Ayant revu le film, j'ai pu en analyser plus facilement sa construction. Et remarquer à quel point par moment cette histoire frise le ridicule, et l'artificiel (le spectateur est susceptible de décrocher). Heureusement tout finit par s'emboiter parfaitement, grâce au talent hors-norme de Michael Powell.
Mais l'intrigue de départ s'efface progressivement, jusqu'à disparaître… exposant les images et les sons du récit au jugement et à l'imaginaire du spectateur, posant les bribes d'un langage cinématographique moderne (on pense à L'avventura) … Le récit se focalise en particulier sur des regards, des attitudes, ou des mots, reflétant divers sentiments et émotions, confus, contradictoires, non explicités. L'accusé s'impose de façon bien imprévue comme le personnage central de cette histoire. Empli de contradictions, témoignant d'une noblesse d'âme, d'un certain mysticisme de pensée, tout en manifestant des caractéristiques psychologiques infantiles, il représente sans doute la face cachée du citoyen anglais type, tel que se l'imaginent alors les auteurs du récit…
A Canterbury tale témoigne d'une forte ambition : produire un spectacle "global", combinant le futile et le grave, pour débusquer la vérité derrière les apparences. Qu'est ce que l'existence, comment s'accorde-t-elle avec une civilisation très ancienne, porteuse de valeurs humanistes ? Des éléments de réponse sont suggérés par le biais d'une multitude d'idées. Tous les thèmes de la création sont passés en revue (réflexion sur le temps et l'espace, sur les formes des rapports humains), se combinant les uns les autres, de façon très élaborée… prenant l'exact contre-pied du point de départ si simpliste. Une vue en plongée représente dans un angle de l'écran une femme de ménage asticotant le sol de la basilique de Canterbury. Cette image module en un instant le lyrisme de la musique délivrée par l'organiste perché dans les hauteurs de l'édifice. Powell et Pressbuger montrent toute la grandeur d'un espace emblématique -la cathédrale de Canterbury-, berceau de la civilisation anglaise, et ses racines profondes : le produit de la contribution d'anonymes et de lettrés… A Canterbury tale représente, dans un élan lyrique somptueux, une société soudée par une concorde intergénérationnelle et par le dépassement de clivages sociaux. Mais un lyrisme à connotation fortement élégiaque – voir le regard désespéré et final du personnage principal-.A Canterbury tale est de mon point de vue un film magnifique, chef d'œuvre absolu, extraordinairement élaboré, merveilleusement écrit, réalisé et photographié. Et ne parlons pas de l'utilisation de la bande sonore et de la direction des acteurs… Comme le souligne plus haut Alholg, on n'a pas fini de faire le tour de cette œuvre artistique magnifique, et de la commenter.
Ce coffret a l'air de très belle qualité, mais son prix (60 euros en prix vert, puis près de 80 euros) me paraît quand-même excessif. Idem pour les coffrets Ozu, Truffaut (150 euros)… A qui donc s'adresse ce genre de produits ?
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