Comme souvent tout cela se passe au début du 20ème siècle, à une époque où cohabitent engagements scientistes et croyances encore fascinées pour les fariboles légendaires : on se plonge en même temps dans l'expérimentation scientifique la plus rigoureuse, mais on accorde du poids aux vagues idéologies du spiritisme.
Dans une bourgade de Transylvanie (ou d'un ailleurs proche), un jeune artiste peintre, Bruno Heitz (Jeremy Longhurst), amant de la jolie Sasha (Toni Gilpin) est soupçonné d'avoir assassiné sa maîtresse, septième victime, avant de se pendre à un arbre. Son père ((Michael Goodliffe) ), rigoureux professeur de Lettres de l'Université de Leipzig n'accepte pas les explications lénifiantes qui lui sont données par les autorités. Mais il est, lui aussi, frappé par la malédiction de la contrée, après avoir fait appel à son fils Paul (Richard Pasco) pour l'aider à résoudre les nombreux mystères qui volent. Le mystère sera, bien entendu, dévoilé, dans les dernières vingt minutes, qui ne sont pas les meilleures. D'autant que, pour des raisons incompréhensibles, les scénaristes ont mélangé les noms des Erinyes, divinités vengeresses (mais positives) de la mythologie grecque (Mégère, Tisiphone et Alecto) avec les abominables, démoniaques Gorgones (Méduse, Euryale et Sthéno). Toujours est-il que les malheureux qui ne peuvent échapper au regard de la créature maléfique se voient, à bref délai, littéralement pétrifiés.Un lourd secret partagé pèse sur cette malédiction ancestrale : on le comprend assez vite. Mais, même si l'on ne peut pas être tout à fait satisfait du procédé, trop prévisible pour être vrai, on pourra prendre sa quantité de plaisir à ce film des belles années de l'épouvante classique.
Columbia n'a jamais sorti ce film dans les salles françaises (alors que les Belges y ont eu droit) et n'a jamais édité cette Gorgone en dvd alors qu'elle a fait paraître le très faible Les maléfices de la momie. A croire que la filiale française de Columbia a eu peur de se retrouver pétrifiée par le fameux monstre. C'est pourtant un bijou de la Hammer et de Terence Fisher.
Le scénario de John Gilling transpose avec originalité le mythe grec de la gorgone dans l'Europe Centrale du XXe siècle. Certains éléments ont été empruntés à La nuit du loup-garou.
Les inégalables Peter Cushing en méchant scientifique, Christopher Lee, en gentil professeur décidé à découvrir la vérité, et la fascinante Barbara Shelley sont toujours aussi excellents. Les rôles secondaires sont eux aussi très bien tenus.
La photo automnale de Michael Reed et le décor contribuent à donner à l'ensemble un climat ténébreux assez fascinant et inhabituel. On peut regretter le côté "kitsch" du maquillage de la Gorgone… Mais le film mérite d'être vu.
C'est sans doute l'un des films les plus personnels de Terence Fisher, comme dans L'homme qui faisait des miracles, La nuit du loup-garou ou Les deux visages du dr Jekyll, il s'agit avant tout d'un mélodrame, d'une histoire d'amour tragique entre Paul Heist (Richard Pasco) et Carla Hoffman (Barbara Shelley) mais avec ici une mélancolie et un romantisme supplémentaires.La musique est elle aussi remarquable, une sorte de chant des sirènes en adéquation avec le propos du film.
Un chef-d'oeuvre donc… Mais le maquillage du monstre (serpents en plastique) est une catastrophe pas loin de flinguer l'ensemble du long-métrage. Il ne faut pas croire que ce soit des effets spéciaux datés: Christopher Lee ou John Gilling ont dénoncé en leur temps la médiocrité du look de la gorgone.
Rageant… mais est-ce une raison pour ne pas montrer ce film en France ?
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