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Étrange western


De DelaNuit, le 19 août 2016 à 15:29
Note du film : 5/6

Dans la série des westerns étranges, ambigus et iconoclastes, Le cavalier noir de Roy Ward Baker, film anglais tourné en Espagne au début des années 60, tient une place de choix. D’abord, c’est un western un peu déroutant car il se situe dans un monde plus contemporain que d’habitude (les années 50) où les chevaux côtoient les voitures, et la présence de la blonde platine Mylène Demongeot est assez surprenante au milieu des autres habitants bruns du village… tout autant que les tenues noires moulantes de Dirk Bogarde paradant sur son cheval blanc, affichant dans son jeu une ironie très distanciée, mélange de cruauté et de préciosité… Et puis surtout, y sont traités non seulement la question de la place de la religion et de l’Eglise dans l’Ouest américain mais aussi des sentiments entre un prêtre et une jeune fille de son village, et encore plus fort, sentiments du « desperado » local (le fameux cavalier noir du titre français) à l’égard dudit prêtre ! Un intéressant triangle amoureux pour deux amours impossibles…

L’argument est le suivant : dans une bourgade perdue du Mexique, le bandit Anacleto impose sa loi. Farouchement anticlérical, il interdit aux prêtres d’accomplir leur travail. L’arrivée du nouvel envoyé de l’Eglise, le père Keogh, va susciter bien des remous. La jeune fille du grand propriétaire terrien local ne semble pas insensible à ce nouveau venu, et contre toute attente, le desperado non plus… qui s’interroge pour savoir si Keogh est par lui-même un grand homme que sa religion ne mérite pas ou si c’est cette religion qui le rend grand : « est-ce la chanson qui est belle ou le chanteur qui la rend belle ? »

Dirk Bogarde adorait les rôles ambigus et était très enthousiasmé par le scénario du film. Ayant déjà interprété un prêtre fraîchement défroqué peu de temps auparavant face à la divine Ava Gardner, pécheresse repentie sur fond de guerre civile espagnole, dans L’ange pourpre, il se glisse avec naturel dans les vêtements noirs et le pantalon de cuir noir moulant du bandit cruel mais sensible.

Les suppléments du film nous apprennent que Marlon Brando avait d’abord été envisagé pour incarner le prêtre, puis Charlton Heston, celui-ci s’étant désisté trois semaines avant le tournage à cause de l’ambivalence sexuelle du scénario (évidemment, avec Ben-Hur puis L’extase et l’agonie, ça commençait à faire beaucoup pour quelqu’un qui n’est pas à l’aise avec le sujet !)… à moins, comme le suggèrent d’autres sources, que ce ne soit la censure qui imposa un prêtre moins beau et plus âgé afin de ne pas offrir aux spectateurs un couple d’hommes trop magnifique. C’est donc le britannique John Mills, excellent acteur mais quelque peu fané et moins charismatique, qui endossa la soutane.

On pourrait penser que l’ambiguïté des personnages et de leurs sentiments mettrait mal à l’aise le réalisateur et les acteurs. En fait, ils furent gênés par tout autre chose : Roy Ward Baker avait du mal à mettre en scène le représentant d’une religion qui n’était pas la sienne, et Mylène Demongeot, très déçue de ne plus avoir Charlton Heston comme partenaire, avait bien du mal à s’imaginer amoureuse du vieillissant John Mills ! Dirk Bogarde de son côté, bien que ravi par le rôle, travaillait sur le fil du rasoir, prenant soin de garder une attitude ironique et distante pour empêcher son personnage de tomber dans le scabreux ou le ridicule.

Aujourd’hui, tout cela semble bien gentil car les échanges entre le bandit et le prêtre en restent aux sous-entendus, mais lors de la sortie du film en 1961, une partie du public fut plutôt choqué non seulement par cette attirance inhabituelle, mais aussi par la conclusion du bandit selon laquelle c’était bel et bien le chanteur qui lui plaisait (le prêtre en tant qu’homme) et définitivement pas sa chanson (la religion), dernières paroles du film tombant comme un couperet après la dernière étreinte extatique et dramatique des deux hommes gisant l’un sur l’autre dans la poussière au milieu de la rue après la fusillade finale. Réplique qui donne son nom anglais du film : « The singer not the song ».

Longtemps invisible (sa dernière sortie au cinéma date de plus de 20 ans), cette œuvre culte pour plus d’un cinéphile est enfin disponible en dvd de qualité en VO et VF (celle-ci édulcorant parfois le propos) chez Rimini Editions / ITV studios, avec en prime des suppléments passionnants qui permettent de mieux comprendre cette œuvre originale, qui mérite d'être (re)découverte.


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De droudrou, le 7 février 2006 à 13:10
Note du film : 4/6

Il semblerait que je sois le premier à émettre un avis à propos de ce film. C'est un sujet "pourri" au même titre que "La vengeance aux deux visages". Superbement interprété, sur un scénario qui ne recherche pas la facilité, il met en vedette deux acteurs excellents dont Dirk Bogarde qui, depuis, a fait une sacrée carrière dans le cinéma mais lequel, à mon sens, demeure connu des seuls cinéphiles.

J'aurai tendance à dire que c'est un film qui est passé totalement inaperçu et que, dans la mesure du sujet proposé, puisque mettant en scène un prêtre, une très jolie fille et un bandit de grand chemin, il a été d'emblée classé par le public.

Il faudrait peut-être le revisiter…

Le titre original du film "The singer but not the song" est directement tiré de la dernière réplique de Bogarde dans les bras de John Mills qui lui a donné l'absolution :

  • You are saved, Anacletto !

Anacletto qui se tourne sur le côté :

  • The singer, but not the song !…

Et il meurt.


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