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Rien, rien, rien à sauver...


De Impétueux, le 9 décembre 2014 à 21:56
Note du film : 0/6

En fait, la seule question est celle-ci : doit-on tout éditer ? les billevesées les plus datées, les plus ridicules, les plus ennuyeuses, les plus pontifiantes méritent-elles une exhumation en DVD ou devrait-on les laisser reposer dans l'oubli, comme des épaves sans valeur coulées dès leur sortie du port ? Je penche plutôt pour que, de fait, on puisse se rendre compte de visu que le passé n'était pas forcément plus intelligent que le présent et pour qu'on ne pleure pas sur un âge d'or du cinéma sans solides arguments pour étayer cette opinion (parfaitement justifiée de mon point de vue). Mais ce n'est pas parce que j'ai regardé, effaré, puis goguenard, puis impatient que ça se termine, cette épouvantable nullité que je me permettrais de donner le conseil de se rendre compte par soi-même.

La poupée est un des films les plus ridicules que j'aie jamais vus, un film où il n'y a rien à sauver, pas une image, par une réplique, pas une note de musique. J'espérais un peu que la voix grave et l'intelligence du phrasé de Catherine Sauvage (qui fut la compagne dernière de Pierre Brasseur) me glisseraient dans l'oreille de quoi surnager pendant quelques instants : non : nib de nib, rien du tout, même pas ça.

Remarquez bien que j'étais prévenu : j'avais été au cinéma, en 1963, une des rares dupes qui étaient tombées dans le panneau tendu par la petite réputation du réalisateur, Jacques Baratier et celle, un peu plus éclatante, de son inspirateur romanesque, Jacques Audiberti. Touche-à-tout autodidacte, poète, romancier, journaliste, critique, Audiberti est, il me semble, complètement oublié aujourd'hui, mais l'extrême originalité de sa pensée et de son écriture ont eu un rôle certain dans une ou deux décennies.

Que penseriez-vous si Branquignol ou Hellzapoppin se prenaient au sérieux et prétendaient dynamiter inhibitions sexuelles et conformismes politiques en faisant sauter les structures habituelles du langage, du récit, de la mise en scène et même de l'interprétation ? On peut toujours aller plus loin dans l'iconoclasme, mais il faut avoir de sacrées munitions pour tenir la gageure… je veux bien que la créature emblématique du film, la fameuse Poupée, qui, dupliquée par le professeur Palmas (Jean Aron), un physicien génial adulateur du prolétariat à partir de Marion, maîtresse d'un dictateur sud-américain, soit incarnée par un transsexuel, Sonne Teal ; après tout, il faut bien que tout le monde vive ; mais encore faut-il qu'il y ait du talent au rendez-vous, non pas une sorte de silhouette hallucinée et trébuchante, image blafarde sans épaisseur. Et puis, pour nous seriner que les révolutions ne servent qu'à substituer une classe dominante à une autre, sous le regard complaisant de la finance internationale…

Écrivant ceci, je me demande ce que je pourrais bien dire sur un film, dont la vacuité fondamentale ne laisse rien surnager ; à la lecture du générique (que j'avais évidement oublié, depuis cinquante ans), je me disais qu'il y aurait au moins à sauver quelques visages : Sacha Pitoëff, Michel de Ré, Jacques Dufilho, Gabriel Jabbour, Daniel Emilfork ; hélas ! on dirait que tous ces acteurs de grand talent se sont réservés pour jouer dans La poupée leur plus mauvaise interprétation : chacun d'eux est plus pitoyable que l'autre…

On se dit avec tristesse qu'on a jadis payé sa place, avec son pauvre petit argent de poche, pour voir ça ; on a de la peine pour le jeune homme qu'on était, qui aurait mieux fait, la même année, de voir une autre fois Cléo de 5 à 7, Le caporal épinglé ou Un singe en hiver.


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