La création de la ville de Rochefort a été décidée par Louis XIV afin d'y établir un arsenal maritime. Son architecture classique, rigoureuse, d'une grande beauté fière porte les traces de sa prospérité passée. Une prospérité fondée sur les activités militaires, mais aussi sur le commerce avec les Antilles et sur le grand nombre d'écoles navales jadis et aujourd'hui aéronautiques et de gendarmerie. Constellée de monuments historiques classés ou inscrits, elle est organisée autour de la place Colbert dans un plan à damier.
La ville s'était assez endormie, à la suite de la fermeture de l'arsenal en 1926 et de la préfecture maritime en 1927. Jusqu'à 1966 lorsque, après avoir quelque temps cherché,
Jacques Demy employa son extraordinaire photogénie par y réaliser son chef-d'œuvre, film enchanteur et enchanté. Miraculeuse alchimie dans un cadre ensoleillé d'une histoire jolie comme tout, d'une musique parfaite de
Michel Legrand et d'une distribution éclatante. Miraculeux, en effet : comment pouvait-on espérer réunir en un film la plus grande actrice du demi-siècle d'alors,
Danielle Darrieux et les deux sœurs les plus séduisantes de l'époque,
Françoise Dorléac et
Catherine Deneuve ? D'autant que, moins d'un an après le tournage,
Françoise Dorléac se tuait sur une bretelle d'autoroute ; comme elle nous a manqué !
Les demoiselles de Rochefort ont peut-être marqué le réveil de la belle cité endormie, que beaucoup ont, à la suite de l'immense succès du film, voulu découvrir. Aussi, vingt-cinq ans après, la municipalité a-t-elle souhaité commémorer les moments de grâce connus lors du bel été 1966 et convier à l'inauguration de l'avenue
Jacques Demy et de la place
Françoise Dorléac tous ceux qui pouvaient venir célébrer l'anniversaire.
Gene Kelly et
George Chakiris n'ont pas pu venir des États-Unis.
Henri Crémieux et
Jacques Riberolles étaient déjà morts.
Michel Piccoli n'était sans doute pas disponible.
Mais
Catherine Deneuve,
Jacques Perrin,
Michel Legrand étaient bien et bien là pour ce pieux hommage. Pieux hommage d'
Agnès Varda qui a tourné ces retrouvailles en y insérant des images du vrai film à un des films les plus éclatants de bonheur de toute l'histoire du cinéma,
Les demoiselles de Rochefort.
Et il est délicieux de voir ceux qui ont été figurants ou même simples silhouettes du film dire leur bonheur d’avoir vécu cette parenthèse lumineuse où ils se sont senti vivre dans un bonheur particulier ; dans un enchantement. "Le souvenir du bonheur, c'est peut-être encore du bonheur'', conclut Agnès Varda.
Dans un film, comme dirait François Truffaut dans La nuit américaine ?