en dessiner peu à peu les contours de plus en plus visibles dans l'aliénation, dans l'obsession, dans la délectation morose. Il ne sombre pas peu à peu dans la folie : il est fou d'emblée et simplement sa folie va progressivement s'incruster sur l'écran.
Survient à ce moment là la piquante Juliette (Miou-Miou) dont on ne saura jamais (autre faiblesse du film) qui elle est, d'où elle vient, comment elle peut se procurer tant d'enseignements sur la vie de Martinaud ; toujours est-il que la jeune femme s'attache à son voisin de palier, sous le regard complice, bienveillant et extraordinairement décalé de M. Choin (Claude Piéplu fulgurant, comme toujours) concierge gastronome et sentencieux de la maison où vivent les protagonistes dans la petite ville sale, décrépite, pluvieuse et fictive de Boissy (Isère). Tout cela va aller vers le pire : les péripéties se succèdent, la violence ne fait que monter et les catastrophes d'intervenir. Mais, comme on l'a dit il aurait fallu arrêter le film à partir du moment où Martinaud a tout saccagé, assassiné Juliette et incendié le nid d'amour qu'il avait aménagé pour Lise. Après la révélation ambiguë de l'impuissance d'un homme qui a tant idéalisé l'image de son amour d'enfance qu'il est incapable d'avoir une vie normale.Râblé, bien composé, rythmé, souverainement interprété, Dites lui que je l'aime ne méritait certainement pas de ne pas trouver son public.
Film sur l'obsession morbide, plutôt que sur la passion amoureuse, Dites lui que je l'aime doit beaucoup à l'interprétation du jeune Depardieu, qui traduit sobrement, sans effet, la démence de son Martinaud. Sous la carapace de petit employé binoclard, se cache un monstre amoureux, capable de violence, prêt à tuer quiconque se mettra entre lui et l'objet de son amour irraisonné. En présentant celle-ci sous les traits de Dominique Laffin, effacée, passive, pour tout dire assez ennuyeuse, Miller démontre que l'obsession de Martinaud se suffit à elle-même, et que Lise n'est qu'un prétexte, un objet de culte abstrait. Les seconds rôles sont parfaits : de Piéplu en concierge grotesque, à Clavier en obsédé sexuel. On aperçoit une jeune et mince Balasko, dans la boîte de nuit.
Maîtrisé et subtil, Dites lui que je l'aime rate sa sortie. Il paraît évident que le film aurait dû s'achever dans la maison en flammes, et que l'épilogue à la piscine est lourd, emphatique, superflu. Dommage que Miller après des films aussi originaux que La meilleure façon de marcher, Garde à vue ou Mortelle randonnée, n'ait finalement pas tenu la distance.
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