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Disons-le : chef d'œuvre !


De Nicoco, le 21 janvier 2013 à 11:08
Note du film : 6/6

C'est une histoire que je ne connaissais pas : celle de ces prisonniers nord irlandais, qui pour protester contre la remise en cause de leur statut de "détenus politiques", entamèrent dans les années 80 une série de mouvements revendicatifs. Ceux-ci furent d'abord symboliques et commencèrent par le refus de porter les vêtements alloués au prisonnier de droit commun. Ils devinrent plus spectaculaires avec la grêve de "l'hygiène" : les détenus ne se lavent plus, et maculent les murs de leur cellule d'exrêments ; ils laissent leur urine s'étaler et couler sous la porte de leur cellule pour gagner et empester le couloir. La conclusion en sera dramatique : une grêve de la faim emportera finalement 10 prisonniers au total. Bobby Sands était leur leader. Il mourra quant à lui d'une grève de la faim entamée 66 jours plus tôt.

C'est un film terrible qui se compose de plusieurs mouvements dans sa narration. La première demi-heure du film est quasiment muette, le spectateur suit en silence des extraits de la triste vie d'un des gardiens de la prison. Il n'aime pas son métier mais fait le job. Ses mains, qu'il plonge dans l'eau chaude, porte les stigmates des violences infligées aux prisonniers (de force, ces derniers sont lavés et leurs cheveux coupés, leurs cellules nettoyés). Il fume sous la neige pendant ses pauses : ce plan fixe reviendra 2 ou 3 fois au cours de cette première partie du film et m'a marqué en raison de sa beauté très froide. Sa vie est réglée comme une horloge, il est méthodique : il prend soin de vérifier sous sa voiture, avant de partir travailler, si une bombe n'y est pas cachée ; sa femme le regarde partir avec angoisse ; il met le contact ; la voiture n'explose pas. Soulagement. Une journée de plus au travail. Le spectateur est aussi plongé dans l'univers carcéral des détenus grâce à des multiples plans-séquences longs et silencieux dont l'objet est surtout de poser une ambiance étouffante et de restituer les conditions de vie inhumaines, mais que s'infligent volontairement ces détenus, les violences et tortures aussi qu'ils subissent. C'est dégoutant et angoissant.

Puis, soudainement et sans prévenir, le moment clé du film, pour ce qui constitue un grand moment de cinéma : le film retrouve la parole avec un plan séquence d'une vingtaine de minutes, un dialogue entre Bobby Sands et un prêtre catholique. Il doit exister des statistiques débiles sur le cinéma et je serais curieux de savoir si cette séquence n'est pas une des plus longues qui existe. La discussion est décousue, ponctuée d'anecdotes et de digressions, les protagonistes tounent autour de sujet avant d'aborder de front la question centrale, celle de savoir s'il vaut vraiment la peine de mourrir pour ses idées, si Bobby n'est pas finalement plus attiré par l'idée de devenir un symbole, un martyr. C'est en effet à ce moment là que Bobby Sands décide d'entamer une grève de la faim dont il connaît alors forcément l'issue devant l'intransigeance du gouvenement britannique à l'égard des revendications de ces détenus.

Ce dialogue et ce flux soudain de paroles contrastent avec la première partie du film. C'est une performance énorme de la part des deux protagonistes que de tenir si brillament leur rôle pendant 20 mn et offrir au spectateur ce moment d'authenticité.

Enfin, la dernière partie est déchirante : on assiste inéluctablement à la mort lente et programmée de Bobby Sands. La transformation progressive de son corps, un homme devient squelette, des plaies purulentes apparaissent sur sa peau. Des soins lui sont apportées mais personne ne lui porte assistance ; les autorités britanniques le laissent mourrir. Car cette séquence est vécue de l'intérieur, Bobby Sands vit son calvaire seul et le spectateur avec lui, sans qu'il soit informé des potentielles répercussions politiques que pourrait avoir son geste. La décomposition du corps, la perte progressive des sens, la souffrance vécue, le passage vers l'au delà, tout ceci est filmé d'une main de maître par le réalisateur, Steeve Mac Queen II, auteur par la suite du très remarqué Shame.

Signalons également la performance hors norme de Michael Fassbender qui a subi pour ce rôle une transformation physique impressionnante.

Aucune fausse note pour ce film qui prend aux tripes et qui a justement récompensé par la caméra d'or au Festival de Cannes 2008. Chef d'œuvre ? Peut-etre bien et c'est pour cela que je décide de lui accorder la note parfaite.

Je serais curieux de connaître l'avis d'autres contributeurs sur ce film qui ne peut laisser indifférent.


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