Musashino-Fujin (La Dame de Musashino) est réalisé en 1951 par Kenji Mizoguchi, sur un scénario de Yoshikata Yoda, adapté d'un roman de Shohei Hooka. A la fin de la seconde guerre mondiale, un jeune soldat démobilisé (Akihiko Katayama) développe une idylle impossible avec une femme mariée plus âgée que lui (Kinuyo Tanaka). Le cadre du récit est la campagne édénique de Musashino jouxtant Tokyo, alors totalement préservée du développement urbain voisin. Il est question du mouvement politique libéral progressiste pour lequel milite le mari, professeur en université, traducteur local de l'oeuvre de Stendhal, admirateur du personnage de Julien Sorel. Des relations humaines compliquées, portant sur des divergences matérielles, idéologiques et affectives se nouent entre ces protagonistes et leurs voisins. Elles sont traitées avec une grande pudeur, sobrement, sans effet lacrymal, les ingrédients mélo-dramatiques sont sous le total contrôle de Yoda et de Mizoguchi.

Musashino-Fujin aborde également avec une grande finesse d'autres sujets universels comme le temps qui passe, les rapports entre les générations, entre la ville et la campagne. Pour chaque sujet est employé une forme spécifique (rythme, photographie, musique). De longues déambulations champêtres au bord des champs et de l'eau, sous des arbres majestueux, confère à l'idylle une dimension que l'on pourrait qualifier de "cosmique". Le cinéaste déroule de longs plans-séquences indétectables qui portent l'oeuvre cinématographique comme des vagues amènent l'élément liquide au bord d'un rivage (caractère dit "organique"). Musashino-Fujin comme Oyu-Sama (Miss Oyu), également daté de 1951, sans être totalement parfaits, sont très aboutis, et marquent le point de passage pour Mizoguchi au statut de très grand cinéaste. Entre Miss Oyu et La rue de la honte (1956), se succèdent onze chefs d'oeuvre en six ans, soit une performance artistique exceptionnelle.

Musashino-Fujin (The Lady of Musashino) is directed in 1951 by Kenji Mizoguchi, from a screenplay by Yoshikata Yoda, adapted from a novel by Shohei Hooka. At the end of World War II, a young demobilized soldier (Akihiko Katayama) develops an impossible romance with a married woman older than himself (Kinuyo Tanaka). The context of the story is the Edenic countryside of Musashino adjoining Tokyo, then totally preserved from neighboring urban development. It is about the liberal progressive political movement for which the husband militates, professor in university, local translator of the work of Stendhal, admirer of the character of Julien Sorel. Complicated human relations, bearing on material, ideological and emotional differences are formed between these protagonists and their neighbors. They are treated with great modesty, soberly, without tear effect, the melodramatic ingredients are under the total control of Yoda and Mizoguchi.

Musashino-Fujin also tackles with great finesse other universal subjects such as the passage of time, the relationships between generations, between the city and the countryside. For each subject, a specific form is used (rhythm, photography, music). Long rural strolls along the fields and the water, under majestic trees, give the idyll a dimension that one could qualify as "cosmic". The filmmaker unrolls long, undetectable sequences which carry the cinematographic work like waves bring the liquid element to the edge of a shore (so-called "organic" character). Musashino-Fujin as Oyu-Sama or Miss Oyu, also dated 1951, without being totally perfect, are very successful, and mark the point of passage for Mizoguchi to the status of very great filmmaker. Between Miss Oyu and La rue de la nonte (1956), eleven masterpieces succeed one another in six years, that is to say an exceptional artistic performance.