Qu'il nous soit permis ici de saluer bien bas ce rôle des plus régalants de Fernandel. Sous-titré " L'Incorruptible ", sorti en 1938, cet Hercule est le rôle qui précède immédiatement celui du SCHPOUNTZ, dont il préfigure le schéma. En effet, il s'agit également ici d'un jeune Provençal un tantinet ahuri qui, partant à l'" aventure parisienne ", se trouve confronté du jour au lendemain à des responsabilités a priori au-dessus de sa modeste condition paysanne.

Mais ici la réflexion est double : ainsi, a l'instar du SCHPOUNTZ, Fernandel se débat contre une société parisienne et hermétique cependant, à la différence du film de Pagnol, il fait ici usage de sa simplicité ( et non d'un orgueil " schpountzien " conférant à la paranoïa ) pour se faire apprécier et en tire un bénéfice d'autant plus généreux qu'il le lègue pour ainsi dire aux employés du journal dont il est en charge, préférant pour sa part sa paisible retraite de Provence au tumulte de la vie citadine.

Fernandel nous livre ici un " entre-deux-Pagnol " des plus vivifiants. Car ce rôle, il en avait un certain besoin après avoir déconcerté, fin 1937, à travers son personnage du " Gédémus " looser et mesquin de REGAIN. Progressivement, et par de telles comédies, Fernandel romp peu à peu avec le troupier, qui lui avait permis ses premiers rôles, pour consacrer véritablement sa carrière aux plus hauts sommets du VIIème Art, par le biais de ces films souvent très empreints de théâtres qui lui assurèrent enfin une renommée à la hauteur de son talent.

Chapeau bas, au passage, pour l'interprétation aussi souriante qu'émouvante du " vieux Maffre " par Delmont, autre figure incontournable du casting de REGAIN et dont il semble, lui aussi, encore très marqué dans son jeu. Gaby Morlay, Jules Berry et Pierre Brasseur complètent magnifiquement la distribution de cette petite perle sortie en 1938, signée Alexandre Esway et Carlo Rim.